Pour tromper la routine et pimenter le quotidien, Laura et moi faisions des scénarios. On s’inventait des histoires et nous nous mettions dans la peau de différents personnages, comme au théâtre ou au cinéma.
Nous faisions ça chez nous, souvent, mais dans d’autres endroits si les histoires le nécessitaient.
Dans des forêts.
Dans des hôtels.
Sur des parkings.
Sur des plages.
Dans des maisons et des châteaux abandonnés…
Nous avions l’embarras du choix, car nous débordions d’idées.
Je raffolais de ce genre de jeux, tout comme Laura qui allait jusqu’à se payer des fringues dans le seul but de jouer un rôle.
Une randonneuse.
Une voisine de palier.
Une auto-stoppeuse.
Une pute.
Le but de chaque expérience était le même : stimuler l’excitation.
A terme, systématiquement, nous baisions.
Je n’étais alors plus moi-même, j’étais le personnage du jeu, tout comme Laura tenait un rôle elle aussi. Après six ans de vie commune, afin d’éviter que le temps parvienne à épuiser le désir, nous avions trouvé cette solution : changer de tête et de corps.
S’inventer d’autres vies.
De cette façon, ce n’était plus avec Laura que je baisais, mais avec d’autres femmes dont elle tenait le rôle. Réciproquement, je n’étais plus moi à ses yeux, j’étais un autre homme à chaque fois.
Un oncle.
Un vieux copain de fac.
Un collègue de boulot.
Un inconnu qui abordait Laura dans la rue.
J’aimais bien qu’elle fasse la pute, ou plus exactement l’escorte. Qu’elle joue le rôle d’une jeune nana qui se rendait chez ses clients pour y passer une soirée, puis une nuit, pour de l’argent.
Laura étudiait toujours soigneusement ses tenues, au détail près.
Mais j’aimais bien également qu’on se croise dans la ville, dans une rue piétonne, en pleine journée. J’abordais Laura et je lui offrais un verre. C’était une inconnue et nous allions ensuite chez moi.
Dans la nature, nous nous sommes croisés dans des chemins et je l’ai abordée pour lui demander d’où elle venait, où elle allait et si elle randonnait souvent toute seule de cette façon.
Dans des endroits abandonnés, je l’ai surprise en train de se masturber ou en train de bouquiner. Nous avons papoté.
Sur des parkings, en pleine journée ou à la nuit tombée, elle s’est foutue à poil sans se demander si quelqu’un d’autre que moi la voyait.
J’ai joué le rôle de vieux copains de fac que Laura recroisait dans la rue, après des années, et qu’elle invitait chez elle, histoire de boire un verre, puis deux, puis trois.
Elle a maintes fois joué le rôle d’une auto-stoppeuse qui marchait au bord de la route, en pleine campagne, avec un t-shirt et un mini-short, sans soutien-gorge ni culotte.
Elle a joué le rôle d’une exe qui revenait chez moi pour récupérer des affaires, et celui d’une voisine qui n’avait plus de beurre.
Celui d’une nièce que son oncle avait fait boire afin que sa tête se mette à tourner un peu. Pour qu’elle le laisse lui caresser les cuisses, puis les seins, en l’embrassant dans le cou.
J’ai joué le rôle du mec d’une copine de Laura.
Celui d’un représentant qui venait frapper à sa porte, un soir, en vue de lui vendre n’importe quoi.
Celui du propriétaire de l’appartement où elle vivait, pour lui réclamer un loyer de retard.
Voyez-vous ce que je veux dire ?
Il y a maintes façons de ne pas se laisser dévorer par la routine.
Maintes façons de sauver son couple, à compter du moment où l’on est suffisamment complices.
Avec de l’imagination.
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