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Les vacances de Mia – 3

Les vacances de Mia – 3



Bain de minuit.

Je suis un peu sonnée, comme un boxeur qui vient de prendre une série de coups. Léo prend ma valise en disant « Viens ».
Après être sortis, on se dirige vers le garage. Il me demande:
— Ça va?
— Oui, oui… Enfin, je ne suis pas très à l’aise à l’idée de dormir là.
— Ma mère dort là et Amira, l’autre bonne, également. Il y a aussi les chiens qui dorment dans le garage. Tu ne crains rien.
— Et votre mère, elle est… facile?
— Tu peux me tutoyer, tu sais. Ici, je suis « homme à tout faire » pendant les vacances. Ma mère est assez exigeante.
Aïe! Il me montre la petite chambre au-dessus du garage. C’est monacal comme décor: un petit lit, une table, une chaise et un crucifix. Il m’annonce:
— Ma mère dort dans la grande chambre et Amira dans une petite chambre semblable à celle-ci.
Je vais à la fenêtre. Oh! On voit la mer. Le paysage me rappelle des toiles de Bonnard qui a habité pas très loin d’ici. J’adore Bonnard, sa femme lui a servi de modèle et il l’a peinte nue, très souvent. Il a peint sa maison sous tous les angles. J’aimerais la visiter..
— Mia, tu rêves?
— Pardon, je pensais à Bonnard.
— Viens, tu dois voir ma mère.
Nous retournons dans la maison principale. On va à la cuisine. C’est une grande pièce comme on en faisait au début du siècle passé. Madame Jeannine est une femme d’une bonne quarantaine d’années, grande et mince, mais qui a l’air… énergique. Elle nettoie de l’argenterie. Léo lui annonce:
— C’est Mia, la nouvelle bonne, m’man
— Ah oui, bonjour, Mia.
— Bonjour Madame.
— Tu es là pour le mois, c’est ça?
— Oui, Madame.
Tout en continuant de briquer un plat en argent, elle me dit:
— Bien. Voici ton programme. Le matin, tu dois être prête à servir le petit déjeuner à partir de huit heures. Donc, si tu es lente, il faudra être ici à sept heures quinze ou à sept heure trente, si tu es rapide. C’est Amira qui te réveillera.
Léo va prendre une bouteille de vin et se sert un verre. Il me demande:
— Un p’tit coup de rosé, Mia?
C’est sa mère qui répond:
— Exceptionnellement, alors. À partir de demain, tu seras à l’eau. Ou alors, juste un verre de vin, quand tu n’es pas en service.
— Bien Madame.
Je bois le rosé avec beaucoup de plaisir, pendant que Madame Jeannine me détaille ce que je devrai faire:
— Donc, ce sera debout à sept heures trente, si tu es rapide. De huit à neuf heures trente, il faudra servir le petit déjeuner. Et puis, faire les chambres et nettoyer. De plus, il y a toujours quelqu’un qui aura besoin de quelque chose. Et Mia…
— Oui, Madame?
— Tu es ici pour travailler, Amira aussi. Si vous voulez discuter, c’est après votre service.
— Bien, Madame.
— De midi à une heure trente, on sert le déjeuner. L’après-midi, lessive ou nettoyage, la maison est très grande. Le soir, il faut être prête à servir à vingt heures. Quand ils mangent ici, ce qui est rare.
— On m’a dit que je pourrais avoir un peu de temps libre, l’après-midi, parce que j’écris et…
Elle me coupe:
— Si je suis contente de ton travail, tu auras deux heures de liberté l’après-midi, en alternance avec Amira. Le soir, quand les patrons ne mangent pas ici, vous serez libres après le repas.
— Bien, Madame.
— Tu peux aller déballer tes affaires. Après, tu peux visiter le parc. Ils sortent ce soir, mais sois ici à sept heures pour le repas.
— Je ne mange pas avec eux?
— Tu rêves, ma fille! Depuis quand les bonnes mangent avec les patrons ?
— C’est que mon mari…
Elle me coupe à nouveau en disant:
— Madame m’a dit que tu seras une bonne pendant tout le mois. Le reste ne m’intéresse pas.
Léo essaie de me consoler:
— Tu sais, on s’amuse mieux ici qu’avec ces…
Mais sa mère le coupe sèchement:
— Léo, un peu de respect!
Puis elle se tourne vers moi en disant:
— N’oublie pas d’être là à sept heures. Tu peux disposer.
Je sors de la cuisine un peu sonnée, à nouveau. Bientôt, je serai chez les Samis (les Lapons) avec mes copines… En attendant, je monte dans ma chambre pour défaire ma valise. Quand c’est fait; j’ouvre ma tablette pour répondre à mes messages. Ensuite, je vais me balader dans le parc, avec un carnet pour prendre des notes pour mon journal.
Je respire l’odeur des fleurs, je danse avec les papillons… C’est pas si grave, faire la bonne. C’est ce que je fais chez moi, en plus de mon boulot. Emma a ce qu’elle veut: mon mari. Elle va me laisser tranquille.
***
Le soir, je vais à la cuisine. Amira est déjà là. Madame Jeannine nous présente, puis ajoute:
— Faudra bien vous entendre, les filles, puisque vous ferez équipe. Mais interdiction de bavarder!
On répond ensemble:
— Oui, Madame.
Et on se regarde en souriant. C’est une très jolie Maghrébine: elle a de grands yeux noirs d’antilope et un corps souple et sinueux. Son uniforme épouse ses courbes.
On mange à quatre: Madame Jeannine, Léo, Amira et moi. C’est froid, mais bon: de la charcuterie et une salade de tomates. Amira ne mange pas de charcuteries, mais des œufs durs. On a même droit à du caviar, parce que le dessus était moisi et que Madame a dit de le jeter. Madame Jeannine enlève le moisi, c’est quand même très bon… Dès que le repas est fini, Léo s’en va, car il a un rendez-vous galant. Amira demande:
— On peut aller se balader, Madame?
— Vous faites ce que vous voulez, sauf entrer dans la maison. Demain, je vous attends à sept heures quinze.
On lui souhaite bonne nuit et on sort. Il fait encore très chaud. Bizarrement, il y a beaucoup plus d’étoiles ici qu’à Paris. Amira me propose:
— Je vais nager, ça te dit?
— On a le droit?
Elle rit et répond:
— Pas du tout, mais on le fait quand même. Non?
— Oui…
Il commence à faire sombre. Je lui prends la main, elle se laisse faire. Sa main est chaude et moite. Je la serre en lui demandant:
— Si on nous att****, qu’est-ce qui va se passer?
— Madame Jeannine nous donnera une corvée pénible à faire. Tu as peur?
— Non… parce que je suis avec toi.
On arrive à la piscine, Amira se déshabille, moi aussi. Je lui dis:
— C’est dur, ici. Tu es le premier rayon de soleil depuis que je suis là…
Elle commence par rire, puis répond:
— C’est gentil, mais il faut de bons yeux pour voir un rayon de soleil… Tu pourrais faire autre chose que la bonne de ces gens.
— Heu… c’est compliqué….
— D’accord, tu m’en parleras quand tu en auras envie.
Elle me prend contre elle, son corps est ferme, doux et moite. Elle sent très bon, une odeur sauvage de transpiration de fille d’Afrique. Ses seins s’appuient contre les miens, je sens même les poils de sa toison qui me chatouillent. Elle me dit:
— On saute dans l’eau?
— Dans le noir?
— Donne-moi la main. Un, deux, trois, go!
Ouch! Ça surprend, mais l’eau est tiède et rapidement, c’est très agréable. Amira me demande:
— Alors?
— C’est super agréable, merci Amira… Je suis si heureuse de t’avoir rencontrée. Tous ces gens sont tellement durs avec nous.
Elle rigole en répondant:
— Oui, les patrons sont des enfoirés, mais il y a des choses cool, tu verras. Je peux payer des études à mes jeunes sœurs qui sont douées. Dans deux ans, j’ouvre un resto avec elles…
On parle tout bas, l’une contre l’autre. C’est… émouvant. Je lui demande:
— Et toi, pourquoi tu fais la bonne?
— Tu sais, pour le moment, c’est pas facile pour nous. Les gens se méfient. Et puis, je suis spécialement bien payée parce que les patrons me trouvent belle. Ils veulent s’entourer de beaux « objets ». Allez, je fais quelques longueurs et puis on rentre. On ne sait jamais qu’ils reviennent plus tôt que prévu et viennent ici.
On nage, j’essaie de rester près d’elle. Et puis soudain, les lumières s’allument. Elle chuchote:
— Pas de panique, on a le temps de déguerpir. Prends vite tes vêtements.
On sort de l’eau et heureusement, on repère tout de suite le petit tas que font nos vêtements. Il est temps, les gens arrivent. On rit tout bas. Je lui demande:
— On ne risque pas de rencontrer Madame Jeannine?
— Non, elle regarde la télé.
J’aimerais beaucoup dormir avec Amira, mais je n’ose pas le lui dire. Je l’embrasse près de la bouche en la remerciant et c’est sincère.
***
Le lendemain Amira me réveille. Je m’habille et on est l’heure à la cuisine. Quand elles n’étaient que deux, Madame Jeannine se levait en même temps qu’Amira, mais maintenant, elle profite de ma présence pour dormir.
Amira est belle, efficace et elle sent bon…. Je l’aide à tout préparer. Léo arrive, il nous embrasse, sans doute parce que sa mère n’est pas là. Il apporte le pain, les croissants et des petits pains au chocolat. J’ai faim, mais Amira me dit:
— On va manger après eux.

A suivre.

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