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Annabelle

Annabelle



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On peut être fasciné par une mauvaise action qu’on a prémédité. Indice
certain de la perversité. Je ne m’en suis jamais ouvert à quiconque
fut-ce à un prêtre ou à un psychanalyse. Je ris encore du coup joué à
mon ami et aux bonnes mœurs. Je frémis de l’audace dont je fis montre ce
jour-là. Je devais être agité du démon. Celui-ci était passé par moi
pour augmenter le désordre et la folie de ce monde. Peut-on résister à
cette tentation ? Il est si doux d’y céder. Je recommencerais si c’était
à refaire.

N’a t-on pas la femme qu’on mérite ? Un cocu donne le bâton pour être
battu. Le plus sage pour se garder d’un tel inconvénient est de rester
célibataire perpétuel. Il est trop périlleux d’avoir une femme trop
jolie et sensuelle. Elle sera convoitée inéluctablement. On ne tente pas
un proche ou un ami impunément. Alexandre, grand par la taille en
l’occurrence ne pouvait que choir de son piédestal. Cet ami avait tout
voulu : Honneur, richesse et femme magnifique. La magnificence se paie
cruellement. On se fabrique à bon compte des envieux.

J’avais été convié il y a dix ans à son mariage. Ce fut son jour de
gloire. Ils formaient un beau couple. Tout mépris ou médisance devait se
taire ce jour-là devant une telle évidence. On disait : ces deux-là vont
s’en sortir et faire mentir l’adage. Annabelle était rousse eu égard à
son sang irlandais. Je l’ai par la suite rapproché de la maîtresse de
Courbet dont celui-ci fit ce si célèbre tableau : l’Origine du monde.
Telle Hélène ce genre de femme n’a été mis au monde que pour l’Art et la
discorde. Ces considérations m’étaient à l’époque étrangères.

A chaque fois que je croisais cette femme, je ne pouvais réprimer un
ravissement. Je bénissais qu’elle appartenu à cet autre qui était mon
ami et qu’elle me fut en quelque sorte interdite voire sacrée. Je ne
pouvais que l’admirer de loin. Elle prenait mes hommages et mon
admiration comme chose allant de soi à la façon des reines. N’était-elle
pas le plus bel ornement d’un Roi-soleil ? Je nageais en ce temps là
dans la fable du bonheur mensonger. Je mis du temps à dessiller les
yeux. Qu’un homme trop subjugué est bête.

La première alerte fut lors d’une soirée arrosée de nouvel an. L’esprit
médisant reprit alors le dessus. Telle la mauvaise herbe on a de cesse
de vouloir la sarcler. Le jour vient de son inéluctable triomphe. Elle
aura tout recouvert (la médisance). J’ai toujours été oppressé de devoir
être témoin un jour de son invasion et de ne rien y pouvoir. L’ami était
ce soir-là objet de ce mépris. Ils commentaient les derniers déboires à
la bourse. Ils pariaient sur sa ruine. Celle-ci ne devait survenir que
plus tard. Puis il vint un nouveau son de cloche singulier.

Ils ricanaient sur son infortune conjugale. Il était notoire qu’il était
trompé. Sa tendre et chère épouse n’était plus de longtemps la sainte
qu’on avait loué. Tout cela me parut abracadabrant et médisance
gratuite. Je m’éloignais ulcéré n’en voulant entendre davantage. De loin
il me parut que ces gens étaient tous de parfaits imbéciles. Pour le
coup je me bouchais les oreilles. Je maudissais cette coutume que nous
avons d’invité chez soi l’envieux et ceux qui veulent nous nuire.
Pourquoi réchauffer un serpent dans son sein ?

Le coup le plus grave fut porté deux mois plus tard. Nous étions toute
une bande sur la jetée à Deauville à admirer l’océan. Cela chahutait. Il
y avait partout un air de bonheur qu’ont restitué les peintres. On songe
à Proust aussi et ses filles en fleurs. De loin Annabelle était l’une
des plus belles. Émue un peu lyrique à cause du vin je m’en ouvris à
Jacques, un ami. Il vint à moquer mon choix. Il préférait une autre non
moins jolie qui riait près de là. A bout d’arguments il asséna que sa
brune au moins avait meilleure réputation. Je fus bouleversé de cette
révélation. Je le suppliais alors de m’en dire plus.

Il marqua son étonnement que la médisance n’eut atteint jusqu’à moi.
Comment avais-je pu jusqu’alors conservé des oreilles chastes ?
Ignorais-je les turpitudes d’Annabelle ? J’appris que ce mariage avait
été des plus malheureux. Mon ami avait été un piètre mari. Il ne fallait
point être dupe qu’ils eurent des enfants. Il n’avait jamais su
contenter l’appétit sexuel de sa femme. Celle-ci ne tint pas longtemps à
jouer la vertueuse et à se résigner à une sorte de célibat. Cela tourna
à l’aigre. Le mari s’ensevelit dans le travail, elle prit cela comme
permission.

J’étais étonné de n’avoir rien vu. Comment avais-je été dupe de la
comédie ? Je sus peu à peu son nombre d’amants et de quelle qualité.
L’un et l’autre aspect me choquèrent. Je trouvais inconcevable qu’une
princesse put en un instant se muer en sorcière. Ce tour de passe-passe
est banal au démon. Je n’en voulus rien croire. Je dis à Jacques qu’il
me décevait de faire foi à de pareils ragots. Peut-être concédais-je
qu’elle avait pris une fois amant par dépit ou défaillance concevable du
mariage. Pour le reste cette femme demeurait pour moi la noblesse et
vertu incarnées.

Jacques vit qu’il m’avait blessé et ne protesta pas ni insista. Je n’en
regardais pas moins différemment mon idole. Elle discourait à ce moment
avec un italien, un richissime à la réputation sulfureuse. On disait que
sa fortune avait été trouvée dans les latrines. Il était laid genre
bossu. Il avait beaucoup d’esprit. Annabelle semblait sous le charme du
nain Voltaire. Je m’approchais comme par défi du couple. L’italien par
une grimace marqua son hostilité. Je vis qu’elle n’en pensait de même.
Elle savait mon intérêt voire ma jalousie.

Pour me faire pardonner j’entrais dans les vues de l’italien lui servant
la soupe. Je confirmais les beautés de cette Toscane dont il était.
J’encourageais Annabelle d’en faire un jour le tour. En même temps
j’observais celle-ci par le coin de l’œil. Effet grossissant de loupe je
découvris une autre planète. Il me parut vraisemblable que j’avais perdu
de vue cette femme. Elle n’avait plus rien à voir avec la madone
d’antan. L’amour rend aveugle. J’apprenais la rude leçon de l’éveil.
J’en voulus avoir le cœur net. Avait-elle péché ? J’enquêtais exerçant
bientôt la filature. Je me comportais comme eut fait un mari.

Dix jours après j’obtins mon châtiment mérité. Ce ne fut pas loin d’un
tremblement de terre. Je la surpris à déjeuner avec l’homme, notre
fameux toscan, ce macaque ridicule. Comment pouvait-elle trouver tant
d’esprit à ce genre d’imbécile ? Ses éclats de rire m’entraient
maintenant dans la chair comme des couteaux. C’était trop. Je crus
qu’ils allaient se quitter allant de leur côté. Au contraire ils
déambulèrent sur le trottoir en plein soleil. L’italien avec de grands
gestes assurait son numéro. Puis ils disparurent. Je mis un temps à
comprendre qu’ils étaient rentrés dans un hôtel.

J’entrais dans celui-ci peu après. Connaissant le nom du singe, je
demandais à la réception si mon ami avait pris une chambre chez eux. On
me dit que cet homme n’était pas inscrit. Je regardais vers le bar ou le
salon s’ils ne s’y trouvaient. Ils ne pouvaient avoir disparu. Il
restait l’hypothèse terrible que sous un autre nom il eut emmené
Annabelle dans l’une des chambres. Je m’installais face aux ascenseurs
affectant de lire un stupide journal. Mon supplice dura près d’une
heure. J’étais prêt à repartir quand sortie rayonnante Annabelle de
l’ascenseur ce sans son italien. Elle portait l’infamie sur son visage.

J’hésitais pour la ratt****r. L’eus-je fait je l’aurais insulté. Je
préférais de voir si l’italien à son tour viendrait. Je n’attendis pas
longtemps. Vingt minutes plus tard il exsuda son corps de l’ascenseur.
Là aussi je me retins de l’aller souffleter. C’eut été me rabaisser.
Dans le bus je tâchais de reprendre raison, de me convaincre que tout
n’était qu’anodin ou un rêve. Peut-être ne s’était-il rien passé ? Mais
alors pourquoi cette mise en scène, ce départ chacun son tour ? Et cette
chambre louée sous un nom faux ? Tout parlait adultère. Je revoyais
surtout l’air flegmatique de la catin.

Je sombrais dix jours en dépression. Je ne tins pas à revoir la femme ni
le mari ni mon ami d’alors. J’avais honte pour nous trois. Je me résolus
à un voyage que je projetais depuis un an et que j’avais différé. Il
s’agissait de visiter la Sardaigne et ses vestiges. Il fallait au moins
des siècles d’histoire et d’antiquités pour oublier cette femme ou du
moins en apaiser le souvenir cruel. Je serrais mon billet comme celui de
la chance et de ma Rédemption. J’étais prêt à ne plus revoir ni croiser
la maudite créature. Je vis à quel point elle m’avait rendu malheureux.
J’aurais dû tenir mon plan.

Une semaine avant mon départ je n’y tins plus. Dans un rêve ou plutôt un
cauchemar je l’imaginais prodiguant d’ignobles caresses à ce gnome
italien. Il fallait que j’humilie à mon tour cette fille. Je tapais son
numéro. Il fut convenu d’un déjeuner entre amis. Elle savait mon voyage
en Italie et m’enviait. Elle me dit par coquetterie que s’il n’y eut ses
enfants elle m’aurait sûrement accompagné. Je lui dis que cela pourrait
offusquer son mari. Elle rit. Celui-ci avait tant à faire. Elle ne
transpirait pas le scrupule. Elle ne suivait que sa loi. Son bon
plaisir. De go je décidais de courtiser.

Elle marqua de l’étonnement. Elle ne comprenait pas. Elle m’avait
toujours vu en amoureux transi. Elle crut que je blaguais. Puis elle
affecta d’être déçue. Elle me croyait ami sincère d’un mari. Je fis le
cynique et répondis que j’avais eu il y a un mois une femme mariée et ne
croyait plus en de telles billevesées. La vie était trop courte. Je
voulais prendre du bon temps. De toute façon je me lâchais dès à présent
pour exprimer un désir que j’avais eu tort de lui cacher. Il m’importait
peu qu’elle n’y répondit. Bref je ne voulais plus me contraindre.
J’étais un nouvel homme.

Après un temps de réflexion elle rit. Elle était contente que je sois
sorti de ce rôle de vaincu timoré. On avait trop mangé de laine sur mon
dos. Il était temps que je fasse partie du royaume des vainqueurs. Je
vis qu’elle ne comptait pas son mari dedans. Du coup je lui paru homme à
séduire et paré de toutes les perfections. Je vis apparaître la sorcière
entrevue l’autre fois. Ses seins se gonflèrent. Je perçus le
frémissement de ses cuisses sous la table. Panthère en action. Je
commandais du champagne. J’escomptais que celui-ci nous fit effet. Au
bout du troisième verre je lui parlais lit et plaisir .

Elle me dit que ce genre d’aveu d’un homme lui était trop familier. Elle
me demanda malicieusement s’il était concevable qu’un rêve ne put
toujours demeurer rêve. Elle me demanda s’il n’importait pas au nouvel
homme que j’étais devenu de ne plus vivre ainsi. Elle précisa qu’elle
aimerait s’assurer de ma métamorphose et de l’accomplissement. Elle
doutait encore que je pus passer à l’acte. Je ne serais pas le premier
téméraire à reculer. Regard dur et charnel, tout cela fut dit sur le ton
du défi. Je ne pouvais reculer. Je devais me venger. Je ne croirais plus
en une femme.

Je lui dis que je connaissais un hôtel où poursuivre la conversation.
J’affectais de dire cela sur un ton grossier dont une digne femme se fut
offusquée. On parle ainsi aux filles. Elle sembla y goûter. Elle se
dandinait ainsi que je l’avais vu faire. Des hommes se retournaient. Il
était manifeste que la poule qui m’accompagnait avait le feu au cul. Ils
m’enviaient. Une érection irrépressible me poussa. J’étais à mon tour
a****l. Valais-je mieux qu’eux ? Elle allait être à moi. A dessein je
choisis l’hôtel de l’italien tâchant de lire quelque émotion en on regard.

Elle demeura impavide tandis que sous mon nom je réservais. A la face du
monde j’allais me taper la femme de mon meilleur ami. Je procédais comme
à une sorte de suicide. Je portais désormais le deuil de mon innocence.
Elle se mira dans la glace de l’ascenseur. Je lui mis la main au cul.
Elle sourit. Nos bouches se mêlèrent pour la première fois. J’eus un
pincement de cœur qu’elle eut sûrement procédé pareil avec l’italien.
Dans la chambre elle consuma de nouveau mes lèvres. Elle ouvrit d’un
geste las ma braguette.

Ses gestes étaient sures. Dans une mi-pénombre elle me suça. J’adorais.
Ne m’étais-je pas menti ? Les autres eux s’étaient assumés. Ils ne
faisaient point tant de manières. Plus rien d’éthéré j’allais posséder
au propre une femme désirée. Quand je la vis nue je découvris une de ces
statues antiques que j’allais peut-être admiré en Sardaigne. Celle-ci
était vivante peu froide. Elle écartât ses cuisses exhibant en offrande
son fruit entre. Ses fesses comme les portes d’un temple furent
ébranlées, écartées, enfoncées. Je croyais violer. Ce fut félicité.

J’étais épuisé, vanné contre son flanc. Elle était prête encore à une
autre saillie. Il eut fallu le recours d’autres hommes aux glands
turgescents. Je n’avais plus qu’un sexe débile. Je plaignais maintenant
mon ami d’avoir dévolu sa vie à un démon. Telle une goule n’avait-elle
vidé d’autres couilles que les miennes et celles de l’italien ? D’autres
allaient nous succéder. Tous les hommes de la terre n’y suffiraient. On
ne vide pas une coupe jusqu’à la lie. Avant le voyage je tins à la
baiser encore une fois. Je voulais jouir de ce corps jusqu’à écœurement.
Je découvrais pour la première fois la luxure.

Quand je revins de mon voyage j’évitais de l’appeler comme il avait été
convenu. Elle comptait sur moi pourtant pour l’éblouir de l’Italie.
J’avais découvert là-bas mon sentiment profond pour elle. J’eus été
triste de la revoir et de la baiser encore. D’autant qu’elle m’avait
remplacé et que d’autres avaient du souiller son corps. Je sus que pas
mal d’amis de son mari m’avaient devancé profitant de ses bontés. Pauvre
ami et mari frappé alors d’un cancer et qui crèverait bientôt après que
sa ruine fut avérée. Un des nombreux amants vint peu après à l’épouser.

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