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Hélène de Crète

Hélène de Crète



Quinze heures viennent de sonner à l’horloge de l’église de la Sainte-Croix… Sur les hauteurs qui dominent Chania, La Canée pour les francophones, le petit village d’Alikianos somnole.
Confortablement installé sur la terrasse ombragée de la grande et pittoresque maison que je loue en Crète depuis deux ans, je relis, un peu distraitement Le Bateau fabuleux, un des romans de Philip José Farmer que j’ai trouvé, et en français, chez un des rares bouquinistes d’Héraklion, la capitale.

Il fait chaud, mais une légère brise descendue des proches montagnes, le mont Volakias n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres, se faufile à travers les oliviers omniprésents pour tempérer les effets du soleil.
Le ciel est d’un bleu limpide qui se confond à l’horizon avec l’azur foncé de la Méditerranée.
La musique magique de Debussy – Arabesques – sous les doigts délicats de Brigitte Engerer, me transporte dans un ailleurs improbable, parfumé de ciste, de romarin et du fumet particulier qui accompagne le retsina bien frais que je déguste à petites gorgées… le paradis !

— Mais ma pauvre fille, tu ne vois pas que tu es conne ?

Boum ! D’un seul coup me voilà redescendu sur terre… malgré mes écouteurs, la phrase a sonné comme un coup de canon dans la quiétude de l’après-midi…
De la maison voisine s’échappe l’écho d’une discussion orageuse… Un couple, francophone de surcroît, vient de détruire ma paix… La barbe ! Qu’ils aillent se plumer ailleurs !
Perdu pour perdu, je risque quand même une oreille… et un œil en direction du lieu présumé de l’algarade.
À peine vingt mètres me séparent d’une petite maison de plain-pied où je distingue une silhouette féminine appuyée à un pilier de la véranda.
La silhouette me semble agréable, peut-être un peu mince, cheveux mi-longs, mais à cette distance, difficile d’en savoir davantage…

— Tu me fais suer avec tes vieilles pierres, pas question d’aller bouffer de la poussière en plein cagnard. Si tu veux y aller, ne te gêne pas, l’arrêt du bus est à 400 mètres !

L’homme est invisible dans la chambre, mais la voix est avinée, hargneuse et semble celle d’un individu d’une cinquantaine d’années.
La femme semble tout d’abord indécise, puis saisit un petit sac de toile, se coiffe d’un chapeau et sort de la villa en claquant derrière elle le portillon de bois.
« Tiens ? me dis-je. Voilà peut-être une occasion de sortir un peu de ma torpeur vespérale et de faire une rencontre, qui sait, intéressante. En plus j’ai des courses à faire à Chania, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? »

Je viens de fêter (?) mes soixante ans, capitaine au long cours en retraite et veuf depuis quelques années. Mes deux filles sont adultes et indépendantes et je me sens en pleine forme… pourquoi refuser l’aventure lorsqu’elle frappe à votre porte !
Je prends mon vieux chapeau de toile, mon sac à dos et me dirige vers le jardinet où ma vieille deudeuche sommeille à l’ombre d’un olivier.

— Allez, ma belle Rosalie, on va se balader, lui confié-je à mi-voix, sois cool et pas de caprices !

Rosalie a tout compris et répond à mon premier coup de démarreur… elle non plus n’est plus toute jeune, 24 ans pour être précis, mais toutes ses garnitures et, dans ce pays, une décapotable n’a pas besoin de sortir de chez Porsche !

La route qui descend vers le village flamboie sous le soleil, le calcaire blanc des murs la transforme en four et je distingue au loin la silhouette de ma voisine qui avance en s’efforçant de profiter de l’ombre, relative, des constructions, assez espacées de cette partie du village.
Arrivé à quelques mètres, je ralentis et apprécie les jambes bronzées, la taille fine, les épaules plutôt larges.
« Elle doit faire du sport, me dis-je, de la natation peut-être ? »
Les cheveux s’échappent du chapeau de paille et tombent en rouleau sur la robe de toile écrue… ils sont châtain clair.
Je suis arrivé à sa hauteur, elle se tourne vers moi, interrogative, le regard de ses yeux bleus illumine un fin visage hâlé.

— Bonjour, je suis votre voisin, je descends à Chania faire quelques courses, voulez-vous profiter de mon carrosse ? Rosalie est d’accord !
— Rosalie ?

Un sourire, elle a vite compris, c’est bon signe…

— C’est gentil, je ne dis pas non, le soleil tape vraiment très fort aujourd’hui !

Gagné ! Je lui ouvre la portière et elle s’installe à mes côtés, son sac à ses pieds.

— Eh bien, bonjour, je suis Hélène, Française et professeur de musique.
— Moi c’est Hervé, Breton et capitaine au long cours en longues vacances.
— Un marin breton retiré en Crète ! En voilà une curiosité…

La voix est gaie, chaleureuse et je sens un petit frisson me parcourir la colonne vertébrale.
Aussitôt après quoi je me tance intérieurement « Hé papy, on se calme, pas la peine de fantasmer ! »
Tout en continuant prudemment ma descente dans les rues étroites, je détaille, en essayant d’être discret, ma passagère, sagement assise, les mains sur les genoux.
Elle doit avoir entre 45 et 50 ans, évalué-je, musicienne, ça c’est chouette, sportive, je le suppute, mais que fait-elle avec un type qui me semble un parfait goujat ?
Le profil est délicat, un joli nez, des lèvres bien dessinées, avec aux commissures de petites rides en étoile. De légères ridules aussi autour des yeux aux longs cils, un fin duvet blond à peine visible adoucit la marque du temps sur ce visage que je découvre et qui déjà me fait battre le cœur.
« À ton âge, vieux coquin, reste un peu réaliste » murmure la petite voix dans ma tête.
« Bon, allez, je me lance, advienne que pourra, au pire j’aurai fait une jolie rencontre » me coupé-je.

— Je ne vous ai pas demandé quelles étaient vos intentions, je vais en ville, mais peut-être aviez vous d’autres projets ?
— À vrai dire, non, pas du tout, mon mari ne voulait pas sortir et moi je brûle de découvrir ce pays où je viens pour la première fois. Alors, puisque j’ai la chance d’avoir un guide sous la main, je m’abandonne à vous… enfin pour la ballade, pouffe-t-elle.

Là, elle m’en bouche un coin ! Elle est belle, elle a de l’humour… « Aïe, Hervé, mon garçon, garde le contrôle. »

— Alors c’est parti, vous avez fait le bon choix, je suis le premier guide créto-breton bientôt agréé par l’Office de Tourisme de Chania !

Je vais vous confier un secret (de polichinelle !) : les mecs, on n’est vraiment pas conçus pour être solitaires et autonomes. On frime, on plastronne et en un tour de main la première jolie fille ou femme, sans rien faire, sans même apparemment sembler en être consciente, vous entortille et, comme le dit si bien Brassens, vous prend par le bout du cœur.

Autour de nous défile le paysage crétois, oliviers à perte de vue, avec la montagne aux sommets encore un peu enneigés (nous sommes en mai) en arrière-plan.
Plus bas, au-delà de Chania, les eaux turquoise du golfe de Souda et, un peu voilée par la brume de chaleur, la presqu’île d’Akrotiri où se trouve l’aéroport.

La Canée, j’aime ce nom un tantinet moyenâgeux, est l’ancienne capitale de la Crète. C’est une ville attachante, à l’architecture foisonnante, mélange de culture antique, minoenne d’abord, dorienne ensuite, grecque bien sûr, mais aussi romaine, vénitienne, ottomane.
Un vrai casse-tête pour les archéologues qui ne peuvent accéder aux vestiges les plus anciens qu’en détruisant les plus récents…

Je garde de ces quelques heures un souvenir presque irréel, Hélène s’est révélée une compagne aussi attachante que cultivée, j’ai vite compris qu’elle avait dévoré des montagnes de documents sur le pays au point que je me suis parfois fait prendre en défaut sur des points de détail historiques !
Un comble ! On en a ri comme des gosses et lorsque je l’ai amenée chez Cronos, le grand pâtissier du centre-ville, j’ai cru qu’elle allait tomber en pâmoison devant l’étalage de friandises, de gâteaux brillants de sucre, dégoulinants de miel…

J’ai oublié à quel moment nous en sommes venus au tutoiement, mais ce fut si naturel…
Installés à une terrasse de l’immense port vénitien, nous avons dévoré nos achats, une bouteille d’ouzo avec « Ena bocca di nero pagomeno (1) » pour faire descendre le tout.
Pour ma part, je me serais bien contenté de dévorer Hélène des yeux, mais mieux vaut tenir que courir, et les kandaifis, les « profiteroles » ne m’avaient jamais semblé aussi bons qu’en cette journée.

— Merci, Hervé, merci pour cette ballade formidable, me dit-elle en posant sa main, un peu collante, sur la mienne. Je n’avais pas été aussi heureuse et insouciante depuis longtemps.

D’un seul coup, un nuage de tristesse sembla voiler ses yeux bleus ; je me remémorais l’altercation qui avait attiré mon attention. Je n’osais aborder le sujet, après tout, ce n’était pas vraiment mon affaire, de quel droit me serai-je immiscé dans leur vie privée.
Comme si elle avait lu en moi, ce fut elle qui se jeta à l’eau, ce que j’attendais et redoutais à la fois.

— Je ne voudrais pas t’embêter avec mes histoires personnelles, mais tu sais, je suis venue ici avec Jérôme, mon mari, dans l’espoir de sauver ce qui reste de notre couple qui part à la dérive… Apparemment, je n’ai pas choisi la bonne méthode. Nous sommes installés depuis à peine deux jours et ça ne fait qu’empirer !
— Vous avez des enfants ?
— Un fils de 35 ans, musicien comme moi, il est premier violon dans un orchestre allemand, à Leipzig. Il ne parle plus à son père depuis… enfin depuis qu’un jour il m’a frappée devant lui.
— Mais c’est un salopard, ne puis-je m’empêcher de m’exclamer !
— Il n’est pas vraiment méchant, mais il est aigri, sa carrière de professeur de conservatoire n’a pas pris la tournure qu’il espérait et il s’est refermé sur lui-même et s’est mis à boire. Je ne sais plus quoi faire.
— Si je puis t’aider en quoi que ce soit, bredouillai-je, je serais heureux de t’être utile. Ce matin encore j’ignorais jusqu’à ton existence et là, maintenant, j’ai l’impression de te connaître depuis toujours.
— Peut-être dans une autre vie, nous sommes-nous rencontrés et pourquoi pas, aimés ?

Sa main, sur la mienne, son genou contre ma cuisse, nos regards rivés l’un à l’autre, j’eus soudain presque peur de la soudaine émotion qui m’étreignait.
Que nous arrivait-il ?

— C’est… c’est un peu fou, ce qui nous arrive, murmura Hélène avec un petit sourire, je débarque comme ça, sans prévenir, dans ta… Rosalie et dans ton existence. Je suis désolée, mais je n’avais pas prévu ça…
— Ne t’excuse pas, je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir, mais même s’il ne devait me rester que ces quelques heures passées ensemble, j’en remercierais les dieux ou qui que ce soit qui existe au ciel ou ailleurs.
— J’espère que ça ne s’arrêtera pas là, Hervé, ce serait trop injuste.
— Je ne voudrais pas être rabat-joie, mais tu sais, je ne suis plus tout jeune, même si j’ai encore la forme et toi…
— Tu me donnes quel âge ? Je t’ai dit que j’avais un fils de 35 ans… et j’avais 22 ans à sa naissance !
— Euh ! Eh bien… sans rire, je t’avais donné quasiment dix ans de moins, alors que nous n’avons que trois ans de différence. Là, je suis bluffé !
— Le piano, ça conserve… la natation aussi, je pense !

Le retour, alors que le jour commençait à décliner, fut presque silencieux, mais pas triste.
Sublimé par une soudaine fraîcheur, le parfum de la campagne était d’une densité presque palpable. Bien qu’habitué à cette transition, c’est une chose qui n’est jamais banale.
La tête d’Hélène sur mon épaule, l’était encore moins, Rosalie s’en rendait compte et acceptait de rouler en troisième à vingt à l’heure sans brouter !

Lorsque nous fûmes garés sous son olivier habituel, Rosalie se tut, je regardais Hélène, Hélène me regardait.
Notre baiser fut bref, mais il me brûle encore les lèvres et je restais figé tandis qu’elle s’éloignait dans le jour finissant.
Tapi dans l’ombre de ma terrasse, je regardais la maison voisine…

— Nom de Dieu ! C’est maintenant que tu rentres ! Tu es allée où ? J’espère que tu as ramené à bouffer ?

7 heures, à Alikianos, ici… les cloches s’invitent à toute occasion, en France, on en a un peu perdu l’habitude.
Cette fois-ci c’est le petit monastère de Keritis qui fait gaiement tinter sa cloche fêlée dans l’air du matin.
Une tasse de café à la main, bien calé dans mon rocking-chair favori, je songe à ma journée d’hier et à la rencontre de ma troublante voisine Hélène…
Un coup d’œil vers leur maison, à quelques dizaines de mètres de la mienne… rien ne bouge.

— Kalimera, Hervé !

C’est Irena ma cuisinière, gouvernante… et propriétaire qui fait irruption dans la vaste cuisine.
C’est une dynamique veuve, ancienne restauratrice crétoise de la rue de la Huchette, rentrée au pays à la chute du régime des colonels, maîtresse femme qui frise les 76 ans, joyeuse et pleine d’entrain.
Heureusement pour moi elle comprend et parle bien le français, ce qui m’arrange, mon grec étant des plus rudimentaires ! Elle m’apporte des petits pains encore tièdes, un grand bocal d’olives et surtout… les derniers potins du village, voire du canton !
Mes voisins n’ont pas tardé à se faire remarquer… en particulier Jérôme, le mari… toujours de mauvaise humeur et, horreur, jamais vu au « kafénion » local, où je ne manque jamais moi-même d’aller boire un ouzo.
Une petite tournée de temps en temps entretient les bonnes relations !
Bon… les vieilles trouvent aussi que sa femme s’habille un peu court, ce qui fait ricaner Irena qui n’a jamais voulu se plier à la mode locale du noir, robe et fichu, et qui exhibe d’affriolantes robes à grandes fleurs sur son embonpoint triomphant !

— Tu devrais les inviter à prendre l’apéritif, jubile-t-elle, on en saurait un peu plus !

Je me garderais bien de lui raconter ma journée d’hier… encore que je sois persuadé qu’elle est déjà au courant. Impossible de remuer un orteil à Alikianos sans que cela déclenche une vague de potins !
Sur le coup de 11 heures, je me rends donc en toute innocence (!) chez mes voisins…
Personne dans la véranda, je tire la chaînette rouillée qui pend à côté du portillon, ce qui déclenche un peu plus loin, un carillon…

— T’attends quoi pour aller voir ?

Oups ! Voilà qui s’annonce délicat…
La porte s’ouvre et Hélène apparaît. Ses yeux, rougis, s’écarquillent à ma vue et, avant qu’elle n’ait prononcé un mot, je lui lance cérémonieux :

— Bonjour, Madame, je m’excuse de vous importuner, je suis votre plus proche voisin et je serais ravi de vous accueillir, avec votre mari, pour l’apéritif… si cela vous fait plaisir, bien entendu.
— Euh… vous êtes très aimable, j’ignorais que nous avions un Français dans notre voisinage.

Malgré son air défait… elle ne peut s’empêcher de me faire un clin d’œil, accompagné d’un pâle et fugitif sourire.
À ce moment, surgissant de la maison, apparaît le mari…
C’est vrai que je ne suis pas, loin s’en faut, impartial, mais il correspond tout à fait à l’idée que je m’en faisais !
Assez grand, maigre, épaules tombantes, avec sa brioche de buveur de bière, sa petite moustache et ses dents jaunes, il n’a rien d’un Apollon !
Il fait tout de même un effort pour paraître à son avantage et me tend une main molle aux doigts tachés de nicotine.

— Enchanté, je suis Jérôme du Chambon, et voici mon épouse Hélène… Vous êtes aussi en vacances ici ?
— Pas exactement, j’y habite une partie de l’année, depuis ma retraite. Je passe seulement l’été dans ma maison de Saint Servan, lorsque mes enfants y viennent.
— Je ne sais pas comment vous faites… mais c’est vraiment un pays de sauvages… ils ne parlent même pas français, il fait une chaleur de four et on est loin de tout !

Je coupe court au discours du barbon et prétextant une course urgente, je m’esquive, non sans avoir fait à l’épouse médusée, un baisemain… que j’aurais bien souhaité plus appuyé.
À 12 heures tapantes, arrive le couple du Chambon, lui, très chic, blazer bleu marine, pantalon blanc, Hélène plus décontractée, corsage de lin écru et jean…
Je comprends que Jérôme, le mari, ait pu séduire Hélène… il y a longtemps, il ne devait pas être dénué de charme. Il est cultivé, sur le plan musical, bien sûr, littéraire aussi, un peu snob. Mais il dé**** vite sitôt qu’on trouve un sujet de conversation qui ne lui permet pas de se mettre en valeur.

— Vous savez, lui dis-je, j’ai un petit bateau au port de Chania, un caïque de pêche de huit mètres et, si cela vous intéresse…
— Ah ! Le bateau ! Très peu pour moi… j’ai le mal de mer et passer des heures sur l’eau… c’est d’un ennui !
— Dans ce cas, je peux vous faire découvrir quelques beaux sites archéologiques peu connus…
— Proposez plutôt ça à Hélène ! Elle me bassine depuis notre arrivée pour aller à Cnossos, à Festos et je ne sais quoi d’autre…

Là, j’ai du mal à dissimuler ma jubilation et, du coin de l’œil, je vois qu’Hélène pouffe discrètement devant les réponses de son cher et tendre !
Après quelques verres d’ouzo, comme je m’y attendais, les Chambon acceptent de partager mon « frugal » repas…
Ce qui est merveilleux avec Irena, c’est qu’elle comprend vite et tandis que nous échangions des politesses, « salakia koriatiki » « dolmades » et autres « mézès », accompagnés du traditionnel retsina, ont fait leur apparition.
Nous en sommes au café « grec », bien sûr… lorsqu’Irena m’informe que le père Chrisostomos, seul occupant du petit monastère de Kérima, lui a fait savoir que sa récolte de miel tire à sa fin et que ma commande est prête.

— Voilà une très jolie promenade pour l’après-midi, dis-je à mes invités, profitez de ma voiture et accompagnez-moi à Kérima…
— C’est gentil à vous, mais je suis un peu fatigué, je crois que je vais aller faire une bonne sieste à la maison… Vas-y donc Hélène, s’il y a des vieux cailloux, ça te plaira sûrement…

Dans la cuisine, Irena me regarde, hilare et me menace gentiment de la main, rien ne lui échappe !
Jérôme, un peu titubant, regagne sa couche en marmonnant… Bon débarras…
C’est le sourire aux lèvres et le cœur léger que nous nous retrouvons sur la route de Kérima, Hélène et moi.
Rosalie ronronne, la brise fait voler les cheveux de ma compagne qui a défait deux boutons de son corsage, ce qui me permet de constater qu’elle ne porte apparemment rien dessous.

— Hé ! Dis donc ! Si tu regardais un peu la route au lieu de zieuter dans mon corsage, vieux coquin !

Elle est ravie, ses yeux ont retrouvé leur éclat et elle pose doucement sa main sur ma cuisse.

— Ça s’est mal passé ce matin ?
— Comme tous les jours, lorsque je propose une sortie, où que ce soit, Monsieur est fatigué, Monsieur est là pour se reposer. Il attend un hypothétique coup de téléphone et comme il ne veut pas de portable… il reste à proximité du fixe de la maison. En plus, hier, je suis rentrée tard… et il avait faim ! Heureusement qu’il n’est pas allé m’attendre à l’arrêt du car …

L’ermitage de Kérima est situé à un bon kilomètre de la route et nous laissons Rosalie à l’ombre d’un vieux chêne vert pour nous engager dans le chemin qui y conduit.
Bordé de murs en pierres sèches, le sentier serpente au milieu des oliviers qui tempèrent un peu la chaleur de ce début d’après-midi.
L’air embaume le ciste, le romarin et le thym crétois, beaucoup plus corsé que sur le continent.
Lorsque nous arrivons au petit bâtiment aux murs blancs de l’ermitage, le père Chrisostomos, encore coiffé de son chapeau d’apiculteur, lève les bras au ciel et, bedaine en avant, se précipite dignement à notre rencontre.
Sa barbe blanche a encore quelques vestiges de sa rousseur originelle et repose sur une soutane usée jusqu’à la trame.

— Hervé, mon ami ! Ti kanis ? (2)
— Kala, esis ! (3)
— Et vous jolie Madame, milaté hellenika ? (4)
— Pardonnez-moi, poursuit le moine, je ne vois pas beaucoup de Français ici, à part mon ami Hervé, qui ne fait pas beaucoup de progrès en grec !
— Mais je manque à tous mes devoirs, venez vous mettre à l’ombre, je vais vous apporter de l’eau et vous rafraîchirez pendant que je prépare ta commande, Hervé !
— Angelos, prends ton temps, j’aimerais montrer la fontaine de la « Mère » à Hélène. Si tu veux bien me confier la clé ?
— Oh, oh ! Mon ami, bien sûr, tu as toute ma confiance… tu sais ou trouver la clé ! Et vous, belle inconnue, soyez reconnaissante envers ce vieux loup de mer qui va vous guider… et gardez pour vous ce qu’il vous fera découvrir, nous aurons tout le temps de parler à votre retour…

Sur ces paroles sibyllines, Angelos retourna vers son rucher. Je contournai la petite chapelle aux murs chaulés ; derrière le soubassement de la croix de bois calcinée par le soleil, située face à l’entrée, une lourde clé de fer forgé était dissimulée dans une cavité fermée d’une dalle de pierre.
La clé dans une main, Hélène à mon bras, je m’engageai dans un chemin étroit, bordé de massifs de genévriers et de buissons de sauge, dégageant une puissante odeur.
Petit à petit, au fur et à mesure que nous nous avancions vers les collines, les parois de calcaire, incrustées de cristaux de gypse, s’élevaient, tandis qu’un ruisseau aux eaux limpides coulant à notre rencontre nous accompagnait de son chant.

— Tu sais Hélène, peu de gens ont vu ce que je vais te montrer… Angelos Chrisostomos n’a pas toujours été le moine apiculteur débonnaire qu’il est aujourd’hui… je te raconterai l’histoire de cette amitié… plus tard.
— Tu peux être tranquille, mais… je suis un peu émue, si tu voulais me rassurer, me prendre dans tes bras, par exemple, maintenant que tu ne conduis plus…

Qu’elle était douce sa voix, et frémissant son corps contre le mien… tendresse de ses lèvres, saveur de sa langue cherchant la mienne.

— J’attendais ce moment, Hervé, j’en ai rêvé toute la nuit… je n’osais pas m’endormir de peur de parler dans mon sommeil. Je ne sais pas ce qui m’arrive… à mon âge, je me comporte comme une adolescente en chaleur !
— Allons Hélène, répondis-je en reprenant mon souffle, la passion n’a jamais été une question d’âge, et jamais depuis bien des années, je n’ai été attiré par une femme comme je le suis aujourd’hui par toi.
— Mais, patiente encore un peu… tu ne le regretteras pas !

Le chemin était maintenant devenu une gorge étroite, le ciel bleu un ruban qui s’amincissait au-dessus de nos têtes. Nous parcourûmes encore cinq cents mètres avant de nous retrouver subitement face à un mur barrant le passage, une grille d’aspect antique à l’énorme serrure était l’unique accès possible la suite du chemin.
Le ruisseau, lui, n’en avait cure et gazouillait joyeusement entre les barreaux.
J’introduisis la clé dans la massive serrure qui, malgré son allure peu fonctionnelle était parfaitement huilée, ouvris la grille et la refermai derrière nous. Encore une centaine de mètres de marche avant de déboucher dans un cirque rocheux aux parois en gradins d’un blanc éblouissant, mouchetées du vert des buissons accrochés aux aspérités.
Le ruisseau prenait là sa source, dans un vaste bassin demi-circulaire creusé dans le calcaire et adossé à la paroi. Une sorte de voûte naturelle couvrait à demi de son ombre la vasque d’eau claire. Une niche vide scellée au rocher semblait en attente, clé de voûte énigmatique encadrée de deux sculptures usées par le temps.

— Des doubles haches ! C’est magique, murmura Hélène, troublée… et si beau, mais j’ai une bizarre sensation, comme si les choses n’étaient pas tout à fait ce qu’elles semblent être.
— Tu as raison, ce site est un lieu de culte très ancien, minoen pour être juste, soit entre 3 et 4000 ans ; mais le plus étrange n’est pas visible.
— Pas visible ?
— Regarde attentivement la voûte, puis examine la vasque… peut-être seras-tu plus perspicace que des générations d’envahisseurs… mycéniens, achéens, doriens, grecs, romains, turcs et allemands.

Hélène prit un peu de recul, puis s’avança vers la vasque, recula encore et regarda attentivement le fond.

— Il y a quelque chose qui ne va pas… ce bassin a l’air creusé, mais je crois qu’il a été rapporté !
— Bravo ! Tu as deviné une partie du mystère… souhaites-tu en savoir plus ou en restons-nous là ?
— Tu m’en a déjà trop dit… et si mystère il y a, je veux le partager avec toi.
— Tu es une bonne nageuse, je crois ?
— Très bonne, mais pourquoi ?
— Chut ! Ne pose plus de questions et fais très exactement la même chose que moi.

Je commençais à me déshabiller, Hélène hésita une demi-seconde et se décida à enlever son corsage, je ne pus m’empêcher de constater que j’avais bien deviné… pas de soutien-gorge… d’ailleurs pour quoi faire ?

— Ça y est, tu es fixé ? Tu n’as pas arrêté de les regarder au lieu de surveiller la route… Eh bien voilà, oui, ils sont petits, comme ça au moins, ils ne regardent pas vers le bas !

Malgré la relative ambiance de mystère de notre situation, je ne pouvais détacher mes yeux de la silhouette svelte de ma compagne, et de ces deux petits seins de jeune fille. Certes, comme moi elle arrivait au crépuscule de sa vie, mais j’étais fasciné par ses formes déliées, sa peau dorée…

— Pardon, Hélène, mais tu es vraiment très belle.
— Merci, tu n’es pas trop mal non plus… pour ton âge avancé !

Je finis de me déshabiller, nous étions maintenant nus, seuls dans ce paysage d’un autre temps.
Je la pris par la main et nous nous avançâmes vers la vasque… nous enjambâmes le rebord, haut d’à peine un mètre et nous laissâmes glisser dans l’eau fraîche.
Elle était plus profonde qu’il ne semblait, nous étions immergés jusqu’aux épaules.

— Maintenant, tâte le fond avec ton pied, juste contre la paroi.
— Il, il y a un grand vide là…
— En fait, cette source est une résurgence, nous allons plonger, passer sous la paroi, et… je n’en dis pas plus !

Après avoir pris une bonne inspiration, nous nous laissâmes glisser jusqu’au fond et nous aidant de nos mains pour éviter d’être plaqués à la voûte, nous fîmes le court trajet, à peine trois mètres, pour émerger dans…
… une immense caverne, illuminée par une longue fissure au plafond, plus de vingt mètres au-dessus de nos têtes. L’eau qui alimentait le bassin sortait en bouillonnant de la paroi et s’écoulait dans le passage que nous venions de franchir.
À gauche de la source, éclairée par le rayon de soleil, une sculpture de près de deux mètres de haut se détachait de la roche. Une femme à la large jupe évasée, les seins exposés par une sorte de corsage échancré, la tête coiffée d’une tiare. Dans ses bras dressés…

— La déesse aux serpents !
— Tu l’as reconnue, c’est sa réduction qui a été découverte dans le palais de Cnossos !

Hélène s’avança lentement vers la statue, la regarda intensément et, comme envoûtée, posa la main sur un des seins, rond et lisse au-dessus de la taille mince. Je m’avançais à mon tour et passant mon bras autour de sa taille, je caressais l’autre sein de la déesse.
Une onde de chaleur me parcourut les reins, tandis que la chair d’Hélène frissonnait sous ma caresse. Je sentais soudain mon sexe gonfler et palpiter. Hélène se retourna vers moi, le regard brillant et, sous le regard de la statue, je la serrais dans mes bras, ses petits seins plaqués contre ma poitrine, ma verge tendue contre son ventre.
Nous échangeâmes un long baiser, puis, descendant vers mon vit dressé, elle le prit dans ses mains, et posa ses douces lèvres sur le gland.
Les bras serrés autour de ma taille, elle remonta doucement, caressant ma peau de tout son corps, la pointe durcie de ses tétons agaçant les miens… je ne les aurais jamais crus aussi sensibles…

Un épais tapis de mousse entourant la statue nous accueillit et, lorsque j’y étendis Hélène, et que mon regard croisa celui de la déesse, je crus discerner comme un léger sourire sur les lèvres de pierre…

Agenouillé entre ses jambes, je caressai de la main la peau douce de ce corps offert, frissonnant sous mon léger contact, je sentais des ondes le parcourir, une attendrissante chair de poule en hérisser les reliefs.
La brutale poussée de désir qui nous avait empoignés au contact de la statue s’était transformée en quelque chose de beaucoup plus diffus, une hypersensibilité de nos épidermes.
Même si je bandais toujours aussi fort, j’avais envie de faire durer ce moment. Je désirais Hélène, je voulais me fondre en elle, partager ses pensées, ses sensations.

Mes lèvres se posèrent sur son ventre légèrement bombé, remontèrent vers le délicat nombril que je titillais de la langue… un peu d’eau de la source y était resté que je lapais avec gourmandise, lui arrachant un petit gloussement. Levant la tête, je vis qu’elle avait remonté les mains vers sa poitrine, empaumant ses seins, comme pour les offrir à la déesse, à moi…
Un petit duvet blond me traçait un chemin humide vers la douce colline du mont de Vénus, je le parcourus de la main, effleurant ses abords, jalonnant de baisers la saillie des hanches pour arriver au sommet.

La fleur de son sexe, encore close, m’apparut, Belle au bois dormant dans un champ de soie blonde, comme en attente du baiser qui la réveillerait. Troublé, malgré mon désir, j’y posais d’abord ma joue ; mes lèvres au contact de la chair tendre qui se niche au creux de la cuisse.
Hélène gémit doucement et remonta ses jambes pour me donner un accès plus facile.
D’un souffle je vins effleurer les fins poils blonds, du bout de la langue caresser ces lèvres qu’il me sembla sentir enfler puis s’entrouvrir sous la légère pression.
Un vrai gémissement cette fois, ma déesse soulevant son bassin à ma rencontre écarta franchement les genoux et la fleur s’entrouvrit, dévoilant son cœur nacré.
Hélène, fontaine, déesse, je boirai de ton eau… je m’enivrerai de ton odeur, je glisserai ma langue au plus profond de toi…

Un cri, deux mains qui abandonnent tes seins pour plaquer ma tête au creux de ta féminité, je sens que tu trembles soudain tandis que la fontaine s’épanche… tu jouis et m’attires sur toi.
Nos bouches se trouvent et se mordent, sens-tu sur mes lèvres le goût de ton miel ?
Ma verge douloureuse cherche la douceur de ta chair humide, glisse doucement sur tes nymphes brûlantes.

Un petit cri d’impatience t’échappe tandis que ta main droite se glisse entre nous… m’att**** sans ménagement et me guide vers le but… Je fais emblant de résister, caresse de mon gland le petit lutin encapuchonné qui garde l’entrée tandis que les ongles de ta main gauche me griffent le dos.
Cette fois, je n’en puis plus et je me glisse d’un coup en toi, ou est-ce toi qui t’es glissée autour de moi ?

La sensation est si intense que pendant un court instant nous sommes restés immobiles, tes jambes croisées sur mon dos, bouches soudées, souffle court.
Puis, prenant appui de mes genoux sur la mousse épaisse, j’ai reculé une première fois, sortant presque mon gland de son brûlant fourreau ; une pression de ses jambes sur mon dos m’a fait comprendre que le retour était souhaité…

J’ai brièvement pensé à ces amulettes grecques qu’on trouve dans toutes les boutiques pour touristes… des petits dieux « Priape » dotés d’un phallus énorme. Je n’ai pas ce fantasme et ne suis pas doté d’un outil plus gros que la moyenne, mais à cet instant, rien d’autre n’existait que ma verge gorgée de sang plongeant dans le corps avide d’Hélène. Partir et revenir… doucement d’abord, puis insensiblement, pousser le rythme jusqu’au paroxysme.

Lorsque, de nouveau, je sentis, sous moi, son corps secoué de spasmes, j’étais au bord de l’explosion et laissais d’un coup s’ouvrir les vannes de ma jouissance.
Pas d’étoiles, ni de feu d’artifice, une communion toute païenne, union fugitive des corps et de l’esprit, moment que l’on voudrait éternel où s’abolissent les saletés de la vie quotidienne tandis que fusionnent les sens.
Qui de nous deux a crié ? L’avons-nous vraiment rêvé ?

Allongés sur notre lit de mousse, Hélène blottie dans mes bras, moi qui ne crois en rien de sacré, je remercie la déesse aux serpents dont les seins ronds brillent dans la pénombre.
Lorsque nous nous levons, seule trace visible de nos ébats, un filet de sperme coule sur la cuisse de ma compagne.
Elle me regarde, les yeux brillants, le recueille de la main et en enduit la poitrine de la statue.

— Efkharisto, mitaïra. (5)

Je la contemple, interdit :

— Tu parles grec, Hélène ?
— Euh, non… pas jusqu’à présent, mais ça m’est venu comme ça !

(1) Une bouteille d’eau fraîche
(2) Comment ça va ?
(3) Bien, et toi ?
(4) Parlez-vous grec ?
(5) Merci, mère.

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