Je cherchais un cadeau pour les 60 ans de ma mère au début janvier. Il me fallait quelque chose pour marquer le coup, pas une connerie à deux balles comme j’en avais l’habitude. J’avais pensé à un tableau, comme une estampe japonaise ou un fusain, seulement, trouver des originaux, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une meule de foin ou alors, il faut s’appeler Crésus.
Je me baladais dans un centre-ville en pleine effervescence, les fêtes de fin d’année étaient proches. Autant dire que si j’avais, ne serait-ce qu’essayé de me marcher sur mes pieds, cela aurait été mission impossible, les passants s’en chargeaient à ma place, une horreur. C’est dans une étroite ruelle que je me suis réfugié, le ras le bol de cette populace qui se bouge comme autant de vague sur une mer déchainée. C’est une enseigne qui se met à clignoter qui attire ma curiosité. Très vite, je me suis retrouvé devant la porte d’une galerie d’art, bien planquée dans cette ruelle. J’ai poussé la porte et là, je suis tombé en extase, j’avais trouvé THE lieu pour y dénicher le cadeau de ma mère. Des fusains, des huiles, des gravures, je ne voyais que ça tout autour de moi. C’est vite fait, je ne sais plus où regarder. Une jeune femme s’est approchée de moi.
– Bonsoir, puis-je vous aider ?
– Et comment, je cherche un tableau pour l’anniversaire de ma mère. Maintenant, un fusain, une estampe, une gouache, que sais-je encore. À vrai dire, je n’en sais encore rien. Cela étant, je veux lui offrir une œuvre d’art digne d’elle.
– Vous avez dit estampe, japonaise l’estampe ?
– Je veux, oui, nous en possédons déjà trois du XVIième siècle, dans la famille. D’après ce que j’en sais, c’est un diplomate japonais qui les a offerts à mes arrière-grands-parents pour un service rendu, lequel, on n’en sait rien.
– Je vois ça. Alors faites un tour, vous avez jusqu’à 22heures pour dénicher la perle rare.
– Eh bien, il est à peine 14heures, cela me laisse juste assez de temps, merci.
– Je suis là-bas si jamais. Heu, derrière ce rideau, il y a une autre exposition.
– Sur quel sujet ?
– Disons plus osée, ce sont des œuvres dans le plus pur style japonais faites par une artiste locale.
– Oh, je vois. Super, merci.
– Pas de quoi, bonne visite.
Me voilà en train de voyager dans un monde féérique, je passe de paysages fantastiques à des paysages imaginaires. C’est bien foutu, c’est par thème. Les animaux imaginaires attirent mon imaginaire. Devant un tableau, une grande gravure japonaise qui représente un pêcheur au milieu de poisson, un détail me fait douter de quelque chose. Je ne sais comme le dire, mais j’ai la nette impression qu’il y a deux tableaux en un. Comme je ne veux pas toucher l’œuvre, il me faut un autre moyen. C’est mon téléphone portable qui me donne la solution. Hop, une photo, pas mal, elle est nette. Je retourne le tout de 180 degré et… Ben oui, c’est exactement ce que je pensais, la gravure et, comme contre le mur, très sage, très belle même, mais une fois à l’envers, c’est une toute autre scène qui s’offre à mon regard. Une scène pas la plus bucolique qui soit. On y voir une femme attachée et baisée ou violée, c’est à voir. Sur son corps, on peut y voir des zébrures sur son corps. Donc, je penche pour une scène de torture japonaise et violente.
– Je m’excuse, pourriez-vous me dire qui est l’auteur de cette grande gravure japonaise sur le mur près de la statue du dragon ?
– Oui, ce n’est pas un artiste japonais, mais un jeune femme qui vit ici, en ville. Elle a fait de nombreux séjours au Japon, une petite dizaine qui duraient entre deux et six mois. Pourquoi cette question, il y a un problème ?
– Un problème ? Non, pas du tout, sauf que la gravure est double. Regardez cette photo. Là, c’est normal, on voit les poissons, les filets et le pêcheur et maintenant ?
– Oh mon dieu, c’est une scène de sévices sadomasochistes japonais et bien faite.
– Effectivement, elle vaut combien ?
– 1200.-, Monsieur.
– Je vous la prends alors. Je repasse après, je veux voir le reste. Oh, je vous laisse ma carte d’identité pour que vous puissiez faire l’acte de vente.
– Très bien, je vous laisse poursuivre.
Je refais un tour, des fois que je découvre d’autres œuvres doubles. Je crois bien avoir fait des photos de toutes les tableaux de cette première partie, il n’y en avait qu’un qui était à double tranchant, si je puis dire.
Je passe donc allègrement le rideau et là, j’ai eu une de ces putains d’érection, de celle qui vous font hurler tellement elle vous fait mal. Shibari, scène SM, scène érotique, fétichiste, il y en a pour tous les gouts. C’est un premier tout rapide que je fais, notant, au passage, les œuvres pouvant m’intéresser. Puis, au second tour, j’approfondis avec minutie, traçant celle qui ne m’attire plus de ma liste. Au final, il n’y a plus que deux estampes traditionnelles avec pour sujet le fétichisme, trois gravures sur le Shibari et le sadomasochisme ainsi qu’une grande gouache représentant une salle de torture et une femme salement entreprise par un bourreau aux traits sadiques. Là encore, mon œil perçant remarque un détail tout con. Un détail qui va me faire entièrement revoir ma liste. Un visage, celui de la femme qui figure sur toutes ces œuvres. C’est toujours le même, un peu mit à la mode japonaise, mais un visage identique sur tous les tableaux. Je retourne voir l’employée de la galerie.
– Dites-moi, derrière le rideau, c’est tout du même artiste ou je me trompe ?
– Pas du tout, vous avez totalement raison. C’est la même artiste que pour la gravure. Du reste, elle devrait passer d’ici à 20 heures. Oh, il me faut votre signature pour la gravure.
– Et de quoi vous régler la note. Un chèque, ça vous convient ?
– Parfaitement, tous les modes de payement sont acceptés.
– Voilà, le chèque et je pense que je vais vous prendre d’autres œuvres. J’y retourne. Excusez-moi, auriez-vous de quoi écrire, un petit calepin par exemple.
– Très certainement, voici, monsieur.
– Merci !
Derrière le rideau, je fais encore plusieurs fois le tour des tableaux suspendus, faisant et défaisant ma liste. Je me sens perdu, si j’avais eu les moyens, je les achèterai toutes sans exception. Sur la plus grande estampe, celle où cette femme est solidement attachée et posée sur ce qu’on appelle un âne espagnol ou chevalet, voire tréteaux. Le visage est nettement le plus détaillé. On y lit la douleur, mais pas que, le plaisir se laisse aussi entrevoir. Derrière, on voit un vieil homme, le regard sadique, un long fouet à la main. La femme subit trois supplice en un. Car sur ses seins, je peux aisément voir qu’ils sont alourdis par des poids assez conséquent, du lourd. Plus j’examine, plus je cherche le détail qui fait toute la différence, plus je m’aperçois que cette artiste m’interpelle, m’attire. J’ai même cette forte impression qu’elle m’appelle à la rejoindre dans ses tableaux comme le spectateur de ses orgasmes. Voilà, j’ai arrêté une liste. En tout j’ai sélectionné dix pièces.
– Je vois avec plaisir que mes œuvres vous intéressent.
– Pardon ? Oh, bonjour, c’est vous l’artiste, la créatrice de tout ça ?
– Oui, Isabelle de L’Avançon.
– Permettez que je vous serre la main. Je suis Alain Clairmont. Je suis en admiration devant vos chefs d’œuvres. Oh punaise, déjà 20heures !!!
– Margot m’a dit que vous étiez ici depuis le début de l’après-midi ? (Me dit-elle avec un sourire amusé.)
– Effectivement et je n’ai pas vu le temps passer. (Je riais en lui répondant)
– Voudriez-vous boire quelque chose ?
– Je crois que je vais surtout aller manger, mon estomac crie famine.
– Alors, permettez-moi de vous offrir un bon repas. Ainsi, nous pourrons discuter du tableau double sens. Remarquez que vous êtes bien le seul qui doit l’avoir remarqué, ce sens caché.
– Je le dois à un œil humain caché dans le poisson rose. Et puis, votre visage sur tous vos travaux.
– Perspicace en plus, un sens aiguisé de l’observation, ça me plait ! Venez, on va manger. Je peux voir votre liste, merci.
Elle scruta ma liste tout en se dirigeant vers la sortie. Je la suivais de près. Dehors, sans même levé le nez de ma liste, elle se dirigea vers un petit restaurant à l’autre bout de l’étroite ruelle. Elle pousse la porte, s’installe à une table sans ne plus me remarquer. Puis, elle plonge son regard dans le mien, me fixe longuement. Elle devait certainement se poser des questions à mon sujet. Il est vrai que je n’avais rien d’un riche collectionneur. Je ne serais dire à quoi elle pensait avant qu’elle ne me demande si je contais acquérir l’entier de ma liste.
– Bien entendu, tout dépend du prix. Je n’ai pas un budget de milliardaire.
– Je vois ça. Bien, je vous invite, alors choisissez ce qu’il vous plaira.
– Merci, c’est très sympa de votre part. J’ai cependant une question, c’est bien votre visage sur vos tableaux ?
– Oui, pourquoi ?
– Parce j’ai la nette impression que c’est aussi vous, cette femme qui subit tous ces supplices, avant de peindre ces scènes, je me trompe ?
– Non, c’est bien moi. vous savez, depuis quelques années, je me rends régulièrement au Japon. Je ne vais pas que peindre, graver ou dessiner, j’y vais surtout parce que j’adore leur SM.
– Je vois ça. Souffrir ne vous fait donc pas peur ?
– Qui vous parle d’avoir mal ? Non, la douleur, celle que je recherche, elle fait partie intégrante de l’orgasme. C’est le subtil mélange entre douleur et plaisir qui fait de moi ce que je suis.
Pendant toute la durée du repas, elle me parle, me décrit ses séjours au Japon, la rencontre avec un Maître du Shibari et grand connaisseur des supplices médiévaux. Elle m’intrigue autant qu’elle commence sérieusement à me plaire. Si ce n’est pas encore physiquement, c’est plus par sa manière de voir le sexe sous un autre angle que la position du missionnaire ou de la levrette dans le noir. Cependant, elle met un point d’honneur à me dire qu’elle n’a été baisée qu’à trois reprises par ce Maître lors de séance particulièrement jouissives. Puis, peut-être gêner par son franc parlé, je détourne la conversation sur mes estampes du 16ième. Je lui parle de nos démarches pour les faire authentifier, comment le Japon a voulu les récupérer avant de définitivement nous les abandonner suite à des documents trouvés dans leurs archives. Elle est terriblement emballée et ne cesse de me demander pour venir les admirer au plus vite. J’avoue que l’idée n’est pas pour me déplaire. Pourtant, je refuse dans un premier temps, argumentant mon refus par l’état de propreté de mon appartement. Cela la fit rire aux éclats, un rire un brin moqueur sur les hommes et le ménage. J’avoue que je ne peux lui donner tort. Je reviens sur mes estampes, les décrivant comme érotiques, on y voit une femme prise par un ou deux hommes sur les deux premières et faisant l’amour avec une autre femme sur la troisième. Elle semblait d’autant plus excitée qu’elle insiste encore pour passer les voir.
Après un dernier verre, il n’est pas loin de minuit, nous sommes retournés à la galerie qui était fermée. C’est par l’entrée de l’immeuble voisin, elle nous fait entrer par la porte de service. Là, elle allume toutes les lumières. Tableau après tableau, elle me fait le récit des circonstances de l’œuvre, de ses plaisirs, de ses douleurs, de tout ce qu’elle a ressenti en étant suppliciée par ce Maître en question. J’avoue que dans mon pantalon, ce n’est pas pire que la description d’un supplice que ma guide a subi. Le jour va se lever, nous buvons un café dans une sorte de bureau quand elle tombe sur mon chèque.
– Écoutez, Alain. Vous êtes le premier à vous montrer aussi intéressé par la genèse de chacune de mes œuvres. Si je me réfère à votre liste, il y a une petite dizaine de mes œuvres qui vous plaisent plus particulièrement. Je vous propose un deal. Si vous me les prenez, je vous en offre trois sur les dix. Ce qui, entre nous, vous ferait dépenser environ 7500.- au lieu des 11.000.- et quelque au prix du catalogue.
– Voilà une offre très alléchante que je vais accepter. J’avoue que de les avoir chez moi, feraient de moi un homme heureux. De plus, pour entourer mes trois estampes, elles seraient top. Maintenant, si vous me laisser…disons deux ou trois jours, le temps que je fasse mon appartement à fond, je vous inviterai à venir manger chez moi et voir mes trois estampes.
– Ça marche, de plus, si je veux, je pourrais même venir pendant que vous feriez votre ménage, vu que nous avons votre adresse. Alain, comment vous le dire, si, vous me plaisez par votre franchise. De plus, vous n’êtes pas comme ces hommes qui, sous le couvert de voir mes œuvres, pensent pouvoir faire de moi leur chienne bien docile.
– Loin de moi cette idée. Mais attention, c’est comme on dit, l’occasion fait le larron.
– C’est ma foi vrai ! Bon, je suis terriblement fatiguée, si on allait déjeuner avant que chacun ne rentre de son côté dormir un peu ?
– Sauf que fois, c’est moi qui invite. Ma voiture n’est pas très loin.
– Je vous suis, je suis venue avec le bus.
On est allé déjeuner à l’autre bout de la ville, près de chez moi. Puis, après ce repas matinal pour goinfre affamé, je l’ai déposée devant chez elle. Elle vit dans une jolie petite maison avec un atelier au fond du jardin. Je ne me suis pas attarder, une violente attaque de paupière m’oblige à rentrer. Dans mon lit, son visage trituré par l’orgasme ou la douleur ne cesse de me tourmenter, s’en est même un supplice, un merveilleux supplice. Je bande comme un âne en l’imaginant nue, solidement attachée et moi qui abuse de son corps avec mes mains et ma queue. Dans le milieu de l’après-midi, je remarque que mes draps sont tout tachés. Ben oui, j’ai pris mon pied.
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