Cette histoire fait suite à la série commencée par initié par un couple libertin, suivie du mâle oméga, mais peut très bien se lire indépendamment.
Cinq années s’étaient écoulées depuis que j’avais quitté Gwen et Tom, ce couple de Britanniques fortunés auprès duquel j’étais resté pendant un an comme esclave sexuel. À vingt-cinq ans, je vivais en couple avec Rose, une femme de quarante ans ravissante, libre et distinguée, qui m’entretenait comme amant à demeure dans sa vaste propriété de Bretagne sud. Cela ne l’empêchait pas de multiplier les liaisons passagères, autant avec des hommes qu’avec des femmes, car ma chère et tendre était bisexuelle. Pour moi, la vie s’écoulait paisiblement, oisive, faite de rencontres charmantes et ponctuée de moments en amoureux avec ma douce Rose.
Aux beaux jours, nous passions nos soirées dans le parc de sa propriété, bien à l’abri des regards derrière les grands pins, afin de nous aimer charnellement sous les étoiles que nous regardions s’allumer tandis que nous forniquions avec amour.
Tout en cherchant du travail, car malgré le luxe dans lequel je vivais, je commençais à m’ennuyer, j’ai rencontré Julie dans une entreprise où je venais passer un entretien d’embauche. Elle travaillait comme secrétaire de direction, la cinquantaine élégante, bon salaire, un mari aimant, mais tristement conformiste et aux idées quelque peu étriquées au sujet de la morale. En présence de la famille et des amis, il avait l’habitude de se lancer dans des mercuriales qui avait le don d’énerver silencieusement sa docile épouse. Celle-ci, mariée puis maman très jeune, restée jusque-là toujours fidèle, était sur le point de se retrouver grand-mère. Lors d’une nuit d’insomnie, elle avait fait le point sur sa vie. Elle s’était aperçue qu’il lui avait toujours manqué quelque chose d’essentiel : le frisson érotique.
Elle appartenait à une famille de catholiques très pratiquants, ne manquant une messe dominicale sous aucun prétexte. Pour elle, les célébrations des Rameaux et du Vendredi saint avaient une connotation très particulière : le récit de la Passion, c’est-à-dire la crucifixion de Jésus au sommet de la colline du Golgotha, lui causait une inexplicable excitation sexuelle qu’elle traitait en se caressant discrètement, une main glissée sous son pantalon, au fond de l’église où elle s’asseyait, avant d’exploser dans un orgasme qu’elle n’obtenait jamais avec son époux. Cela survenait toujours au moment où le Christ, épuisé de douleurs, expirait après avoir pardonné à ses bourreaux. Ce pardon lui semblait tellement obscène, avec les douleurs que le Fils de l’homme subissait, que Julie en frémissait de tout son corps, plongée dans un état second où le macabre se mêlait au désir charnel dans l’humidité de sa culotte. Tout est consommé. Elle imaginait les clous se planter dans les poignets et les pieds, la croix qui se dressait, Jésus exposé aux yeux de la foule. À l’imagerie chrétienne traditionnelle, elle substituait la nudité totale du crucifié, plus cohérente avec la volonté d’humilier le condamné, plus excitante aussi. Dans son imagination, elle voyait un phallus aussi bien élevé que la croix. Chaque détail de la scène était gravé dans son esprit, et ce, depuis son adolescence. Souvent, elle s’imaginait à la place du Messie rédempteur. Comme elle se rendait coupable de penser à de telles obscénités, en raison de sa stricte éducation religieuse, elle n’avait jamais osé parler de ce fantasme à quiconque, pas même au curé pour se confesser, et ce, jusqu’à ce que nous nous rencontrions de nouveau dans un petit restaurant du centre-ville de Nantes. Nous avons ensuite loué une chambre d’hôtel afin de baiser derrière les rideaux clos, inspirés par ces évocations puissamment érotiques.
De retour au clos de la Rose – le nom de la propriété de ma douce amie -, j’ai raconté à celle-ci le témoignage que je venais de recueillir. L’idée de le mettre en pratique a tout de suite germé dans nos esprits lubriques ; encore fallait-il l’édulcorer de manière à éviter sa conclusion mortelle, car si, dans l’Évangile, la résurrection a permis une conclusion heureuse, dans la vraie vie et dans le cadre d’une partie de soumission-domination, rien n’est moins sûr, alors il valait mieux éviter de faire couler le sang pour ne pas nous retrouver tous les deux en prison.
Nous avions poussé le réalisme jusqu’à procéder un vendredi, à la fin du printemps. Julie avait pris sa journée à l’insu de son mari qui la croyait au travail et elle avait fait le trajet en voiture depuis Nantes, en priant pour éviter tout accrochage qui aurait révélé qu’elle n’était pas là où elle aurait dû se trouver. Elle est arrivée vers midi : nous, c’est-à-dire, outre Rose et moi, cinq couples d’amis, dont Gwen et Tom. Nous n’attendions plus qu’elle pour l’apéritif. Rose et moi nous étions levés tôt et la matinée avait été consacrée aux préparatifs. Le soleil était radieux, et la chaleur commençait à s’installer dans le vaste jardin. Les bouchons de champagne ont sauté à l’ombre de la tonnelle. Nous avons trinqué avec Julie, à sa nouvelle liberté de femme ayant choisi de réaliser son fantasme vieux de près que quarante ans.
Rose et moi savions bien que le plus difficile, pour Julie, ne serait pas de subir les différents sévices que nous projetions pour elle et qu’elle attendait avec impatience. Au contraire, ce serait, après avoir connu l’exultation glorieuse de la croix, le trajet retour, seule en voiture, pour rentrer dans sa banlieue et retrouver son travail, sa petite église, sa cuisine, ses séries télé, son mari qui ne réclamait que son câlin hebdomadaire avant de s’endormir profondément – pas compliqué à satisfaire. Certes, il était un homme gentil et attentionné : il lui demandait toujours si elle avait joui, ce à quoi elle mentait à chaque fois en répondant par l’affirmative, pour le pas le vexer dans orgueil masculin. Jamais violent, en colère ou grossier. Mais, même en tête à tête, ses conversations se limitaient à l’argent, au football et aux ordinateurs, et il ne manifestait ses émotions que très rarement. L’aimait-il encore ? Certainement, mais cela ne se voyait pas beaucoup. Alors, que manquait-il à Julie pour se sentir vraiment heureuse ? Elle vivait dans la sécurité d’un couple sans histoire, assez d’argent pour ne pas craindre d’en manquer, et une santé sans accroc majeur : tous les voyants de la vie étaient au vert. De quel droit aurait-elle pu se plaindre, pendant que tant des maux si graves tourmentaient le monde ? De celui d’exulter en menant son corps jusqu’à la limite de ce qu’il pouvait supporter ! De hurler sous l’orgasme, d’avoir mal sous la lanière du fouet, volontairement, joyeusement ! D’explorer les tréfonds de ses fantasmes, de montrer son sexe à des inconnus, de l’offrir à leur gourmandise, de braver les interdits et les frustrations qui l’avaient empêché de vivre pleinement !
J’étais fébrile tout en vidant ma flûte. J’ai prié pour être à la hauteur de la confiance qu’elle l’accordait, et surtout pour qu’il n’arrive pas d’accident. Mais en même temps, sous mon costume impeccable, dans la direction indiquée par ma cravate, je bandais comme un faune, tant ce que Rose et moi avions préparé pour Julie était fantastique.
Dans ma lettre d’invitation, j’avais demandé à notre invitée de venir avec des vêtements anciens et de peu de valeur. En effet, sitôt son verre vidé, je lui ai demandé, en parlant assez fort pour que tout le monde entende cette consigne, de se dévêtir complètement et de déposer ses vêtements dans une vasque posée sur un trépied.
Bien que disposée à toutes les outrances, Julie était visiblement troublée, bousculée dans sa candeur bourgeoise. Se déshabiller devant une douzaine de personnes élégamment vêtues, alors qu’elle se trouvait au centre de tous les regards, était à l’évidence difficile. D’autant qu’elle était une femme pudique, de celles qui évitent les maillots de bain trop moulants et qui ne l’ôtent pas dans les vestiaires publics pourtant réservés aux femmes, à la piscine, quand bien même les autres le font. Au début, elle a cherché à cacher son sexe et ses seins avec ses mains. Puis nous l’avons amenée à s’exposer complètement, en se tenant d’une manière naturelle, sans rien dissimuler de ses parties intimes. Nous étions six de chaque sexe, les douze apôtres de son imminente Passion, répartis de la manière suivante : un couple gay, un de lesbiennes, et quatre d’hétérosexuels. Cet apéritif a constitué, en quelque sorte, notre Cène.
Oui, il lui a fallu se mettre à nue devant nous qui la regardions avec respect, mais compassion, pour l’innocente agnelle qui allait s’offrir en sacrifice pour la joie érotique de toutes et tous. Après un court moment d’hésitation, notre ingénue s’est exécutée. Retirer sa culotte a été une épreuve pour elle : je l’ai encouragée d’un sourire. Je savais qu’elle en était capable. Elle aurait été si déçue d’avoir manqué de courage et de rentrer chez elle sans avoir traversé l’épreuve qui l’attendait qu’elle se le serait amèrement reproché tout le restant de sa vie, sans oser en parler à quiconque. Au moment où son ultime vêtement a franchi ses chevilles, je crois qu’un puissant frisson a parcouru sa colonne vertébrale.
Dévêtue, exhibée, elle rougissait autant que les roses Dortmund des massifs dont les parfums nous flattaient les narines. Mais, sous le soleil, nous pouvions tous voir que son triangle brun, délicatement herbu, était paré de petites gouttes de la mouille qu’elle sécrétait, signe d’une excitation qui allait crescendo : ce n’était là que le commencement. La culotte qu’elle venait de déposer dans la vasque était d’ailleurs trempée de liqueurs féminines dont les odeurs étaient encore plus douces que celles des rosiers en fleurs.
Cependant, il n’était pas question de verser dans le fétichisme avec ces sous-vêtements. J’ai versé le contenu d’une bouteille d’alcool dans la vasque, et j’ai approché une allumette, afin de brûler l’ensemble des habits avec lesquels Julie était venue, chaussures comprises – nous lui avons cependant permis de garder ses lunettes. Cela symbolisait l’idée qu’elle n’aurait plus jamais besoin de vêtements, étant condamnée à la croix, de même que les soldats romains ont tiré aux dés le droit de s’approprier la tunique sans couture de Jésus. Bien sûr, nous avions prévu pour Julie des vêtements neufs et à sa taille, pour qu’elle puisse rentrer chez elle dans une tenue décente. Mais l’image de la combustion de la robe, du soutien-gorge et du slip de coton était vraiment impressionnante. Notre soumise, qui ignorait tout du scénario, en était restée figée de stupeur.
Nous l’avons ensuite chargée de lourdes chaînes fermées par des cadenas, et jugée. Condamnée au supplice, bien sûr, à l’unanimité des jurés, qui ont abaissé leur pouce pour signifier leur accord. Elle a tenu son rôle à merveille, droite et fière dans sa nudité imposée devant ses juges et l’assemblée réunie pour l’accabler. Le motif, ou plutôt le prétexte, que nous avions inventé comme chef d’accusation était si insignifiant que je ne m’en souviens même plus.
Mais avant de procéder à l’exécution, il restait quelques formalités. Tout d’abord, elle avait le droit de rencontrer un homme d’Église afin de confesser ses péchés et de mourir libérée de toutes les fautes qu’elle avait commises dans vie. Cela tombait bien, puisque nous avions Pierre, un véritable prêtre : sa vocation ne l’empêchait aucunement d’aimer les femmes à leur juste valeur, c’est-à-dire jusqu’à la folie. Élégant et séducteur, il savait toujours trouver les mots pour conquérir le cœur des dames, et son charme naturel lui permettait d’entrer dans le lit de toutes les paroissiennes qui le lui proposaient. Pour l’occasion, il avait revêtu la tenue de célébration, avec une aube blanche ainsi qu’une étole violette, celle du carême et des jours de pénitence. Le rôle de confesseur lui convenait donc à merveille. Il a extirpé du coffre de sa voiture un prie-Dieu recouvert de velours rouge vif, sur laquelle Julie, que nous venions de libérer de ses chaînes, s’est docilement agenouillée, les mains jointes sur le pupitre où nous l’avons ligotée par les poignets. L’interrogatoire a pu commencer. Sans concessions.
En effet, il ne suffisait pas de brimer la pudeur de notre condamnée simplement en la privant de ses vêtements : il fallait en outre que son esprit fût mis complètement à nu, en l’obligeant à révéler des détails croustillants de sa vie intime qu’elle n’avait encore dévoilés à personne, même à ses meilleures amies. Lorsqu’elle mettait trop de temps à répondre aux questions, Pierre lui cravachait les fesses afin de l’obliger à avouer ses fautes. Nous admirions les belles marques rosées que cette correction lui causait, et ce souvenir me fait encore bander. Elle était déjà moins fière et gémissait déjà sous la rude fessée ! Pierre avait dû exercer comme inquisiteur dans une vie antérieure.
Avait-elle un amant ? Non, sincèrement. Volé de l’argent, menti pour obtenir un avantage quelconque, voulu du mal à quelqu’un, s’être vanté d’une qualité qu’elle ne possédait pas ? Aucunement. Avions-nous affaire à une sainte authentique au cœur pur de toute infraction ? Peut-être. Nous en sommes venus au sujet de l’onanisme, c’est-à-dire du vice solitaire, ce péché mortel par lequel un chrétien, bon en apparence, abuse de son propre corps au lieu de s’abîmer dans la prière. Comme il est difficile d’y échapper, la machine à produire de la culpabilité se met en route. Voici donc sa faille, Messieurs-dames, écoutez bien, car c’est abominable : sa passion pour la croix l’avait amené à d’étranges pratiques dans l’église qu’elle fréquentait. Nous l’avons déjà évoqué. Il lui a fallu évoquer ce fantasme à voix haute, et donner des détails : où ? quand ? comment ? pourquoi ? Ceci afin que chacune et chacun puisse entendre et comprendre comment notre condamnée, qui l’était une seconde fois, avait pu dévisser dans le piège diabolique au sein même d’un lieu saint. Son confesseur faisait semblant d’être scandalisé par ce dévoiement du culte religieux, exigeait des explications, fessait encore avec sa cravache, et criait au blasphème. L’assemblée, hypocrite, l’accompagnait dans sa condamnation de l’odieux péché. Pour lui permettre d’expier, il fallait, décidément, un châtiment exemplaire : la croix.
Puis nous l’avons libérée de ses liens. En tant que promise à la peine capitale, elle a eu droit à une dernière flûte de champagne et une ultime cigarette qu’elle a fumée avec délectation, toute nue au milieu de ses futurs bourreaux qui louaient son courage au seuil de la tempête. Nous lui avons également permis de se recoiffer et d’ajuster son maquillage. Ensuite, elle s’est allongée sur la table et, tous ensemble, nous l’avons enduite d’ambre solaire, sur chaque parcelle de sa peau, y compris les endroits intimes dans lesquels les doigts coquins entraient, lubrifiés par le crème. La pâleur se sa peau nécessitait cette précaution : dominer une femme, c’est d’abord en prendre soin. Elle était condamnée à la croix, mais non pas à la brûlure du soleil, qui était généreux ce jour-là.
Il était temps de la flageller tout en abusant de son joli petit corps frêle et robuste à la fois, comme le subissaient toutes les femmes ainsi exécutées du temps des Romains. Elle devait attendre cela avec une grande impatience, car une lueur de joie est apparue dans son regard lorsqu’elle a découvert le pilori que nous lui avions construit, Rose et moi, afin d’emprisonner ses poignets et son cou sur une même planche de bois dont les deux parties articulées se sont refermées sur elle, verrouillées par un cadenas, puis fixées à un poteau solidement scellé dans le sol, à une hauteur telle qu’elle était obligée de se pencher en avant, à angle droit, sur la pointe des pieds. J’ai enchaîné ses chevilles à une barre métallique, afin de la contraindre à écarter les jambes, le dos cambré et les fesses relevées, exposées, hautement vulnérables. Julie s’est laissée faire avec complaisance, en adoptant sans protester la posture que nous attendions d’elle. Rose et moi étions fiers de ce bondage que nos invités prenaient en photos – photos qu’ils avaient interdiction formelle de diffuser à l’extérieur de notre cercle libertin sous peine d’en peine définitivement exclus.
Rose s’est avancée, vêtue de noir, son long fouet en mains. Quiconque a déjà été confronté à cet exercice sait bien que fouetter une personne soumise dans un cadre érotique est un art difficile. Mais j’avais été moi-même un esclave érotique, et plus d’une fois mon corps dénudé avait servi de terrain de jeux à ma maîtresse cruelle à son mari, qui m’avaient fait frémir sous la lanière de cuir. J’avais profondément aimé cela. Je savais comment doser le supplice afin de causer une subtile douleur qui échauffait, mais sans blesser vraiment, qui marquait de stries rouges, mais d’une manière non définitive comme le font hélas les véritables tortionnaires des pays dictatoriaux. Le son du claquement était impressionnant : il se réfléchissait sur la façade de la maison et nous revenait en écho. Chacune et chacun de nos invités a tout à tour été autorisé à pratiquer la flagellation qui a duré une bonne heure, avec des pauses pour se rafraîchir et déguster les petits fours du buffet des entrées. Puis ma compagne a posé, perpendiculairement à la colonne vertébrale de l’attachée, trois roses magnifiquement ouvertes afin que les épines pénètrent la peau blanche du dos. Julie poussait de petits cris de plainte, pour montrer qu’elle ne méprisait pas la douleur, mais derrière cet air défait, nous devinions qu’elle était aux anges et souscrivait totalement à ce que nous lui infligions. Elle attendait la suite en l’espérant tout à faire foutraque. Il ne fallait pas la décevoir. Je me suis approché de son visage et lui ai demandé si tout allait bien. Elle m’a demandé, d’une voix faible :
— Monsieur, s’il vous plaît, je vous en supplie : fouettez-moi plus fort !
Il avait été convenu que le vouvoiement serait de rigueur, car toute familiarité dévoierait l’aspect tragique de la crucifixion. Je l’ai giflée et lui répondant :
— Petite insolente, sachez qu’une condamnée ne choisit ni son supplice ni la manière de l’exécuter. Vous serez flagellée comme nous l’entendons, avec la force et le rythme qui conviennent. Mais je vous promets de vous arracher bientôt les larmes que vos beaux yeux verts refusent encore de nous offrir.
Insoumise, elle m’a lancé un regard de défi, en essayant de me cracher à la figure, mais sans y parvenir. Plus adorable que jamais, notre future grand-mère ressemblait à une adolescente impulsive et rebelle, comme si le pilori lui avait permis de rajeunir. Puis elle m’a injurié, ainsi que Rose, en des termes si méchants et si grossiers que je n’ose les retranscrire ici, sous peine de choquer l’oreille chaste de mes lecteurs. Elle a voulu provoquer ma colère pour que je la déchire à coups de fouet, puis que nous l’empalions, mes compagnons et moi, à grands assauts de bites. Jamais je ne l’ai trouvé si belle qu’entravée nue et en colère. Elle frissonnait. Ses yeux brillaient et son front était brûlant de fièvre. Mais savais que le meilleur était à venir.
— Rassurez-vous, a complété Rose : vous n’allez pas tarder à pleurer et à nous supplier de mettre fin à vos souffrances.
Elle a voulu répondre, mais Pierre a enfoncé sa verge dure dans la bouche, jusqu’à la garde et tout en l’agrippant par les cheveux, afin de la forcer à se taire.
Rose a distribué aux dames des godes-ceintures, du moins à celles qui n’étaient pas venues avec leur propre équipement, car le lecteur doit se rappeler que nous étions toutes et tous des libertins accoutumés aux orgies et aux excès érotiques en tous genres. Celui de Gwen, mon ancienne maîtresse anglaise dont je fus longtemps l’esclave, était énorme et fort douloureux à l’enfoncement – j’en avais fait l’expérience. Chacun est resté vêtu, la nudité étant le privilège de la condamnée. Les hommes se sont contentés d’abaisser leur braguette afin d’en extraire de beaux phallus tout épanouis sous le soleil printanier, avec des glands épanouis, gorgés de sang, lourds du désir de fourrer, humides de rosée, prêt à pénétrer la pauvre Julie au derrière offert, toujours prisonnière du pilori. Jamais, de sa vie jusque-là très sage, elle n’avait vu autant de virilité exacerbée, d’hommes qui la désiraient et qui pouvaient la prendre, sans autre forme de procès, puisque nous venions de la juger coupable. Elle a fermé les yeux, croyant rêver. Elle voulait prolonger son rêve. Chacune et chacun était libre de pénétrer en levrette à la mode vaginale ou anale, à sa convenance, en la saisissant par les hanches afin de la pilonner à fond. Je suis passé en dernier, parce que j’aimais bien trouver un cul était déjà bien rempli d’une semence torride, et j’y ai ajouté la mienne, déversée dans le trou borgne déjà bien écarté par mes prédécesseurs dont certains étaient de véritables taureaux en rut, montés comme le dieu Priape. D’autres, arrivant par devant, avaient préféré la fellation et enfoncé leur membre jusqu’au fond de la gorge, y compris les femmes qui se servaient de leurs verges de plastique. Vicieusement, pendant ce temps, Rose était approchée avec un gros vibromasseur à boule et avait branlé le clitoris de manière à déclencher d’incoercibles orgasmes qui ont provoqué des hurlements à fendre l’âme. Pauvre Julie. Elle transpirait beaucoup, son maquillage se liquéfiait, et sa chatte était humide comme un sous-bois après la pluie.
Enfin, l’apothéose. Julie n’a été détachée de son pilori que pour lui présenter le bois du supplice, celui auquel on soumettait les esclaves rebelles, mais non pas les citoyens romains, quel que soit leur crime (sauf trahison) tant cruel était ce mode de mise à mort !
La croix qu’utilisaient les Romains possédait parfois un élément fixé à quarante-cinq degrés sur le stripes, c’est-à-dire le mât vertical de la croix, au niveau du bassin du condamné. Cette pièce de bois, appelée sédile, taillée en pointe à son extrémité, avait pour but d’empêcher le condamné de s’appuyer, en rendant sa position des plus inconfortables, et en l’obligeant à une sorte de danse macabre au cours de laquelle il devait s’appuyer sur ses pieds blessés par les clous. Si on ne l’achevait pas en lui brisant les jambes, s’il était jeune et, au départ, en bonne santé, par épuisement, il finissait par s’asphyxier au bout de six jours et six nuits de souffrances indescriptibles. Il lui était impossible de s’évanouir dans cette posture. Aucune invention humaine n’a jamais atteint cet apogée du sadisme afin de donner la mort.
Tout en nous documentant, Rose et moi, nous avons découvert un raffinement auquel les autorités romaines avaient recours dans les cas les plus graves d’insoumission d’esclaves, par exemple lorsqu’ils avaient abusé sexuellement de leur maîtresse, mais aussi certains des compagnons de Spartacus. Quelque 6000 d’entre eux ont été crucifiés le long de la via Appia en 71 av. J.-C. Il s’agissait alors de leur infliger une incroyable humiliation publique, tout simplement en leur enfonçant le sédile dans l’anus. Progressivement, la tige de bois s’enfonçait dans leur abdomen et appuyait sur leur prostate, ce qui, malgré la douleur, provoquait automatiquement l’érection, voire l’éjaculation. Les plus virils répandaient abondamment leur sperme devant eux, avant d’expirer dans d’atroces souffrances. Tout cela devant des femmes élégamment vêtues qui contemplaient leur agonie en se moquant de ceux qui étaient un peu moins bien équipés que la moyenne, et en s’extasiant devant les beaux étalons que l’on sacrifiait pour leur plus grande joie. Il faut savoir qu’à l’époque, pour ces jeunes soldats tout emplis de bravoure, barbares capturés au cours de campagnes, mourir n’était rien, pourvu que ce fût dans l’honneur. Crucifiés de la sorte, objets de moqueries de la part des spectatrices, ils atteignaient les tréfonds de l’avilissement et du déshonneur. Ceci avait pour but d’imposer par la terreur la discipline aux millions d’esclaves dont l’empire avait absolument besoin pour fonctionner, et aussi, accessoirement, de divertir le peuple d’une manière excitante, en complément aux jeux du cirque.
Pour nous qui vivions à une époque où la peine de mort avait été heureusement abolie, le défi consistait à mettre au point un simulacre de crucifixion qui soit suffisamment réaliste pour troubler notre soumise – et nous aussi, par la même occasion – mais en toute sécurité. Nous avons donc retenu l’idée du sédile pénétrant dans l’orifice intime de son choix, sous la forme d’un vibromasseur phallique situé à l’extrémité d’une tige articulée fixée sur le stripes, à hauteur du bassin.
Quatre hommes ont sorti la croix de la réserve. Pour sa construction, nous ne nous étions pas moqués d’elle : en chêne massif, spécialement fabriquée sur mesure par un charpentier qu’il a fallu payer de surcroit pour sa discrétion, elle n’avait rien d’un bricolage réalisé à partir d’aggloméré bon marché acheté dans un supermarché. Le bois était poncé d’une manière parfaite, afin d’éviter les échardes, puis lasuré afin de lui donner un bel aspect. C’était splendide ! Et encore, nous ne pouvions la voir, pour le moment, qu’à l’horizontale.
— Ceci est l’instrument de ton supplice, ai-je annoncé à Julie. Aime-le ! Il sera le compagnon de ta merveilleuse agonie
.
Notre charmante soumise a adopté son instrument de supplice au-delà de toutes nos espérances. Elle s’est couchée à califourchon sur lui, l’a embrassé, caressée. Puis elle s’est empalée sur le sédile articulé, comme si c’était la verge d’un amant, en regardant fixant le point d’intersection entre le stripes et le patibulum – respectivement, le grand et le petit montant- comme s’il s’agissait de l’œil borgne d’un partenaire de sexe. Elle a caressé le bois, lui a chuchoté des mots d’amour. Les invités faisaient cercle autour de cet étrange couple. Julie exultait ! Car vraiment, nous étions en train de lui permettre de réaliser son fantasme. Tout en négligeant qu’on l’observait, certains avec des appareils photo, elle a joui encore et encore, en riant aux éclats comme une petite fille qui venait de recevoir le cadeau de son rêve.
Nous avons coiffé Julie d’une couronne de roses tressée avec leurs épines, tout aussi douloureuse, mais bien plus élégante et parfumée que celle du Christ, triste et dépourvue de fleurs. Il lui restait à vivre le calvaire proprement dit : pas question de faire l’impasse sur cette partie cruciale de l’épreuve ! Cependant, cette croix était bien trop lourde pour qu’elle puisse la porter toute seule. C’était prévu : le patibulum était conçu pour se détacher facilement, d’un coup de clé à molette, afin d’être fixé sur les épaules tendues à l’horizontale de notre condamnée, au moyen de cordes suffisamment bien serrées pour qu’elle ne puisse pas simplement jeter son fardeau. En route !
Ainsi alourdie, elle était obligée de se courber pour marcher, et lorsqu’elle trébuchait, se relever lui était pénible. Tout cela était prémédité dans notre scénario. Mais, contrairement à Jésus, nul quolibet ni injure ne l’accompagnaient : au contraire, nous encouragions notre héroïne de ce nouvel Évangile libertin par des bravos et des applaudissements pour son courage autant que pour sa beauté féminine. Quoique fluette, Julie nous a montré qu’elle était robuste et capable de supporter sa lourde charge. Avec l’aide d’un autre homme, j’ai joué le rôle de Simon de Cyrène en transportant l’autre partie de la croix jusqu’à destination. Nous avons ainsi marché jusqu’à un monticule de terre dépourvu d’arbres, de trois ou quatre mètres de haut : les crucifiés le sont toujours sur une hauteur, afin qu’on le voie bien. C’était le Golgotha de Julie.
Une fois la croix remontée et posée à plat sur l’herbe, nous avons attaché Julie à l’aide de cordes de lin huilées, de celles dont se servent les adeptes du shibari japonais, afin de ne pas irriter sa peau. Il fallait qu’elle soit solidement fixée, pour ne pas risquer de chuter et se faire vraiment mal au beau milieu de son supplice. Elle a été déçue de ne pas recevoir les clous barbares qu’elle rêvait de voir transpercer ses membres. Les Philippins le pratiquent pourtant chaque année, traditionnellement, pour le Vendredi saint, mais nous y avions renoncé : trop dangereux, même avec des clous parfaitement stérilisés, même pour seulement dix minutes.
Le moment critique a été celui de l’élévation. L’édifice mesurait près de trois mètres de hauteur, afin d’exposer Julie d’une manière glorieuse et non pas au ras du sol. Il a fallu quatre hommes pour assurer la mise en position de la croix dans son logement aménagé dans le sol. Julie a poussé un grand cri de stupeur en se sentant propulsée dans les airs, mais tout s’est bien passé, malgré quelques vibrations, juste avant qu’elle s’immobilise quelque part entre le ciel et l’enfer. Parmi les invités, les dames ont applaudi. J’étais content. C’était magnifique. Même le soleil bandait : il ne nous mégotait pas ses rayons. Le corps luisait, resplendissant de grâce. Julie nous ouvrait grand ses bras, comme pour accueillir dans son pays de rêve : celui de la réalisation de son fantasme.
La pancarte qui se trouvait au sommet, le titulus, indiquait traditionnellement le crime pour lequel on procédait à l’exécution. Pour l’occasion, nous avions écrit au pyrograveur : Julie, femme libre. Elle l’était vraiment.
La règle d’or est que crucifixion se doit d’être cruelle, sous peine de se transformer en une mascarade ridicule et bien peu excitante. Pour cette raison, nous n’avions prévu ni console ni quoi que ce soit de stable qui lui aurait permis de reposer ses pieds. Ce serait trop simple, trop confortable. Pour respirer librement, notre condamnée devait fournir un effort musculaire permanent sur ses jambes afin que ses bras ne supportent pas tout le poids de son corps. Nous avons solidement entouré ses chevilles de corde, ses jolis petons posés sur les plantes à plat sur les côtés du stripes, à un mètre de hauteur environ, de manière à l’obliger à écarter largement ses cuisses : sa fleur sexuelle ouverte était pleinement exposée aux regards, libre d’accès, au niveau des yeux des spectateurs qui pouvaient approcher à loisir, et pourquoi pas tripoter les organes génitaux afin d’explorer digitalement le vagin et de tester la sensibilité du clitoris au roulement sous les doigts coquins. Régine et Caroline, nos deux amies lesbiennes, se sont amusées à la branler ainsi pendant un long moment, à tour de rôle et de toutes les façons possibles, en comparant les caractéristiques physiques de cette efflorescence avec leur propre anatomie féminine, ce qui les a beaucoup émoustillées. Puis, chauffées à blanc et négligeant les consignes de décence vestimentaire, elles se sont dévêtues pour faire l’amour au pied de la croix. Rose leur a jeté un regard courroucé et Julie les a regardées se sucer mutuellement le minou en soixante-neuf. Je crois que cela lui a plu, car, du haut de son perchoir, elle a arrosé le couple saphique d’une pluie de mouille, tandis qu’un autre couple a pris le relais pour peloter le sexe.
Julie savait qu’elle n’avait qu’un mot à dire, le mot de sécurité, pour qu’on la libère, mais elle s’était solennellement promis de ne jamais le prononcer, quoi qu’il advienne. Paradoxalement, jamais elle ne s’était sentie plus libre qu’attachée sur sa croix où ses mouvements étaient restreints à une ondulation du bassin, dans une danse bizarre, lascive, très sensuelle, dont on dit que seuls les crucifiés la connaissent. Ses muscles saillaient magnifiquement sous le soleil, dans un jeu d’ombres et de lumières à l’esthétique totalement bandante. Elle souffrait, tant sa posture était inconfortable, et le sédile écartelait la petite rosette anale en la fouillant chaque minute de plus en plus profondément, tout en vibrant, ce qui lui causait une étrange volupté. Elle se félicitait de s’être administré un lavement avant de venir à ce rendez-vous. Elle souffrait, mais en même temps, le plaisir montait en elle par vagues, irrépressiblement. Elle ne voulait pas jouir. Pas devant tout le monde, pas sous dix paires d’yeux qui la contemplaient dans sa nudité : son éducation, enracinée en elle, le lui interdisait formellement. Dans un sursaut de fierté, elle a lutté, s’est mordu la lèvre inférieure jusqu’au sang, a tenté de penser à autre chose afin de réfréner les spasmes qui assaillaient son bas-ventre.
Mais elle savait bien que c’était un combat perdu d’avance. L’orgasme a déferlé sur elle comme un raz-de-marée, dépassant de loin en intensité tout ce qu’elle avait connu dans les bras de son mari, ou cachée au fond de son église en fantasmant sur ce qui était en train de lui arriver. Elle a projeté devant elle un geyser de mouille chaude qui pleuvait sur nous, spectateurs de sa vénusté captive. Ses jambes tremblaient. En nous approchant et en regardant attentivement, nous pouvions observer les contractions involontaires de son orifice vaginal. C’était magnifique. Elle hurlait à pleins poumons. Bien que mortifiée de honte, elle en pleurait de joie. Nous étions douze à la regarder, mais elle aurait voulu mille fois plus de spectateurs, un amphithéâtre romain noir de monde, tous venus afin d’admirer son supplice.
Cependant, la croix n’avait pas fini de brimer sa pudeur, impitoyablement. Souvenez-vous : lors de son arrivée, nous lui avions offert du champagne. Ce n’était pas pour la griser : seuls les branquignols du SM enivrent leurs soumises afin d’arracher leur consentement. Nous, par contre, étions des dominateurs civilisés et attentifs à obtenir un oui qui soit vraiment sincère, qui vienne des tripes et corresponde à ses aspirations profondes. Cependant, si nous lui avions proposé de boire, en quantité raisonnable, de ce vin qui donne la joie sans enivrer, c’était quand même dans un but coquin : sur la croix, impossible d’aller aux toilettes ! Quand lutter contre l’envie de faire pipi n’était pour elle plus tenable, après un long et douloureux combat contre sa vessie, elle a été obligée d’ouvrir les vannes, juste sous les yeux de ses contemplateurs ! Jamais cette femme aux manières réservées ne serait jamais crue capable de s’exhiber ainsi, en train de se soulager d’un besoin naturel. Et pourtant ! Mortifiée, elle aurait voulu s’enfouir sous la terre pour ne pas voir notre émerveillement sous cette pluie dorée. Pierre, qui aimait ce liquide, s’est avancé afin de recevoir dans sa bouche l’onction dorée.
À ce moment-là, Rose était en train de me prodiguer une fellation, tout en étant elle-même doublement pénétrée par Tom et Sébastien, qui avaient relevé sa robe et la pilonnaient avec beaucoup d’ardeur, d’autant que.la scène à laquelle ils assistaient leur procurait des phallus d’acier, capables de cracher la semence comme des mitraillettes. Gwen et Lisa, leurs épouses respectives, échangeaient des blandices entre femmes, seins contre seins, chatte contre chatte.
En voyant le visage plein de désarroi de notre crucifiée, sa pudeur outragée jusqu’à la déraison, j’ai éjaculé entre les douces lèvres de ma compagne qui a bu tout le foutre avec gourmandise, en aspirant ce qui restait dans le tuyau pour ne pas en perdre une seule goutte, tout en chatouillant mes bourses du bout de ses doigts agiles. Mon regard et celui de Julie se sont croisés. Rarement j’ai éprouvé un orgasme d’une telle intensité.
Nous, en bas, étions sidérés par la beauté tourmentée de notre infortunée soumise. Innocente et torturée pour des crimes imaginaires, elle aurait pu nous maudire et les sorts qu’elle nous aurait jetés auraient été diaboliquement efficaces. Mais elle n’a rien dit de tel. Telle une nouvelle Messie, le cœur gorgé d’amour, elle pardonnait à ses bourreaux. Tour à tour, nous nous avancions afin de nous mettre à genoux au pied de sa croix et de bécoter avec respects ses petits pieds blancs attachés. Pendant ce temps, elle pleurait et ses larmes, mêlées des liqueurs de son sexe, s’écrasaient sur nos têtes. Elle n’était plus une simple femme, mais notre déesse faite chair. Nous l’idolâtrions dans un culte érotique.
Après une heure de crucifixion, cette position commençait à lui procurer des crampes aux jambes et aux bras. Ses muscles, trop sollicités, n’en pouvaient plus. Elle gémissait et se débattait sous les liens. Malgré cela, elle a joui encore, grâce à un surcroît de stimulation que Rose lui a procuré au moyen d’un gros vibromasseur à boule plaqué sur son clitoris, et de boules de Geiha vibrantes enfoncées dans le vagin. L’épuisement guettait Julie. Le visage dévasté de sueur et de larmes, elle nous suppliait de l’achever, mais sans prononcer le mot de sécurité, de sorte que son supplice s’en trouvait prolongé.
Soudain, elle s’est tendue, le visage tourné vers le ciel, la bouche ouverte, figée. Elle entrait dans l’extase, le domaine mystérieux où le plaisir extrême abolit la conscience et provoque une séparation momentanée du corps et de l’âme. Malgré ses crampes, elle ne souffrait plus. Même l’ennui qui taraudait son cœur depuis plusieurs années s’était effacé au profit d’une joie indescriptible. L’expression de son visage suggérait qu’elle venait de croiser le visage d’une transcendance lumineuse et pure. La petite mort, qui imitait la grande, la prenait dans ses bras. Puis elle s’est relâchée, inerte, la tête penchée sur le côté, en faisant semblant d’avoir quitté le monde des vivants, plus extraordinaire de grâce que jamais. Nous nous sommes tous inclinés, respectueusement. Si la terre ne s’est pas mise à trembler, si les morts ne se sont pas réveillés, si les rideaux ne se sont pas déchirés, l’atmosphère qui régnait entre nous treize n’en était pas moins extraordinaire. Nous nous aimions les uns les autres, tout simplement, d’un amour sexuel et authentique, comme si l’Esprit Saint avait allumé une flamme au-dessus de nos têtes.
Le temps a tourné à l’orage. Il s’est mis à pleuvoir quand nous avons détaché Julie de sa croix qui est restée en place quelques jours. Notre soumise s’est rhabillée, nous a vivement remerciés pour ce moment de folie, puis elle est rentrée chez elle, ainsi que les autres invités. En souvenir, elle a gardé le long gode vibrant qui, sur la croix, était planté dans son anus. Et aussi, son titulus. Julie, femme libre. Ainsi s’est terminé son évangile.
Vingt-trois ans plus tard, Julie est maintenant une dame septuagénaire qui n’a rien perdu de ses idéaux de liberté sexuelle. Elle a divorcé de son mari, car celui-ci n’avait pas compris les aspirations de son épouse à vivre pleinement avec son corps de femme, et non pas comme un objet décoratif, ou une machine à fabriquer et à torcher des enfants. Nous nous écrivons de temps en temps, surtout pour nous souhaiter la bonne année. Il est même arrivé, au hasard de nos voyages, que nous nous retrouvions dans une chambre d’hôtel afin de faire l’amour comme des amants adultères obligés de se cacher. Elle aime toujours séduire les jeunes étudiants ou même des lycéens à peine majeurs, à l’occasion une fille, afin de les initier aux jeux fantastiques qu’inspire le désir.
Rose et moi nous sommes séparés deux ans plus tard, tout en maintenant des relations amicales. Par manque de moyens, je n’ai plus jamais procédé à une crucifixion érotique, que ce soit comme soumis ou comme dominateur.
Par contre, il m’arrive de temps en temps de m’adonner au SM cérébral, à distance et par tchat, pour une femme qui désire un scénario foutraque où le fantasme de la croix tient un rôle central. Une gamme infinie de variantes sont possibles, en fonction des goûts de la participante. La dernière partenaire que j’ai soumise ainsi se faisait appeler Crucile, et habitait la région Parisienne. Il n’est pas nécessaire de posséder un grand jardin ni quelque matériel que ce soit. Qu’importe la réalité du quotidien. Pour s’en échapper, il suffit de s’installer derrière le clavier… de se laisser porter par l’imagination… de partir vers une époque lointaine où les condamnées étaient clouées nues sur un morceau de bois… c’est un jeu fantastique où nous sommes confrontés à l’idée de notre propre mort (il vaut mieux l’éviter si vous êtes assaillie par des idées suicidaires) … tout en confiance… c’est un fantasme qui, paradoxal comme l’est toujours le SM, aide à vivre en pleine liberté !
Mesdames, si le cœur vous en dit… déshabillez-vous et allongez-vous sur la croix, VOTRE croix, les bras écartés… et que la fête commence ! N’hésitez surtout pas à me laisser vos commentaires.
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