J’avais échoué dans un coin de banlieue dont j’étais résolu de fuir au plus tôt. Le seul avantage était la proximité du job et que le rapport qualité/prix ici était imbattable. L’immeuble ne payait pas de mine. Il effrayait même de loin et la nuit semblait un dolmen menaçant au milieu du quartier. Mes co-locataires n’étaient pas en reste. Pour la plupart sinistres. Convenons que je ne relevais pas le niveau. Pour me relever le moral (j’avais à dessin banni le téléviseur de chez moi) j’avais transporté un petit piano numérique où j’exhumais tant bien que mal quelques préludes et fugues de Bach.
Le voisin portugais qui devait goûter peu la musique du cantor me baptisa un matin que je le croisais dans l’escalier : « Ça va l’artiste ? » Tous semblèrent se donner le mot. D’autres bientôt en effet m’affublèrent de ce sobriquet. Un soir cependant je vis devant moi se mouvoir dans la pénombre du même escalier de magnifiques jambes. Cette pareille découverte était inespérée en ce bouge. La dame se retourna soudain maculant son visage d’un sourire radieux. Je la suivis ainsi sur deux étages percevant que l’ondoiement de ses hanches s’accroissait. Je savourais un cul divin.
Enfin elle s’arrêta devant une porte dont elle tournât la clef dans la serrure. Je savais qu’un vieux rustre y habitait. Devais-je en déduire que cette délicate créature en pouvait être la compagne. J’en fus intrigué plus que choqué. Peu après que je l’eus dépassé j’entendis sa frêle voix me dire bonsoir. Me retournant je croisais à nouveau son regard bleu gris. Elle avait toujours ce sourire bienveillant. Elle ajoutât : « Monsieur l’artiste a un nom et prénom. » Je répondis : « Je m’appelle Juste Jean. » « Alors bonsoir Jean ! » et elle s’enfonça dans son appartement. J’étais aux anges, subjugué.
Il sembla que cette femme que je n’avais jamais vu depuis les premiers mois que j’étais ici, semblât comme se multiplier. Elle me dévisageait effrontément tandis que je baissais inexorablement les yeux. Se pouvait-il que je lui plaise ? Il est vrai que son conjoint supposé était vilain. De même les autres dans cette immeuble. Une après-midi enfin tandis que je revenais prématurément d’une visite clientèle, je la croisais dans la petite cour intérieure de l’immeuble. Manifestement elle voulait engager une conversation plus soutenue. Elle me parlât d’emblée de sa prédilection pour la musique.
Surtout la musique classique. Elle enveloppait le reste de la musique sous le vocable à peine méprisant de moderne. Elle avait suivi des cours de piano dans sa jeunesse. Je perçus pour la première fois son léger accent étranger ce qu’elle confirma. Elle était bulgare née à Sofia et se prénommait Ludmila, J’eus la confirmation qu’elle était jolie. L’injure du temps (elle devait parvenir aux cinquante ans) lui ajoutait un charme indéfectible. Elle semblait priser le noir pour adoucir ses formes et rondeurs. J’étais troublé par des jambes gainées de soie juchée sur des escarpins.
Je lui dis mi-sérieux que je jouais malhabilement et vraisemblablement agaçais certains voisins. Elle me dit d’un ton colère. « Ici il y a trop d’abrutis. » Je ne pus réprimer un éclat de rire. Son dépit était sincère et naïf. J’enchaînais : « Vous êtes au moins mon seul fan. Vous pourriez une fois venir m’écouter et me donner quelques conseils. » A son tour elle rit déclarant : « Je vous ai expliqué. Je suis nulle devenue. J’ai les doigts engourdis. J’ai perdu ma vie depuis à beaucoup de sottises. » Pour le coup je découvris que cette femme était tout de mystère. Je la désirais à un point insoutenable.
Elle ne répondit pas à mon invitation de venir m’entendre au piano. Elle semblât me fuir telle une volage hirondelle. Le joli bruit de ses talons sur les pavés retentirent tel un adieu impertinent. Avais-je laissé passé ma chance et tout gâché ? Je la vis disparaître sous le porche. Un peu triste je choisis de jouer un prélude en mode mineur pour flatter mon sentiment. Je songeais à présent qu’elle vivait manifestement avec ce vieillard lugubre et dont je ne fus pas surpris qu’il fut un bandit ou escroc. Me rappelant ses insolites paroles, je me dis que cet homme terrible avait barre sur elle.
Je l’imaginais désormais en princesse séquestrée. L’imagination romanesque fit le reste. Je rêvais désormais de la délivrer, de devenir son héros. Deux jours plus tard je croisais de nouveau mon portugais toujours revêche et hostile. Là il fut plus prolixe en la cage d’escalier. « Désolé de mon indiscrétion mais je vous ai vu parler l’autre jour avec la garce. Méfiez-vous ! » Il n’en dit davantage. Je l’aurais volontiers giflé pour ces mots insultants à l’égard de ma princesse. Il ne m’en avait pas moins intrigué. Qu’avait-il voulu dire ? Avait-elle un secret si lourd méritant d’être caché ?
Un soir on frappa à la porte. J’avais renoncé à pianoter pour m’enfoncer dans un gros ouvrage : la biographie d’un tyran. C’était elle. Elle était belle, apprêtée, maquillée. « Elle bredouilla : « Je ne vous ai croisé depuis longtemps. J’aurais du vous prévenir. J’ai résolu de venir vous écouter. Serait-ce possible ce soir ? » Je dis oui. Je ne pouvais refuser. De toute façon le bouquin sur Trotski me tombait des mains. Elle sourit lorsqu’elle vit la couverture de celui-ci. Elle balança lapidaire : « Je hais les communistes. » Je répondis goguenard : « Vous avez raison. Je leur préfère le boche Bach. »
Ce soir-là elle portait des bas chairs plutôt que noirs. Elle avait une jupe courte. Croisant sans vergogne ses cuisses elle ne répugnait pas à révéler son port de bas. On pouvait aisément voir et se délecter d ‘une chair blanche affleurant à la naissance desdits bas. Je bandais. Il se pouvait qu’elle le devinât. Sûrement escomptait-elle un tel effet chez moi comme chez les autres mâles. Je me rappelais le propos sévère et rude du portugais : Une garce ! N’empêche elle était brune et délicieuse conférant du coup à ce hideux appartement la splendeur d’un palais. Je me mis illico au piano.
J’étais ému et ne m’en lançais pas moins dans le fameux premier prélude en ut majeur. Un sourire heureux transfigura tout son visage. J’étais heureux qu’elle fut tant réjouie. Je ne me savais pas tant. de talent ni de pouvoir. Je n’avais jamais si bien joué. Pour une fois je n’accrochais pas. Mes doigts couraient sur le clavier. Tout devenait fluide. Nous voguions dans une énième dimension. J’étais roi et cantor à la fois. Nos regards se croisèrent, se mêlèrent. Nous communiâmes dans la musique. J’eus même idée que nous faisions l’amour mentalement. Elle avait eu raison de venir.
Je jouais près d’une heure et commençant à balancer des fausses notes, je mis un terme à ce concert improvisé lui proposant de boire quelque chose. Elle regarda sa montre et dit : « Ok. Alors vite ! » J’étais à présent plus à l’aise et sans façon regardais-je ses cuisses avec gourmandise. Il était inconcevable qu’elle ne s’en aperçut pas. Cependant elle témoignait assez de flegme à cela. Elle trahissait une familiarité à ce genre d’hommage vulgaire. Représentais-je pour elle un amant ou un ami-mélomane adonné aux seules nourritures spirituelles ? J’en aurais voulu avoir le cœur net.
Nous bûmes coup sur coup nombre de martinis. Elle tenait le coup mieux que moi. Je m’échauffais. Les inhibitions tombaient une à une. Elle s’avisa peut-être du danger et leva soudain le camp. Elle colla lestement un bisou sur ma joue et disparut. Trop tard me représentais-je que j’avais eu à ma portée un temps une jolie femme. Elle ne reparut pas de la semaine. Peut-être l’avais-je désobligé. L’alcool m’avait fait mal comporter. J’étais résolu à l’oublier. Je choisis de me concentrer sur autre chose. Puis un soir nous nous croisâmes dans l’escalier. Elle affichait le même sourire.
Cette fois je me jetais à l’eau. Je fus étonné le premier de mon intempestivité. Je lui dis. « Vous savez je joue autre chose que du Bach. Du Chopin entre autres. Ses nocturnes. « Je m’attendais à ce qu’elle élude et trouve quelque prétexte pour ne pas venir encore une fois. Non elle semblât ne pas me tenir rigueur. On eût dit que le silence de cette semaine était comme nul et non avenu. Finalement je considérais qu’elle avait du avoir un empêchement. Que sans cela elle serait revenue bien plus tôt. J’étais décidé cette fois à ce que Chopin et moi nous la subjuguâmes complètement.
Deux jours après elle fut à nouveau à mes côtés regardant mes doigts caresser le clavier et se pénétrant de la musique romantique du polonais. De temps en temps je tournais la tête pour me plonger dans ses yeux bleus. Elle avait un regard fixe comme lointain. On eût dit qu’elle regardait par-dessus moi son mystérieux et inexorable passé. J’imaginais que celui-ci avait eût être dur douloureux et cependant synonyme d’un bonheur disparu. Je poursuivis la musique pour ne pas rompre ce charme et que nous ne redescendîmes de suite dans la trivialité du quotidien.
Elle avait demandé l’autorisation de fumer pour accompagner sa rêverie. La fumée et l’obscurité du soir flouait son doux visage. On eût dit que fantôme elle pourrait disparaître à tout jamais et s’évanouir. Il me restait encore à la pouvoir retenir ici-bas et qu’elle ne s’enfuit pas définitivement au royaume des ombres. Tel Orphée pour Eurydice. Je ne la perdis pas pourtant. Peu après que j’eus éteint la dernière note et que je fermais les yeux après tant d’efforts soutenus, elle me prit la main et après que j’eus tourné la tête, m’embrassa. Cela fut comme naturel. J’étais aux mains d’un ange.
Elle dut penser qu’elle ne pouvait me remercier autrement. Le reste s’ensuivit avec la même fluidité dans la pénombre. Elle me poussa doucement du piano, s’agenouilla devant moi. Je mis un temps à percevoir qu’elle avait ouvert ma braguette Qu’elle me suçait. Elle faisait cela avec dextérité et calme. Elle voulait peut-être me montrer qu’elle pouvait me surpasser aussi dans son art. Elle suçait en effet mieux que je ne pianotais. L’idée me vint que cela lui était sûrement familier et qu’elle ne prodiguait pas ce geste à son seul compagnon. Le mot de garce me revint. Je pensais aussitôt : pute.
Elle se releva peu après et s’assit au bord du lit qui était peu loin. Elle avait sans doute eu celui-ci en vue dès le début. A mon tour je vins rampant jusqu’à ses genoux. Me devinant elle me tendit alors son pied au bout duquel chancelait un escarpin. Je pris dans ma main l’objet mutin la déchaussant dudit soulier. J’adorais depuis toujours en incurable fétichiste caresser tout pied nylonné. Cela me procurait de cruelles érections. Bientôt léchais-je ce pied souple et nerveux. Il me repoussait des fois et se jouait de mon désir intense. Il s’enquit bientôt à caresser et branler ma bite tendue.
Elle se renversa tout d’un coup sur le dos écartant ostensiblement ses cuisses. J’entrevis dans la pénombre sa culotte relativement transparente qu’elle écarta du coup avec un doigt. Je compris que je devais la lécher. Je m’enquis avec sérieux et dévotion de ma mission. Elle jouit semblant ne point feindre. Depuis longtemps je n’avais goûté un pareil fruit. Je bénissais les mânes de Bach et de Chopin qui m’avait amené dans ce lit cette sublime créature. Je fus sur elle peu après la pénétrant la besognant collant ma bouche contre la sienne. Elle concéda que je l’embrassas plus avant.
Eurydice ne tint pas à s’enfuir de suite et à couper mon élan. Elle prit son temps. Nous baisâmes durant une heure. Je me dis que décidément son mari n’existait pas. J’eus l’idée désagréable qu’il savait peut-être et qu’elle avait sa bénédiction. Elle était venue en pute ici et sans vergogne. Cela me mit en colère sur la fin. Je fus brutal et l’enculais sans autre forme de procès. Elle semblât ne guère s’émouvoir encaissant stoïquement chacun des coups de boutoir dans son cul. Elle soutint ainsi l’effort. Enfin j’éjaculais. Peu de femmes m’avait concédé un tel plaisir. J’étais impressionné.
Elle se releva et réajusta sa jupe, rechaussant ses escarpins. Elle se tint un instant devant mon grand miroir pour se remettre puis disparut sans un regard. On eût dit que je n’existais pas. Que j’étais un néant dans son champ de vision et dans sa vie. J’eus la désagréable impression d’être un client avec lequel a fini une prostituée. J’eus voulu savoir davantage de ses sentiments. Elle me laissait une fois de plus un goût d’inachevé dans la bouche. Je ne la revis de la semaine. J’étais plus qu’agacé. C’était inconcevable. Elle avait ouvert une brèche dans ma vie qu’il fallait refermer.
Au bout de quinze jours je ne parvins toujours pas à la croiser. J’eus idée qu’elle me fuyait, m’évitant à dessein. Je n’eus d’autre recours que d’espionner ses allées et venues pour l’intercepter. Un jour je pris une RTT feignant au matin d’aller au boulot. Je m’installais dans le bistro d’en face. Maussade j’ouvris mon journal zieutant de temps à autre la porte de l’immeuble dont je voyais émerger tour à tour les occupants allant travailler dont mon fielleux portugais. Je dus attendre une heure avant de repérer Ludmila laquelle semblait se hâter et examiner autour de soi. Elle semblât sur ses gardes.
J’eus la certitude qu’elle voulait se garder de moi. Je la suivis. Je m’étais affublé, d’une casquette, d’une écharpe et de lunettes à teinte sombre. Dans le bus notamment masqué d’un journal je guettais. Elle semblait perdue dans sa rêverie. A un arrêt descendue je la vis peu après sonner à un interphone d’immeuble et y entrer. Heureusement il y avait un bistro. Je dus attendre une heure. Finalement durant la matinée elle fit trois, quatre adresses. Qu’allait-elle y faire ? Dans le dernier bus, elle entrouvrit un moment son manteau. Elle ne portait dessous que du court et du sexy.
En fait un type peu loin et à la mine patibulaire m’en alerta. Son regard fixe témoignait qu’il était tombé sur une chose précieuse. En effet elle avait une minijupe de cuir, un petit haut exacerbant ses seins et de mignons et noirs escarpins. A nouveau pensais-je : « Elle a des façons de pute. » Le type à côté de moi sûrement pensait la même chose. Je vis le moment où elle le repérerait. Aussi machinalement mis-je le journal devant moi. Par la suite je choisis de descendre avant elle. J’avais besoin de respirer et de réfléchir. Dans un bistrot je commandais un whisky triste et anéanti.
Durant trois jours je rongeais mon frein. Elle se défilait pourtant. Je ne pouvais que provoquer moi-même l’occasion d’une rencontre. Je pris cette fois une après-midi. Rentré et aux entours de 13H00, je la vis derrière mes rideaux traverser la cour. Elle revenait vraisemblablement de ses énigmatiques pérégrinations. J’escomptais que son homme partant tôt chaque matin devait être absent et donc qu’elle était seule. J’attendis une heure et vint enfin cogner à sa porte, le cœur battant.
J’entendis un froufrou puis le claquement de talons sur le parquet. Puis la porte s’ouvrit subitement. Elle marqua un temps d’arrêt et de surprise. Un sourire faux vint se peindre trop tard sur son visage. Je balbutiais : « Excusez-moi, je m’inquiétais n’ayant plus de nouvelles de vous. « Point dupe elle dut improviser une réponse autant crédible. « Oui une mauvaise grippe trop difficile à régler. Je n’aurais voulu pour rien au monde contaminer. » J’affectais de la croire et souris mais il fallait pousser mon avantage. « Puis-je entrer ? » J’avais avancé un pied dans un coin de la porte.
Effrayée elle jeta un coup d’œil derrière elle. Je demandais : »Pardon vous n’êtes peut-être pas seule ? » «Non non » répondit-elle. « Vous pouvez rentrer. » Je savourais la première victoire. j’avais mis un pied dans la place. Elle avait un peignoir fin qui la moulait. Je devinais qu’elle devait s’être douchée. Elle roulait du cul devant moi fonçant vers son salon. Elle avait semble-t-il recouvré un peu ses esprits. Son sourire était semblable aux autres fois. Elle me montra un CD sur une chaîne. « J’ai demandé à mon mari de m’amener du Bach et du Chopin. Il fallait vous remplacer. »
Je lui répondis penaud. « Forcément il doit s’agir de pianistes ne faisant pas de fausses notes. » Elle sourit tristement devinant qu’elle m’avait blessé. Elle me proposa à boire. Elle s’était enfoncée dans son fauteuil. Elle était sur le point de me refaire le numéro de charme. Entre temps ma colère et mon amertume étaient revenus. Tel un coup de tonnerre je lâchais : « Vous savez je vous ai suivi un matin. « Je lus de la stupeur dans son visage. J’inventais, je bluffais. « J’ai deviné que vous visitiez de vos amants. « A présent son regard était noir. J’avais du toucher juste quelque part.
Nous étions chacun en face sur nos ergots sur le point de nous étriper. Je crus devoir faire retomber la tension. Je convins que mon comportement était déplacé. « Excusez-moi d’être venu vous insulter. Je n’ai aucun droit sur vous. Je ne suis pas votre mari. » Je crus qu’elle allait persister dans son hostilité. Au contraire un sourire cruel que je ne lui connaissais pas transforma tout son visage. Elle semblât avoir aussi une autre voix. Elle dit : « Sachez que l’homme dont vous parlez n’est pas mon mari. C’est un ami, un protecteur. Quant à mes occupations il est vrai elles sont particulières. »
J’étais effondré. Elle convenait de ce que je soupçonnais. Il y avait du mépris dans son air. Je me rappelais du propos sans appel du portugais. L’hypothèse de prostitution se précisait. Je devinais ce qu’elle voulait me soufflait : « Mon Zozo ne te plaint pas. Tu m’as baisé l’autre fois pour rien. » J’étais un sot, un niais. Comment avais-je conçu des espérances pour une pareille créature. J’avais mêlé les choses du cœur à nos étreintes. Maintenant elle s’employait à piétiner toutes ces roses. Elle était là encore belle et désirable et je ne pourrais plus la baiser. Devinât-elle mon sentiment ?
Je me levais déjà sur le point de partir. Elle en parut étonnée et comme pour se ratt****r, elle ajoutât : « Tu sais j’attends un monsieur mais tu pourras aux alentours de seize heures revenir. On s’arrangera. » Elle ne me proposait pas moins de baiser pour un bon prix. Je ne daignais lui répondre. Je m’enfuis. J’étais désespéré. Je l’avais bien cherché de toute façon. Cette femme si singulière ne pouvait être que fatale. Soudain je m’exclamais : « Quel pouvait être ce monsieur ? » Déjà le démon de la jalousie me taraudait. Je guettais des pas derrière la porte dans l’escalier.
Je n’attendis guère longtemps ; Je vis un gros et vieux monsieur soufflant grimpant dans les étages. Je calculais là où il s’arrêtait et frappait à la porte. Il n’ y avait pas de doute. C’était chez elle. Il s’agissait bien de lui. Je ne pus réprimer un cri de rage : « Ah la pute ! » Je vins à m’installer assis sur une chaise derrière ma porte pour guetter la sortie du bonhomme. Le supplice dura une heure. Qu’avaient-ils pu faire tous deux. Le gars ne me paraissait pas un étalon susceptible de prouesses. J’imaginais qu’elle avait du le branler et sucer s’offrant à ses caresses. Répugnant ! dis-je.
Je fus tenté de monter à seize heures pour lui dire mes vérités. Heureusement le bon sens me revint. Je mesurais le ridicule de mon intervention. Je ravalais mon dépit. Je haïssais tour à tour mon piano, ma bibliothèque. La télévision idiote eût bien fait l’affaire tandis que je vidais sitôt une demi-bouteille de Whisky. Abruti je m’endormis aux lueurs du matin. Le lendemain tant bien que mal je parvins à mon boulot. A la mine goguenarde des collègues je fus soupçonné d’une cuite. Je songeais à l’autre putain qui avait du commencé sa tournée des clients. Enfin décidais-je d’y retourner.
Je pris une autre après-midi. Au hasard vins-je à frapper chez elle. Il était seize heures. En fait j’avais précédemment vu un petit brun leste et musclé monter quatre à quatre l’escalier pour aller taper à sa porte. Il était par la suite redescendu. Bref je devinais quelque répit où je pouvais me présenter. Elle ne parut point étonnée de ma venue. « Elle me dit : « Bien vu. Nous avons un moment à nous. Viens. » Elle était fraîche ayant eu temps de se prendre une douche. J’étais épaté de cette faculté qu’ont les femmes à se requinquer. Personne n’eût deviné qu’un type l’avait défoncé.
Ostensiblement elle laissait ouvert les pans de son peignoir pour me livrer le spectacle magnifique de ses seins et de son sexe. Je les avais à peine entrevu le fameux soir chez moi dans la pénombre. Là ils m’étaient livrés, offerts. Elle seule parlait. J’étais muré dans le silence. Voyant que je ne me déridais pas, elle finit par me dire : « Tu es bête de te mettre martel en tête chéri. Toi seul tu t’es entiché de moi. Je ne suis qu’une putain. Je vis de cela. Je n’ai pas d’autres choix. » Tout semblât hésiter. Elle se coula en un instant vers moi tel une chatte. Je fermais les yeux et m’abandonnais.
Nous baisâmes cependant avec une rare intensité. J’ose croire qu’elle fit cela avec un plaisir tout sincère. Peu à peu mes nerfs se dénouèrent. Je convins que j’étais bien entre ses bras. Je la sodomisais cette fois avec moins de rage que l’autre fois. Je n’en adorais pas moins ce cul que je baisais goulûment tant de fois avec la bouche. Elle rit de ce caprice. Nous étions redevenus amis. Sur la fin marquant quelque gêne je compris qu’elle voulait être rémunérée de son effort. Elle me dit un vague prix. Je rajoutais un billet devinant qu’elle avait manifestement accordé un rabais.
Je sus plus tard que son homme était un haut gradé bulgare avec lequel elle avait fuit le pays il y a quinze ans. Aujourd’hui je suis certain que ce type trafiquait dans l’espionnage et qu’en outre de la protéger il vivait de ses subsides. Ce qui me chagrina fut qu’elle se prostituât avec certains de mes voisins dont le portugais. Je tins pourtant à ne pas lui en parler. Elle fut adorable. Elle accepta souvent de baiser chez moi. Le sexe était fête. Puis un matin j’eus ce mot sous la porte. « Je pars. Ne cherche pas à savoir où je vais. Tel est mon destin. » Notre hirondelle du coup s’était envolée.
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