Derniers feux de l’amour. J’aime toutes ces métaphores et ces évocations de la fin d’un cycle. La nostalgie est appelée à être ma dernière drogue après le sexe. Je n’ai cure qu’on me tienne en si haute estime à mon boulot ou dans ma famille. Je ne me suis jamais sentie aussi seule que ces derniers jours. La santé du mari va à vau l’eau. Son sort est irrémédiable. Je vis à côté d’un zombie. Mes enfants ont fui dans la circonstance me laissant seule à assumer la dévastation. Je peux compter encore sur quelques fidèles voisins auprès desquels cependant je ne peux totalement m’épancher. Bref je fais ma fière et ma forte. Que peut espérer le capitaine accroché au bastingage au milieu du naufrage ? Mon petit plaisir c’est Bruno tenancier d’un bar au bout d’une route entre le boulot et le chez moi.
Là-bas je bois sec pour me laver la tête. J’ai fait la chef toute la journée. Je peux être fière d’avoir maintenu à moi seule le service. Je frémis à la seule perspective dans dix ans de devoir faire résonner mon discours de départ à la retraite. Mon pauvre mari sera parti depuis longtemps. Dans quel état échouerais-je sur cette plage de la relégation ? Je ne vois que solitude autour de moi. Des fois je songe que le suicide me serait un commode secours. Je ne me fais aucune illusion sur ma santé. J’ai fait n’importe quoi de mon pauvre corps. Mon chère bonhomme n’en peut plus de toutes les cigarettes et alcools consommés. Je ne veux point qu’on m’assiste en cette situation d’épave. Je sortirais par le haut. En attendant j’aspire à une sorte d’ivresse.
Bruno est pote de mon mari. Il a été de notre mariage. Il a été aussi mon amant. Ce cochon maintenant a prédilection pour les jeunes. Une fois alors que nous étions ivres il a bien consenti à me sauter mais franchement j’ai vu que mes rondeurs vieilles de salope le dégoûtaient. Je ne lui en tins point rigueur . Nous en avons même ri. A parti de ce jour et au fait de mes appétits il m’a promis qu’il saurait me rabattre du gibier. En effet de ces clients me repéraient au bout du bar à siroter cuisses bien en vue et l’escarpin nerveux au bout du pied. J’ai cru au départ à une blague. Puis un soir il est venu me chuchoter à l’oreille que j’avais tapé à l’œil d’un routier de passage. Celui-ci avait son grand camion garé près du bistrot. J’étais émue de grimper en son bahut.
Blond et rougeaud, il était beau ce polonais. Il était bien monté. J’ai sucé sa longue bite avec délectation. On a baragouiné français, anglais puis espagnol. Je ne l’ai pas voulu croire quand il m’a loué pour ma beauté, mes formes voire mon élégance. J’ai décelé qu’il avait repérée en moi une invétérée salope qui ne ferait point de manières en son habitacle. En effet on a baisé là haut une heure durant. Il me prenait et le je le suçais peu après pour le revigorer. Je ne pouvais rêver meilleur amant. J’ai eu un peu peur toutefois quand il voulut mon cul. Je voyais mal son vit me pénétrer l’intime. Bruno ou mon mari ou autre n’étaient pas tant montés. Finalement le coquin m’a introduit et en prenant respiration j’ai digéré tout son boa dedans mon cul.
Manifestement ravi il revint vers Bruno. Je ne sus pas ce premier jour que la prestation avait été tarifée. Au bout du troisième gus, une semaine après éclata le scandale. Un gros type, notaire de son état me besognait depuis de longues minutes le cul. Aux anges après qu’il eût lâché son foutre, il dit admiratif : « Chérie tu vaux ton prix. » Un peu interloquée je lui demandais ce qu’il entendait par là. Sans entendre malice il précisa : « Ben Bruno m’a majoré mon Whisky tout à l’heure. » Je tombais des nues. On me gérait en pute. Furieuse j’apparus peu après dans le bistrot. Bruno perçut de suite qu’il avait été dénoncé. Me tirant par le bras il me versa son conte : « Il était obligé de me vendre comme cela. Les clients eussent mal acceptés que je fis cela gratis. »
Je perçus tout le bon sens de sa réponse. En effet je me comportais comme une traînée. J’avais tout à gagner de passer pour une professionnelle. Bientôt je trouvais piquant ce rôle. Aussi exigeais-je de Bruno qu’il me reversa à tout le moins la moitié de la recette. Mes collègue et proches eussent bien été étonnés de découvrir que je tapinais dans un bar peu loin de chez moi. Je décidais de parfaire ma méthode et ma mise. Toute cette mise en scène m’excitait. A l’étage du bar il y avait plusieurs chambres dont nombre était inoccupé. Gabriel, le gendarme découvrit le pot aux roses. J’obtins son silence en obtenant qu’il me sautât à l’occasion et pour rien. Je passais des fois deux heures avant que de rentrer dans ce bouge. Je m’abrutissais d’alcool et de coups de queues.
Vannée et cependant apaisée, je pouvais ensuite me consacrer en fidèle garde malade à mon pauvre mari. Je lui faisais accroire que mon boulot m’apportait force joie et que j’avais des collègues formidables. A la nuit tombée et lorsque mon mari sous l’effet des drogues sombrait dans un profond sommeil, j’allais rejoindre parfois des clients. En effet grâce à Bruno j’avais rencontré Cyrille propriétaire d’un hôtel près de la gare de TGV. Là il était à propos d’aider au sommeil de certains messieurs dont quelques garçons de commerce. Y sévissait d’autres prostituées. Bientôt je m’y fis une estimable réputation. On me surnommait « la salope ». Mon côté vieille bourgeoise semblait allumer toutes les imaginations.
J’aimais offrir mon corps à ces parfaits inconnus. Ce corps qui me répugnait par ailleurs semblait un instant se voir conférer une sorte de grâce. Tel l’artiste outrancièrement grimée je montais sur la scène universelle du vice. Étrange sabbat je m’activais telle une sorcière à animer les sortilèges. J’accouchais de moi cet étrange personnage qui semblait être plus authentique. L’humiliation et d’être traitée de pute m’offrait à l’instar de l’ivresse de l’alcool la profondeur d’un apaisement. Dans un miroir je contemplais ma chair pantelante où se dessinait, fesses, seins et hanches et d’où s’exhalait encore le sperme du client. J’avais abordé enfin à un rivage. Sorte de Paradis intérieur et secret d’où nul à présent ne pourrait me chasser.
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