Résumé : une célébration érotique entre amis, la nuit, en forêt.
C’était il y a une dizaine d’années. Nous étions trois couples amis sur la fin de la trentaine : Nath et Christian, Karine et Bernard, Laurence et moi-même. Les enfants des uns et des autres dormaient chez leurs grands-parents ou surveillés peur leurs baby-sitters, et nous six, à la nuit tombée, avions pris la direction de la forêt où une fine couche de neige recouvrait le sous-bois hivernal. La pleine lune accompagnée d’étoiles nous éclairait alors que nous cheminions sur un étroit sentier. Nous devions nous relayer pour porter notre encombrante caisse de matériel.
Arrivés dans la clairière qui était notre destination prévue, nous avons remonté l’objet que nous transportions : un grand autel de bois et de polystyrène expansé, soigneusement peint et décoré par mes soins, installé juste dans l’axe de l’étoile Polaire. Tout cela nous semblait une scène irréelle, comme un rêve, et pourtant, nous l’avons fait, isolés que nous étions au milieu de la vaste forêt de chênes et de hêtres dévêtus de leurs feuillages.
Dévêtue justement, il a fallu que ma chère Laurence le soit, malgré le froid, car la nudité complète est nécessaire à la célébration de la Femme dans son écrin forestier. Mais si elle frissonnait, ce n’était pas parce qu’il gelait, mais à cause de l’émotion de vivre ce moment particulier. Elle, si pudique habituellement, se trouvait au centre des regards, et après avoir pris son temps pour quitter un à un tous ses vêtements, elle s’est allongée au centre de l’autel, sur le dos, bien droite, et encore a-t-il fallu, parce que je le lui avais ordonné, qu’elle écartât les cuisses le plus largement possible, son intimité offerte à la nuit comme une sacrifiée aztèque. Son beau buisson brun, sauvage et non taillé, entourait son épiderme d’albâtre que la lueur lunaire magnifiait superbement. Mes amis Christian et Bernard étaient déjà en érection ; Nathy et Karine mouillaient leur culotte. Ce n’était pourtant que le commencement de notre messe charnelle. La lumière lunaire semblait surnaturelle.
Il le fallait absolument : Laurence s’est complètement détende, afin de percevoir l’incroyable mystère dans lequel elle et nous étions baignés. Cela n’est pas facile pour une Occidentale, baignée depuis l’enfance dans le bain matérialiste et cartésien qui exige des évidences et des objets palpables, qui veut la pleine lumière afin de tout comprendre avec son intellect. D’ailleurs, il m’a été difficile de la convaincre de participer à cette cérémonie. Ici, nous étions venus pour célébrer le mystère qui se perçoit grâce à l’intuition, mais ne se comprend pas avec le cerveau. En conséquence, il lui fallait lâcher prise et s’abandonner au mystère.
Avec douceur, je lui ai massé les pieds. Elle ne sentait déjà plus le froid. Les chênes environnants, par leurs ombres étranges, commençaient à lui communiquer leur profondeur d’êtres vivants surgis des siècles anciens d’où ils étaient issus. Notre vie n’est qu’une étincelle, un ilot dans l’océan cosmique où nous nous baignons sans en avoir conscience.
Il est possible d’atteindre cet état par la méditation solitaire en appartement, mais cela nécessite une longue pratique et beaucoup de motivation. La forêt agit comme un catalyseur. Il lui suffisait de sa laisser pénétrer par l’étrangeté de sa propre lumière intérieure, une force qu’elle avait toujours ignorée, comme la plupart des gens vivant dans la civilisation technologique.
Elle n’avait pris aucune substance illicite. Pas d’alcool, non plus. Tout ceci est inutile, et probablement néfaste. Durant les deux jours qui avaient précédé, elle s’était même astreinte à un jeûne, ne consommant que de l’eau parfois mêlée de tisanes et de thés, sans plus. Le système digestif à l’arrêt, toute son énergie était disponible pour sa révélation intérieure.
Nous n’avions pas choisi cette nuit au hasard. Ma chère Laurence se trouvait au début de ses règles, lesquelles étaient habituellement douloureuses, douleur qu’elle traitait jusque-là par différentes molécules en réalité plus toxiques à long terme qu’efficaces. Mais pas ce jour-là. Rien ne devait polluer ce moment-là. D’ailleurs, une fois atteint le point de bien-être intérieur, le regard plongé dans les étoiles, elle ne souffrait plus. Quelques gouttes de menstrues s’écoulaient le long de ses cuisses blanches. Elle souriait, détendue.
Je lui massais toujours les pieds, appliqué, les mains huilées de parfums précieux d’argan. Un par un, chacun de ses muscles se décontractait du stress de sa vie urbaine, frénétique et compliquée : la première marche de l’escalier menant vers la plénitude de son être.
La seconde marche consistait à se défaire de tout embarras organique. Relâcher fluides et gaz, même devant témoins, sans embarras, sans regret. Assumer son a****lité, le lien avec la terre humide. Uriner sur l’autel le thé qu’elle avait bu avant de venir ne lui a pas posé de problème. Pour le reste, elle s’était administré un lavement dans l’après-midi, afin d’être tranquille. Pleurer, aussi, sans pudeur ni avoir à s’expliquer, pour son enfance perdue, pour la nostalgie, pour ses angoisses de ce jour et celles de toujours, ses cauchemars récurrents, pour la beauté du paysage nocturne, pour la promesse de la volupté à venir. Laisser son corps se vider, se libérer, s’expurger de toute sujétion biologique. À la fin, elle gémissait d’aise. Il restait à passer à l’étape suivante.
À ce stade, malgré le fait que nous l’observions, le froid aidant, elle aurait pu sombrer dans un sommeil paisible. Seule, elle aurait même pu mourir d’hypothermie, paisiblement. Je l’ai donc encouragée à se caresser avec ses doigts, elle qui, avant de me rencontrer, ne pratiquait guère la masturbation en solitaire.
Depuis toujours, elle avait éprouvé des difficultés pour atteindre le plaisir. J’avais moi-même fait l’expérience de cette frustration au cours de nos relations intimes. Même au plus fort de la stimulation, son esprit était constamment perturbé par des considérations non érotiques qui l’empêchaient de rejoindre la joie suprême. Mais cette nuit-là, guidée par ma voix et surtout par la puissance des éléments nocturnes, nos alliés, elle a enfin abordé le rivage de l’extase sexuelle, la félicité véritable, sans pénétration ni l’aide vibratoire d’un jouet coquin. Plus tard, elle m’a raconté qu’à ce moment-là, il lui a semblé qu’un mystérieux faune issu des profondeurs de la forêt copulait avec elle en la fouillant jusqu’aux tréfonds de son âme et que si cette créature fantastique était restée invisible à nos yeux, c’était parce que la rencontre s’était produite dans une zone inaccessible aux sens ordinaires. Qu’un tel témoignage soit difficile à croire, soit ; il n’en reste pas moins certain qu’elle a éprouvé un fabuleux orgasme qui l’a conduite à pousser de bizarres feulements de chatte énamourée, tout en se tortillant d’une manière frénétique, allongée sur l’autel de sa mystérieuse luxure. Il a fallu que Karine lui maintienne fermement les épaules ; autrement, elle aurait pu tomber sur le sol gelé et se faire mal. Les tétons saillaient vers le ciel d’encre de Chine et les seins durcis arboraient un magnifique réseau de veines apparentes. Jamais elle n’avait été si intensément Femme, jamais cri de louange n’avait été si authentique que cette nuit-là.
La Lune nous regardait de son grand œil complice. Laurence saignait beaucoup – en provoquant une contraction de l’utérus, l’orgasme, s’il est suffisamment intense, accélère le flux menstruel. Nous cinq, qui l’observions, avons prélevé sur nos doigts quelques gouttes du précieux nectar féminin afin de le porter à notre bouche et de communier avec notre amie au mystère éternel de la Femme fertile et créatrice de joie. Laurence regardait la Lune et remerciait celle-ci de l’avoir aidée à monter à l’échelle de la chair jusqu’au sommet du bonheur sexuel. Malgré le froid et les menstruations, elle ne s’était jamais sentie aussi bien dans son corps.
Laurence a voulu prolonger sa béatitude, avec notre aide. Elle refusait de rentrer déjà à la maison. Elle voulait être arrosée de semence. Nous, les trois hommes, avons abaissé nos braguettes afin d’éjaculer, presque en même temps, sur ses jambes et ses seins, en prenant garde à ne pas atteindre le trou noir vaginal, car elle ne prenait aucune contraception et ne voulait pas d’enfant. Nous étions si excités que cela n’a pas pris plus de trois minutes et ne nous a pas empêchés de bander encore, car nous nous étions astreints à un jeûne sexuel de deux semaines. Les traînées de sperme gras maculaient la peau blanche de notre amie : une seconde voie lactée, galaxie séminale qui signait notre désir fou d’elle. Les gouttelettes de semence brillaient sous la Lune. Christian surtout avait incroyablement déchargé en plusieurs longs jets brûlants sur les mamelons ronds. Le tableau était magnifique : le cosmos tout entier allongé sur l’autel. Dans le même temps, agenouillée devant l’autel, Nath lui a dispensé un cunnilinctus tout en fourrant ses doigts dans le vagin. Karine, qui venait de se dévêtir, est montée sur l’autel et s’est assise sur la tête de Laurence, la vulve au contact de la bouche dans laquelle elle a aussitôt pissé. Laurence a tout bu. Karine avait également ses règles – elle avait fait exprès, en arrêtant sa pilule deux jours avant : elle sécrétait un nectar carmin délicieusement odorant dont elle a régalé notre amie de l’abondance rouge, et nous aussi, les hommes, en l’étalant sur ses doigts qu’elle insérait dans nos bouches gourmandes. Pendant ce temps, Nath continuait de stimuler le clitoris à petits coups de langue, tout en fourrageant son index dans l’anus, ce qui a provoqué des spasmes frénétiques et des cris orgasmiques qui ont résonné dans la forêt endormie.
Puis Bernard et Christian ont remplacé Karine en glissant en même temps leur pénis encore dur entre les lèvres de Laurence. Pour ma part, c’est entre les plantes des pieds tout luisants que j’ai fait coulisser ma verge. Rarement j’ai joui avec une telle puissance. Karine et Nath ont sucé les pieds en lapant mon sperme, tandis que j’ai continué le cunnilinctus. Au moment où deux compères masculins ont éjaculé dans la bouche, nous étions tous si frénétiquement excités que l’autel s’est écroulé sous l’effet de nos mouvements. La partie fine s’est terminée dans un grand éclat de rire.
Laurence et moi nous sommes séparés l’année suivante. J’ai perdu de vue les deux couples amis. Mais je me souviendrai toujours de ce moment fantastique que nous avons passé ensemble, tous les six, sous l’œil bienveillant d’une Lune érotique.
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