Cache-cache
Voilà plus de vingt ans que Sophie et moi, Marc, sommes mariés. Il y a une vraie complicité entre nous sur bien des points, mais depuis de nombreux mois un certain fossé s’est établi dans notre couple. Notre vie sexuelle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était il y a quelques années.
Pour tout dire, il y a un net décalage, entre mon propre désir : je pourrais faire l’amour à ma femme que je trouve plus belle que jamais, sans doute plusieurs fois par jour, alors qu’elle se satisfait de relations épisodiques. Je la soupçonne même de pouvoir envisager de ne rien partager sexuellement avec moi pendant des mois. Évidemment, cette situation a fini par être pour nous une source de tensions et parfois de conflits.
À plusieurs reprises, j’ai voulu aborder ce sujet avec la femme que j’aime, mais chaque fois sans succès. J’avais même la cruelle sensation, et c’était pour moi le plus difficile à vivre, que Sophie n’avait plus même le désir… d’avoir du désir.
Il me devenait de plus en plus difficile d’évoquer mes fantasmes que je ne pouvais pas partager, mais j’avais du mal à me résigner. Et puis, je crus m’apercevoir qu’un de mes désirs érotiques les plus chers rencontrait un certain écho chez elle.
Bien sûr, elle n’exprimait pas d’enthousiasme, mais il m’avait semblé discerner comme une lueur de curiosité à l’évocation de ce fantasme qui pour moi était récurrent : la voir faire l’amour avec un autre homme.
Avec le temps, j’étais de plus en plus insistant.
Je me rendais compte qu’elle avait peu de désir pour moi mais, quand je lui disais d’imaginer qu’elle était avec un autre homme, elle me laissait lui caresser les seins dans le lit, et je sentais même ses mamelons réagir à mes attentions !
Elle accepta finalement d’aller un peu plus loin, un jour d’été où nous nous retrouvions à la terrasse des Deux Magots. Je percevais bien qu’il y avait comme une sorte de glissement dangereux dans ce petit jeu qui s’instaurait entre nous, mais je préférais dans le désert sexuel où nous nous trouvions, au moins partager ce fantasme érotique avec mon épouse.
Nous parlions des hommes et des femmes que nous trouvions séduisants. Mais quand ce fut le tour de mon épouse, elle ne me parla pas des passants qui déambulaient devant nous, mais d’un type qui la matait depuis tout à l’heure et que je n’avais pas remarqué, parce qu’il était à ma gauche, légèrement en retrait.
En me retournant, je vis un mec qui avait une belle gueule, à la carrure plutôt athlétique mais qui, malgré son costard impeccable, dégageait pour moi quelque chose d’assez vulgaire.
Il avait un côté sûr de lui et arrogant qui me déplaisait vraiment, et j’étais étonné que Sophie puisse être attirée par quelqu’un comme lui, alors que je voyais bien d’autres hommes autour de moi qui me paraissaient bien plus séduisants.
Le mec était tellement imbu de lui-même et persuadé de son pouvoir auprès des femmes qu’il continuait à littéralement déshabiller ma compagne du regard, sans s’être sans doute même aperçu que j’avais remarqué son petit manège. C’était un « beau gosse » vraiment quelconque, mais, quand je me suis retourné vers Sophie, j’ai compris que l’essentiel était ailleurs !
Elle le buvait littéralement des yeux, et je devinai que c’était l’intensité du regard qui se fondait dans le sien qui l’attirait si fortement !
Pris à mon propre piège, j’essayai d’orienter la conversation sur des sujets plus neutres et, pour tout dire, d’une banalité confondante ! Mais, à mesure que je percevais chez elle, l’ennui qui se dégageait de ce que je lui disais, je ne pouvais qu’être inquiété et fasciné à la fois, par la lueur d’intérêt qui émanait de son regard dès qu’il semblait croiser celui de ce cruel inconnu !
Elle avait beau mettre beaucoup plus de délicatesse que « l’autre », à ne pas trop se faire remarquer, il était évident que c’était plus fort qu’elle ! Au bout de minutes interminables de ce petit jeu, je choisis le parti d’aller jusqu’au bout et de ne pas me dégonfler !
— Qu’est-ce que tu comptes faire ?
Je perçus immédiatement combien ma question la déstabilisa.
Elle eut soudain un sourire gêné et baissa son beau regard quand, à mon tour, je voulus le croiser. Et puis, au bout d’un long silence, elle releva la tête. Je me rendis compte alors que pour la première fois, depuis que nous étions de jeunes amoureux un peu timides et maladroits, elle se mettait à rougir !
Je vis que son attention était tiraillée entre ce qui ce passait à côté de nous, et sa présence (relative) auprès de moi. Je décelai chez elle, dès que ses yeux se dirigeaient vers lui, comme une sourde inquiétude. Comme la peur qu’il se dérobe !…
Mais finalement, même si c’était douloureux, j’étais venu pour ça !
— Tu souhaiterais le revoir ?
— Oui !
La rapidité et la spontanéité de sa réponse me prirent à contre-pied. Mais mon rôle, après tout, était aussi de lui faciliter les choses. Sans trop réfléchir, je me suis lancé, saisissant cette occasion inattendue.
— Je vais me lever et me diriger vers le boulevard. D’ici quelques secondes, tu vas te diriger vers lui et juste lui laisser ton numéro de téléphone. Et puis tu vas lui demander d’être là demain à la même heure au même endroit ! Après tu viendras discrètement me rejoindre. Je serais un peu plus loin. Je compte sur toi ! N’oublie pas que je te regarde !
Pour toute réponse, au bout d’un instant, elle sortit une carte de visite de son sac à main. J’imaginai l’autre gus en train de fantasmer sur ses superbes mains aux ongles incarnats, glissants le long du bristol !
Quand je me suis éloigné, je n’ai pas eu à attendre longtemps. Elle s’est levée, et il a pu mieux voir ses longues jambes magnifiées par des talons assez hauts et une jupe qui ne les couvrait qu’à mi-cuisse !
Ce qu’il a pu mater avantageusement aussi, c’est son décolleté assez profond, lorsqu’elle s’est penchée vers lui pour lui remettre sa carte « en main propre » !
De l’endroit où j’étais, j’ai vu alors clairement que leurs doigts se touchaient, et que cela se fit d’une façon brève mais volontairement appuyée ! L’échange de paroles fut tout aussi bref que cet unique contact.
Sophie maintenant se dirigeait vers moi, et lui ne perdait pas une miette de la vision de son ravissant fessier ondulant dans cette jupe qui me parut soudainement si étroite et moulante !
Lorsqu’elle m’a rejoint à l’angle de la rue, de façon à ce qu’il ne puisse me voir, je l’ai sentie toute émue, visiblement troublée. Elle paraissait un peu perdue, comme une adolescente qui, pour la première fois, vient d’avouer à un garçon qu’elle a du désir pour lui !
Volontairement, ni l’un ni l’autre, nous n’avons reparlé de tout cela. Nous avons seulement convenu que nous serions présents à cette même terrasse, demain à la même heure, avec cette différence près, que nous ne serions pas cette fois à la même table ! J’avais de toute façon toutes les raisons de penser qu’à une distance raisonnable, il ne me reconnaîtrait même pas !
Le soir même, malgré mes inquiétudes, j’ai pu apprécier les bienfaits de notre mise en scène. Sophie m’a laissé lui caresser les seins, et c’est elle d’ailleurs qui me l’a proposé. J’étais étonné, car en y réfléchissant, cela faisait très longtemps qu’elle n’avait pas pris une telle initiative !
Nous n’étions pas même couchés, regardant à la télé, par manque d’imagination, une série plutôt quelconque, quand elle m’a glissé à l’oreille :
— Tu veux me les masser ?
Sans me laisser même le temps de lui répondre, elle avait joint le geste à la parole, libérant un sein de son corsage, puis dirigeant d’elle-même ma main vers son mamelon.
Je n’ai pas eu besoin longtemps de ses encouragements. Je l’ai caressé, pétri, fait rouler entre mes doigts avec avidité. Mais c’était elle qui, ce soir, voulut prendre la direction des opérations !
— Tu veux le prendre dans ta bouche et me le sucer comme un petit enfant gourmand ?
Il ne me fallu pas longtemps pour me précipiter et goûter à la saveur succulente de son bout de sein qui manifestait par sa fermeté, la reconnaissance de mes caresses. Saveur d’autant plus sublime, que je n’y avais plus goûté depuis si longtemps !
Je m’abandonnai tout entier à ce plaisir voluptueux, quand vint s’insinuer en moi d’abord une image, puis une sensation, et enfin une certitude. L’image de ce type au café, et la certitude que Sophie était en train de réagir à mes caresses en pensant à lui !
Et puis ce soir-là, peut-être venait-elle de réaliser que ce n’était que moi. Elle ne me laissa pas en faire plus, se dégageant de ma tétée d’une façon plutôt sèche.
Si brutalement sevré, je n’ai pu m’empêcher, lorsqu’elle a quitté la pièce, d’aller discrètement me branler dans la salle de bain. Je pensais à elle, je pensais à lui, et cela m’excitait plus encore !
Le lendemain, je réalisais comme la veille, que ce type, par le seul fait d’exister, et d’avoir un rencart avec la femme de ma vie, s’était introduit dans notre sphère intime.
Le regard que je portais sur Sophie, que je trouvais plus belle que jamais, était attisé par la perception de celui qui l’avait si longtemps regardée au café, et qui provoquait depuis, chez elle, de bien agréables réactions…
Tous deux, nous sommes convenus qu’elle porterait ce jour-là une jupe sombre au-dessus du genou et fendue sur le côté qui mettrait particulièrement en valeur la clarté lumineuse de sa peau. Elle porterait des mocassins vernis avec des talons qui ont le pouvoir de magnifier le galbe de ses longues et superbes jambes. Et comme haut, un T-shirt tout simple et moulant. Ne portant pas de soutien-gorge, elle offrirait à la vue de son admirateur le relief prometteur de ses boutons de seins !
Je redécouvris ainsi, en sortant de notre immeuble, l’exhibitionnisme de mon épouse que je ne faisais alors que soupçonner. Ainsi vêtue, ou dévêtue, elle était rayonnante de beauté et attirait outrageusement les regards des hommes comme des femmes.
Une autre qu’elle aurait pu, habillée ainsi, paraître vulgaire, mais c’était curieusement tout le contraire qui se passait avec Sophie, marchant avec une classe qui immédiatement frappa mon esprit.
Certains esprits jaloux, ce jour-là auraient pu s’imaginer me voir marchant au bras d’une femme vénale. Je me trouvai en effet auprès d’elle si quelconque qu’elle ne pouvait apparaître que comme une luxueuse femme vénale !
Après avoir mesuré l’évidence du sex-appeal de mon épouse dans le regard des autres, nous avons décidé de nous séparer à l’approche du café.
C’est moi qui vins m’asseoir le premier et pus constater que la « proie » consentante était déjà là, exactement à la même table !
Je me plaçai de côté pour profiter au maximum du spectacle sans capter son attention ni celle de Sophie. Nous étions en effet convenus qu’elle devait faire comme si je n’étais pas là, sans jamais chercher à croiser mon regard. Le principe étant que, quel que soit ce qu’elle se permettrait avec cet homme, elle me laisse la possibilité de pouvoir rester aux premières loges !
Je ne réalisais pas alors à quel point cela pourrait être parfois compliqué…
Elle est arrivée peu de temps après et, sans hésitation, s’est approchée de lui.
Pas de décolleté plongeant cette fois-ci, mais la vision qu’il eut de sa poitrine était probablement plus impudique encore. Avec le bruit de la rue, je ne pus que deviner et parfois déchiffrer le contenu de leur conversation naissante. Ce que je remarquai immédiatement, c’était cet échange de sourire entre eux, cette atmosphère de tendre complicité qui sembla s’établir avec un tel naturel et me fit un pincement au cœur.
Avant la mise en place de ce petit stratagème, la complicité était devenue ce qui nous faisait le plus défaut à Sophie et à moi. Et je les vis là, d’évidence tous deux « sur la même longueur d’onde », simplement heureux d’être là et de se dévorer du regard l’un l’autre !
Cela me rappela, par un raccourci tendrement douloureux, mes premiers rendez-vous avec celle qui deviendrait un jour ma femme, alors que nous n’étions que de jeunes étudiants.
Assis, un peu à l’écart, je me trouvai désormais exclu de cette scène, comme acculé à une brutale solitude. J’avais l’impression qu’elle avait à nouveau vingt ans, et moi, à quelques mètres d’elle, je me sentis soudain si vieux et comme abandonné. Pourtant j’avais voulu tout cela, et malgré cette douleur diffuse qui m’envahissait, je ne voulais rien arrêter !
Il montait en moi une curiosité perverse. J’avais besoin de savoir. J’avais besoin de la voir. Je voulais savoir jusqu’où Sophie était prête à aller !
Leur attitude, leurs moindres gestes me fascinaient. J’avais l’impression de redécouvrir la femme avec laquelle je vivais depuis tant d’années, comme si je la voyais réellement pour la première fois !
Cette femme, qui me paraissait quelqu’un d’autre et dont j’étais en train de tomber amoureux, comme si c’était quelqu’un d’autre. Cette femme si sensuelle, si belle de se sentir désirée dont j’avais fini par ne plus déceler auprès de moi la subtile complexité.
Et puis elle lui prit la main ! Je ne m’attendais pas à ce que ce soit elle qui prenne l’initiative. Ils sont restés ainsi sans se parler, pendant de longues minutes, juste à savourer cet instant, avec ce sourire irréel que peuvent avoir les jeunes amoureux. C’est elle encore qui s’est penchée vers lui pour lui glisser quelques mots à l’oreille.
Après avoir réglé l’addition, ils se sont levés. Alors que j’étais absorbé par le spectacle qu’ils m’offraient et que j’essayais de capter le moindre frémissement qui les unissait, je faillis être surpris par ce geste brusque. Ils s’éloignaient déjà le long du boulevard, et je n’étais pas préparé à ce nouveau rôle d’espion d’un scénario qui avait sa part d’imprévu !
Tel un détective privé – de ma propre vie privée – j’étais derrière eux, plutôt maladroit à quelques mètres, obsédé par la crainte de les perdre. Une fois encore, je vis ma femme, cette fois aux bras d’un autre homme, onduler sensuellement des hanches le long du trottoir.
Son prétendant laissant, quant à lui, glisser ses doigts négligemment, frôlait maintenant le haut de ses fesses. À chaque mouvement de sa croupe, les doigts effleuraient outrageusement la raie de son sublime fessier…
Malheureusement, d’autres passants bientôt nous ont séparés, et j’ai tout juste eu le temps de voir mes amoureux s’engouffrer sous un porche ! Il fallait que j’y aille moi aussi, sans trop me poser de questions, au risque de les déranger.
Je me suis vite rendu compte que mes inquiétudes n’étaient pas fondées ! Je suis passé derrière eux sans qu’ils s’en aperçoivent, bien trop occupés à se rouler une pelle à côté des broîtes aux lettres en s’enlaçant d’une façon qui me parut indécente. Visiblement, ils n’avaient pu résister plus longtemps !
J’ai monté quelques marches pour ne pas les perdre de vue sur le palier supérieur, mais très vite il m’a fallu changer de « planque » !
— Montons vite ! J’ai terriblement envie de toi, mais ici, il y a trop de passage !
Encore une fois, c’était Sophie qui menait la danse !
Ils ont pris un ascenseur à grille, comme on en trouve fréquemment à Paris dans les vieux immeubles, visiblement en quête d’une alcôve un peu plus discrète. J’espérai seulement qu’elle n’avait pas soudain oublié les termes de notre contrat et qu’elle ne se déroberait pas totalement à ma vue !
En montant l’escalier quatre à quatre, j’ai certainement battu mon record de vitesse !
Il y avait un renfoncement au bout d’un ultime escalier qui montait à la chambre de bonne.
Je m’y suis engouffré en espérant qu’ils n’auraient pas la même idée !
Je compris que c’était l’intention de son partenaire. Comment aurais-je pu imaginer que la phrase que j’entendis susurrée par mon épouse provoquerait chez moi un soupir de soulagement ?
— Non, je préfère qu’on reste là. Et que tu me prennes ici sur la moquette !
(À suivre…)
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