SUITE DE « L’apprentie…02 »
Vanessa vérifia bien que Narcisse en était le destinataire. Il lui semblait inconcevable qu’on puisse s’en prendre ainsi à son patron. Elle était auprès de lui et elle n’avait jamais rien remarqué qui puisse le rendre suspect. Il est vrai qu’il se trouvait dans le magasin au moment de l’agression. En y réfléchissant, elle trouva bien quelques détails qui la surprenaient encore. Elle s’était dit que les clientes étaient beaucoup plus nombreuses que les clients et que c’était Narcisse qui les servait. D’ailleurs, il s’arrangeait souvent pour qu’elle ne soit pas à proximité. De même, il ne l’emmenait pas sur certains reportages, comme si elle n’avait pas sa place.
Vanessa était songeuse. Devait-elle se méfier de Narcisse ou était-elle le jouet de son imagination ? Elle savait bien qu’il l’avait engagée sans beaucoup d’hésitations alors qu’elle n’avait pas vraiment de références. Un book assez peu fourni finalement et une lettre d’un ami de Ange …
Il est vrai que sa première séance de photo avec Narcisse l’avait été dans des conditions particulières. D’ailleurs, la cliente n’était jamais venue … Que faisait donc Narcisse dans le studio quand elle était arrivée ? Et qu’y faisait-il donc si tôt ce matin ?
Vanessa referma la lettre avec soin, si bien qu’on ne pouvait déceler qu’elle avait déjà été lue. Elle venait de décider qu’elle s’en tiendrait à ce qu’avait exigé d’elle Narcisse. Cependant, elle n’abandonnait pas l’espoir, par une surveillance discrète, de comprendre ce qui se tramait autour d’elle. Ce n’était pas sans raisons, même si elle ignorait lesquelles, qu’on agressait quelqu’un et qu’on lui adressait le jour même un courrier de menace.
Narcisse réapparut le lendemain au magasin. Il boitait, se tenait les côtes et portait des lunettes noires. Il resta assis au comptoir, ne soufflant mot ni de l’incident de la veille, ni du courrier. Vanessa le sentait tendu. Il jouait nerveusement avec les trombones en les tordant jusqu’à ce qu’ils cassent.
Elle ne tenait plus. Elle le regardait, attendant un signe de sa part qui ne vint pas. Pourtant, un peu avant la fermeture, elle profita d’une quinte de toux qui le laissa presque évanoui pour lui poser une question qui la taraudait depuis hier.
– Narcisse, qu’est-ce que vous pouvez me dire pour que je puisse vous aider ?
Il la regarda et reprenant sa respiration, il lui répondit d’une voix encore sifflante :
– C’est l’œuvre d’un mari jaloux, Vanessa. Ces imbéciles pensent que parce que je prends leurs femmes en photo, j’en profite pour les baiser. Les cons, s’ils savaient !
– Narcisse, qu’est-ce que vous essayez de me faire comprendre ? Vous êtes …
– Et, oui, Vanessa ! Les femmes ne m’attirent pas spécialement, même si j’en baise quelques-unes à l’occasion. Je préfère les hommes. C’est sans doute pour cette raison que mes nus sont si suggestifs. Et dans une petite ville, il n’est pas question d’exposer ma bisexualité sur la place publique ! Je n’aurais plus qu’à fermer boutique ! Je dois pouvoir compter sur votre discrétion absolue ! Voilà aussi pourquoi les flics ne sont pas les bienvenus !
– Mais, alors, …
– Oui, je me rends toutes les semaines à Bordeaux … et c’est pour ça que je rentre très tôt ou très tard certains jours, comme hier … vous comprenez ? Pas le médecin de Champezac non plus qui aurait décelé les preuves de mes occupations nocturnes en m’auscultant, vous comprenez, maintenant !
– Alors … Je vous promets, bien sûr, de ne jamais rien dire à personne. Personne !
Evidemment, la vérité pouvait parfois être si simple. Les explications de Narcisse, même si elles l’avaient surprise, se tenaient parfaitement. Elle s’était donc raconté des histoires qui ne tenaient pas la route. Elle s’en voulait d’avoir douté de mon patron, d’autant plus qu’il se montrait plutôt conciliant et qu’il lui apprenait le métier avec passion. Il ne lui passait aucun détail et il l’avait déjà encouragée à poursuivre son apprentissage en BP pour ouvrir une boutique à elle, plus tard, quand il lui aurait tout appris.
Le travail reprit, non pas comme avant, mais avec plus de complicité. Au fil des jours, Narcisse lui confia davantage de responsabilités. Il la laissait shooter quelques séances studio. Il y participait en lui donnant les conseils indispensables tout en la laissant s’exprimer. Elle aimait particulièrement les portraits d’enfants et la difficulté à saisir l’expression juste qui caractérisait le bambin. Narcisse reconnaissait qu’elle était devenue meilleure que lui.
Il lui proposait régulièrement pour affiner sa technique de lui servir de modèle à la fin d’une journée. Boutique fermée, ils avaient davantage de temps et ils n’étaient pas dérangés par d’éventuels clients.
Un soir, alors que la séance de shooting touchait à sa fin, Vanessa changea d’objectif pour choisir un grand angle. Elle se rapprocha de Narcisse et tourna autour de lui. Elle voulait un très gros plan du corps nu de son patron. Elle n’était plus qu’à quelques centimètres de lui. Les clics s’enchainaient rapidement. Elle secouait la tête, n’obtenant pas ce qu’elle voulait de son modèle.
– Narcisse, tournez-vous un peu vers moi pour prendre la lumière … non, c’est trop … voilà ! Votre main, plus haut … oui … détendez-vous, bon sang ! … Oui … comme ça ! … Votre main … Plus bas … oui … encore … laissez-vous aller …
Elle avait enfin ce qu’elle cherchait. La main de son patron sur sa queue raide. Il commença à la faire coulisser le long de sa hampe tout en fixant Vanessa. Celle-ci, contrairement à ce que lui avait enseigné son patron, éloigna le viseur et lâcha l’appareil. Elle resta quelques secondes à l’observer puis vint poser sa main sur sa poitrine.
Insensiblement ses lèvres se rapprochèrent de celles de Narcisse. Ce dernier entrouvrit la bouche et son élève les effleura avec sa langue. Ils échangèrent un premier baiser qui de prolongea. Vanessa prit la main de Narcisse et la remplaça. C’était elle désormais qui le masturbait. Elle s’allongea à ses côtés sur le sofa et elle dirigea celle de son partenaire en direction de son sexe. Lorsque sa main entrouvrit ses cuisses, il y plongea sans retenue, comme s’il avait attendu ce moment trop longtemps.
Vanessa gémissait à chacun de ses aller-et-retour le long de sa fente humide. Elle accéléra la cadence. Narcisse à son tour poussa un gémissement sourd et il voulut la pénétrer de son index. Vanessa le repoussa. Elle s’assit sur ses cuisses et entreprit de caresser son bouton turgescent avec sa bite. Elle poussait de longs soupirs chaque fois que le gland rougi la frôlait. Lentement, elle fit glisser sa bite dans sa chatte. Puis, lorsqu’elle fut complètement remplie, sa bouche retrouva celle de son patron. Elle était maintenant allongée sur lui ondulant d’avant en arrière pour mieux sentir sa queue en elle. Narcisse caressait ses seins, cherchant ses tétons. Il suivait le contour de ses courbes avec ses doigts jusqu’à rencontrer deux petites protubérances avec lesquelles il jouait quelques instant avant de reprendre sa course.
Vanessa accéléra le mouvement. Narcisse l’accompagna au rythme de ses mouvements. Il voulut se retirer lorsqu’il sentit qu’il ne tiendrait plus longtemps. Elle s’immobilisa, reprenant son souffle. Sa main glissa entre leurs corps jusqu’à son sexe. Elle sentit la bite de son amant contre ses doigts. Jouant avec ses chairs écartelées, elle remonta jusqu’à son clitoris. Elle y posa son index et avec des gestes précis, elle se masturba jusqu’à ce qu’un orgasme la surprenne. Sa chatte enserra un peu plus la queue de Narcisse qui esquissa un mouvement de va-et-vient. Vanessa se laissa porter, incapable de réagir.
Elle n’était pas entièrement comblée. Narcisse prit ses seins dans ses mains pour les pétrir tandis que sa bite glissait dans la chatte de Vanessa. Celle-ci poussait des cris rauques à chacun de ses coups. Lorsqu’elle sentit le jus chaud lui emplir le sexe, elle se laissa aller en poussant de grands cris qui résonnèrent dans la pièce.
Les deux amants restèrent encore quelques minutes allongés l’un sur l’autre. Vanessa se dégagea lentement de l’étreinte de son patron qui lui aussi avait repris contact avec la réalité. Ils se rhabillèrent en silence. C’est Vanessa qui parla la première.
– Ca devait arriver, n’est-ce pas ? lui dit-elle.
– Je crois qu’à force, c’était inévitable.
A nouveau, le silence se fit dans la pièce. Narcisse s’adressa alors à Vanessa :
– On n’a pas été très prudent. Pour ma part, je n’ai pas de problème. Je fais des analyses régulièrement. Et vous ?
– Moi non plus, je n’ai pas de problème.
– Et, évidemment, vous prenez la …
– Oui…, lui répondit-elle simplement pour le rassurer.
Peu de temps après, alors que Narcisse était en reportage, elle reçut une cliente dont le comportement l’intrigua. Elle était passée à plusieurs reprises devant le magasin, en observait l’intérieur avant de repartir. Elle demanda avec insistance le patron, indiquant que c’était à lui seul qu’elle voulait parler. Elle venait prendre livraison d’une série de photos faites à l’occasion d’un reportage et elle n’était pas convaincue que Vanessa puisse se débrouiller.
Vanessa trouva, dans une grosse enveloppe de papier kraft, à son nom, sous le comptoir, environ deux cents clichés. Lorsqu’elle les remit à la cliente, la femme d’un commerçant aisé et connu, cette dernière s’empressa de lui demander si toutes les photos étaient là. En l’entendant appuyer particulièrement sur le TOUTES, Vanessa eut un doute. La cliente ouvrit l’enveloppe et les fit défiler sous les yeux de cette dernière. On y voyait le même sujet se répéter à l’infini. Des personnes autour d’une table de cocktail et une foule assise devant un orateur.
La cliente déclara sans hésiter qu’il en manquait plusieurs, au moins six. Elle fit la remarque plusieurs fois avant finalement d’abandonner. Elle semblait vraiment contrariée, comme si ces clichés avaient une grande valeur. Vanessa lui proposa de les rechercher sur le disque dur pour éventuellement retrouver les clichés manquant. Elle montra à la cliente sur l’écran qu’elles semblaient toutes avoir été tirées.
La cliente ne voulut pas donner d’autres indications à Vanessa et quitta le magasin en lui faisant promettre de faire appeler Narcisse dès son retour. Elle lui laissa son numéro personnel de portable et lui demanda, inquiète, de rester discrète également.
Lorsque Vanessa reprit le dossier déposé dans l’ordinateur, elle se rendit compte que les numéros ne suivaient pas. Certains étaient absents. Narcisse les classait et les numérotait, pour disait-il, permettre aux clients de s’y retrouver plus facilement. Elle repensa à la réflexion de la cliente qui s’attendait à des photos qu’elle s’était bien gardée de décrire. Et, c’était la première fois que Narcisse utilisait ce genre d’enveloppe.
Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour comprendre qu’il se passait dans cette boutique des choses auxquelles elle n’avait pas accès. Elle imagina sans peine non plus ce que pouvait bien être le sujet de ces photos manquantes. Narcisse était un redoutable professionnel qui avait été paparazzi et reporter de guerre avant d’ouvrir sa boutique. Elle pensa donc qu’il se livrait durant les réceptions à la prise discrète de photos compromettantes ou osées qu’il remettait aux intéressées contre une forte somme d’argent. Vanessa songea que les clients n’envahissaient pas le magasin et que Narcisse n’avait jamais fait la moindre remarque sur d’éventuelles difficultés financières. Ces hypothèses se confirmaient quand Vanessa pensa à l’agression dont il avait victime. Qu’il soit bi était une chose, mais il pouvait fort bien lui avoir dissimulé son petit trafic sous ce prétexte. La déconvenue et l’insistance de la cliente finirent de persuader Vanessa qu’elle était sans doute proche de la vérité.
Il ne lui restait plus qu’à découvrir l’endroit où Narcisse stockait ces clichés. Vanessa savait qu’ils ne se trouvaient pas dans la boutique, ni sur le disque dur de l’ordinateur. Elle l’avait déjà examiné, fouillé sans succès. Elle avait également pensé au studio qui recélait assez d’endroits incongrus pour y déposer un petit disque dur ou un DVD. Elle l’avait également passé au peigne fin sans rien trouver. Elle s’était dit que Narcisse les avait sur lui ou dans son appartement. Mais, elle sentait qu’elle n’avait pas encore trouvé, que les photos étaient à proximité, peut-être même sous ses yeux afin qur Narcisse soit en mesure de répondre immédiatement à la demande d’une cliente.
Elle considérait désormais que ses relations avec Ange étaient maintenant stabilisées. Elle avait renoncé à l’accompagner dans les soirées qu’il animait. Elle avait suffisamment confiance en lui pour ne pas être jalouse. Il lui avait juré de lui être fidèle, comme un corse peut l’être. Il lui racontait qu’il dansait un peu avec quelques filles durant les soirées, mais qu’aucune n’avait le charme qu’elle avait. Elle le soupçonnait pourtant d’aller un peu plus loin à l’occasion. Elle retrouvait sur son col de chemise des traces de rouge à lèvres et des effluves de parfums un peu trop prononcés. Il lui expliquait qu’il s’agissait de filles très collantes dont il avait de la peine à se débarrasser. Un dimanche matin, pourtant, rentrant très tôt, comme d’habitude, il la réveilla et s’accrocha à elle en voulant l’embrasser et en lui pelotant les seins. Il avait bu plus que de raison et il était très euphorique. Lui, qui ne disait jamais grand-chose, parlait fort et riait beaucoup.
Elle le repoussa gentiment en lui disant qu’il avait d’abord besoin de prendre une douche et un café fort. D’une voix pâteuse, il lui dit :
– Mademoiselle, la sainte nitouche, n’a pas envie de baiser ! C’est pourtant pas les occasions qui manquent ! Tiens, une admiratrice !
Et, joignant le geste à la parole, il tira sur sa chemise et elle vit son torse strié de griffures.
– Ange, qu’est-ce qui s’est passé avec cette fille ?
– Ah, ça t’intéresse ! Tu veux vérifier ma queue ?
Il dégrafa son pantalon et se retrouva en caleçon devant elle.
– Alors ? Tu veux venir tâter ? Tu me fais chier, Vanessa ! Fous-moi la paix !
Il avait maintenant le regard menaçant et le ton qu’il venait d’employer n’était pas rassurant. Elle décida de le laisser tranquille et de reprendre la conversation plus tard, lorsqu’il serait plus calme.
– Prends une douche, Ange ! Et, tu iras te reposer un peu. Ca te va ?
– Fous-moi la paix, je te dis ! Je fais ce que je veux ! C’est quand même pas des trous du cul foireux qui vont avoir le dernier mot, bordel ! Ici, c’est moi le boss ! Kapich !
Elle ne répondit rien à Ange. D’ailleurs, il ne valait mieux pas. Il faisait de grands mouvements de bras, comme s’il se battait avec quelqu’un. Ca arrivait bien qu’il rentre un peu énervé, mais c’était vraiment la première fois qu’elle le voyait dans cet état d’excitation. Elle essaya de le diriger vers la douche sans qu’il s’en aperçoive. Elle le prit par la main quand il se dégagea violemment et la menaça de son poing.
Instinctivement, elle chercha à se protéger avec les mains en position de défense. Il la saisit alors par le bras et la traina vers le lit. Il la poussa violemment et tandis qu’il enlevait maladroitement son caleçon, elle le suppliait d’arrêter. Il n’entendait plus rien. Il était en rage et hurlait des mots sans suite avant d’utiliser sa langue maternelle. Il se jeta sur elle essayant d’arracher sa nuisette et sa petite culotte. Elle se débattait en le suppliant. Son regard était ailleurs. Il ne savait plus ce qu’il faisait.
Il s’allongea sur elle, la queue molle, et il voulut la pénétrer de force. N’y arrivant pas malgré ses efforts désespérés, il hurla encore plus fort. Terrorisée, elle essaya de lui parler pour le calmer.
– Ange, écoute-moi, s’il te plait ! Je ne te dirai plus rien ! Tu pourras faire ce que tu veux ! Je te le promets !
Il continuait à s’acharner sur elle. Elle sentait son corps peser de plus en plus, l’empêchant de se soustraire à sa v******e aveugle. Il répétait maintenant la même phrase en boucle. Une phrase qui lui faisait mal et la détruisait.
– Salope, je t’aurai, comme les autres ! Salope, je t’aurai, comme les autres ! …
Enfin, dans un dernier sursaut, il réussit à mettre sa bite à l’entrée de son vagin. Elle lui hurla dans un dernier réflexe :
– Qu’est-ce que tu dirais si c’était ta mère ! Ange …
Il cria une dernière fois salope et referma ses mains puissantes sur ses seins. La douleur était tellement intense qu’elle avait l’impression d’être prise entre les mâchoires d’un étau. Elle réussit malgré tout à se contenir. Les larmes coulaient silencieusement le long de ses joues. Elle suffoquait et elle prit à ce moment précis la décision de le quitter. Enfin, il desserra son étreinte et bascula sur le dos, en travers du lit, avant de s’endormir.
Elle quitta l’appartement avec son sac de voyage rempli de tout ce qu’elle avait pu trouver d’utile. Elle était seule dans les rues désertes de ce dimanche matin. Elle s’arrêta à la boulangerie pour acheter un croissant. Elle eut l’impression que la vendeuse la regardait bizarrement.
Elle trouva un banc dans un square désert et elle commença à le manger sans attendre. Elle avait l’impression de mâcher un morceau de carton. Les sanglots qu’elle essayait de retenir finirent par l’envahir et elle pleura hoquetant entre deux bouchées. Il lui fallut longtemps avant de reprendre ses esprits et de se calmer.
La situation lui paraissait intenable et elle n’avait pas d’endroit où se rendre, si ce n’est à la boutique. Elle avait les clés, mais elle ne savait pas si Narcisse accepterait de l’héberger, au moins provisoirement. Ce qu’elle avait compris au fil des dernières semaines ne l’incitait pas vraiment à lui demander ce service.
Elle était comme clouée sur ce banc en essayant d’envisager toutes les possibilités. Rien, elle ne trouvait rien qui puisse arranger sa situation. Elle entendait les heures sonner au clocher de l’église voisine. Il était maintenant onze heures passé. Elle commençait à avoir froid. Le vent s’était levé et la pluie menaçait de tomber. Le manteau qu’elle avait enfilé dans la précipitation n’était pas assez chaud.
Elle était dans une drôle de situation. Elle avait quitté son appartement sans avoir le moindre point de chute. Finalement, c’était à Ange de partir, pas à elle. Cette dernière réflexion lui rendit un peu de courage et c’était maintenant ou jamais. Après ce qu’il venait de faire, il ne pourrait pas rester. Elle perdait quelqu’un à qui elle avait donné toute sa confiance et, jusque-là, elle était plutôt contente d’être avec lui, même si … même si, elle ne savait pas tout de sa vie.
Elle ouvrit la porte avec précaution pour ne pas réveiller Ange. Lorsqu’elle la referma, elle jeta un coup d’œil en direction du lit. Il n’était plus là. Elle entendit alors sa voix mal assurée qui venait de la kitchenette :
– C’est toi, Vanessa ?
– Oui, c’est moi … lui répondis-je inquiète, il faut que je te parle sérieusement …
– Si c’est pour ce matin, j’étais bourré. Je m’excuse.
C’était le moment. Il fallait qu’elle continue et qu’elle lui dise. Elle sentit toutes ses résolutions s’évanouir en une fraction de secondes. Puis, l’image d’Ange essayant de la pénétrer de force lui revint, de même que ses mains broyant sa poitrine. Elle n’avait pas oublié cette douleur affreuse qu’elle sentait encore lui déchirer les seins. Elle reprit sa respiration et elle continua la conversation.
– Tu te rappelles de ce que tu as fait, de ce que tu m’as fait ?
– Non, enfin, si, un peu ! C’est pour ça que je m’excuse … Ca va aller !
– Non, Ange, ça ne va pas aller ! Pas comme ça !
– Je te dis que je m’excuse … tu ne vas pas bouder ! C’est fini !
– Je ne suis pas sure, Ange ! Tu te rappelles de ce que tu m’as fait ? Je ne sais pas si je peux continuer à te faire confiance …
Il ne répondit rien et elle était maintenant en face de lui à le regarder manger. Il s’était versé un bol de café noir qu’elle avait préparé la veille et il beurrait tranquillement une tartine avec son couteau.
– Tu entends ce que je viens de dire ?
Il leva la tête et prenant le bol à deux mains, il en but une gorgée. Il la regarda à nouveau et hocha la tête. Il était torse nu et elle distinguait parfaitement les griffures qui zébraient son torse. Ce n’était pas un accident ou quelque chose d’autre, pas à cet endroit. L’une d’elle faisait le tour de ses tétons et une goutte de sang séché telle une médaille formait déjà une petite croute.
– J’ai bien entendu ! répondit-il. Tu ne peux pas me quitter, si c’est ce que tu veux dire. Je ne veux pas.
Elle resta pétrifiée en l’écoutant. Elle reprit alors d’une voix mal assurée :
– Je crois que tu n’as pas bien compris. Je ne veux pas rester après ce que tu m’as fait !
Il posa le bol violemment sur la table et d’un ton sec, il reprit :
– Tu ne peux pas me quitter ! C’est comme ça ! Tu restes ici ! Les Di Marco sont les maitres ! Personne ne leur dicte leur conduite ! Surtout pas toi ! Ne m’oblige pas … tu entends, ne m’oblige pas … O ghjattasecca !
Elle releva son visage dans sa direction et soutint son regard qui s’était durci. Il était pâle, fermé, une main posée sur la table, l’autre jouant avec son couteau ouvert. Il tentait de contenir une colère sourde.
– Tu es ici chez moi ! Ne l’oublie pas ! lui cria-t-elle.
– Vanessa !
D’une voix éteinte, il prononça son prénom qui claqua comme un coup de fouet et il se pencha pour lui saisir la main qu’il serra dans la sienne. Elle essaya de se dégager, mais il était beaucoup plus fort qu’elle.
– Vanessa, tu oublies et moi j’oublie aussi. C’est mieux pour toi, crois-moi ! Personne ne m’a jamais manqué de respect, tu entends ?
– Mais toi, si et ça ne te gêne pas ! Tu prends tes affaires et tu t’en vas. Tout de suite.
Il soupira d’un air las et lui lâcha la main. Il se leva, contourna la table et passa devant elle sans un regard. Elle avait vraiment cru qu’il n’abandonnerait pas aussi facilement. Elle commençait à penser qu’elle avait pris la bonne décision et qu’il partirait comme il était venu. Ange semblait avoir compris, à son plus grand soulagement.
Il prit son sac posé dans un coin, en sortit ses vêtements un par un et les lacéra avec son couteau avant de les jeter au sol. Elle se précipita sur lui. Avant de l’atteindre, elle vit son bras se lever, et sans même la regarder, il lui donna une baffe monstrueuse qui résonna dans tout son corps. Elle s’effondra, incapable du moindre mouvement. Il continua son œuvre destructrice toujours muet et blanc de colère.
Aucune larme ne coulait. Elle le voyait faire sans pouvoir réagir. Après avoir vidé son sac, il s’attaqua à la penderie. Il jetait parfois un rapide coup d’œil dans sa direction et reprenait méthodiquement le saccage de ses affaires. Il ne laissa rien en état. Tout ce qui lui restait, c’était ce qu’elle portait. Il s’approcha d’elle, avec le même regard déterminé et glacial. Il la mit debout et posa un doigt sur ses lèvres pour lui intimer l’ordre de se taire et de ne surtout pas bouger. La lame déchira le T-shirt qui fut mis rapidement en lambeaux. Elle la sentait courir froide sur ma peau. Elle le suppliait du regard, muette d’effroi. Il coupa son soutien-gorge en seul coup précis, impitoyable. Quand il eut terminé, il taillada son jean, sa petite culotte et ses baskets. Elle n’avait plus rien à se mettre. Elle comprit qu’elle était devenue sa prisonnière.
Il parut satisfait de son œuvre et s’assit à la table pour terminer son bol de café. Il ferma le couteau en faisant claquer la lame. A ce bruit, elle sursauta et elle le vit esquisser un petit sourire. Il était satisfait de lui. Elle le haïssait plus qu’elle n’avait jamais haï quelqu’un. Pourtant, elle baissait les yeux et elle n’osait pas bouger. Sa joue lui faisait mal et en y portant la main, elle sentit sa pommette encore douloureuse. Sa bague avait dû l’érafler ou s’enfoncer profondément dans sa chair.
Elle l’observait à la dérobée, craignant raviver sa colère qui semblait s’éteindre. Il paraissait avoir retrouvé le calme qui l’avait quitté. Elle ne voulait pas revivre de pareils instants où elle avait réellement cru sa vie en danger. Il leva les yeux vers elle et elle l’entendit lui dire :
– Tu me fais une omelette ! J’ai faim !
Elle le regarda sans bien comprendre. Elle essaya de remettre de l’ordre dans ses pensées, sidérée par sa demande. Elle restait assise sur le lit, les jambes serrées, sans réagir. A nouveau, elle l’entendit prononcer son prénom, de la même voix éteinte. D’un bond, elle se leva, et en quelques secondes, l’omelette cuisait sur la plaque. Lorsqu’elle fut prête, elle posa la poêle devant lui. Au regard qu’il lui jeta, elle sut qu’il n’était pas satisfait. Elle prit une assiette, les couverts et lui servit dans l’assiette. Il la dévora sans un regard pour elle. Elle était restée debout à côte de lui.
Lorsqu’il eut terminé, il recula sa chaise et la bascula contre le buffet avant de s’y affaler. Il semblait savourer tout particulièrement cet instant. Elle était près de lui sans bouger, craintive, attendant un mot, un geste de sa part. Sa colère était retombée. Il fermait les yeux, savourant cet instant.
Elle sursauta quand elle sentit sa main se poser sur sa cuisse…
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