Ce soir encore j’ai une proie.
Désignée depuis une semaine.
Je t’en ai fais part ; tu partages, amusé, indulgent, mon brusque enthousiasme et ma détermination à gagner. Mes coups de coeurs, mes emballements t’amusent.
Mon acharnement à gagner te fais rire. J’aime chasser, le jeu, le risque. Mais je m’en fiche aussi, ce n’est pas important, c’est une péripétie que j’oublie dès que le moment est passé.
Les salles de ventes, c’est l’ambiance que j’aime, feutrée, doucereuse avec le stress qui monte, qui monte.
La montée d’adrénaline qui vient me bouleverse, je reste là, affûtée, rassemblant mes neurones pour évaluer jusqu’où aller.
Mais ça va. Le reste du temps t’es consacré. Soit, je suis une très mauvaise maîtresse de maison (mais nous nous recevons mutuellement et ne partageons pas le même espace) et je suis nulle en tambouille. Ou bien je le laisse croire.
Et j’adore le moment où, excédé, tu t’y colles. Et c’est ce que je recherche.
Tu es patient, fine gueule et amoureux du bon geste, du goût juste. Capable de mitonner n’importe quoi n’importe quand.
Ces moments-là je me fais petite mousse, apprentie et je cherche par tous les moyens à te déconcentrer.
Bien sûr, le plus souvent tu te retrouves sans ceinture. Il est arrivé une fois aussi sans boutons car je les avais traîtreusement découpés. Le pantalon sur les chevilles, imperturbable, tu mitonnais.
Et je passe du stade d’apprentie nulle chargée d’éplucher, à celui, docilissime, d’apprentie ligotée sur la chaise.
Car que je vienne te frôler l’entrejambe à ce moment fatidique t’énervais passablement.
Et comme tu es habile de tes doigts, je me laisse ligoter.
Et, résignée, j’épluche.
Puis tu me fais goûter telle cuillère, telle sauce sur le bout de ton doigt.
Et l’air de rien, je lappe, je suce, je complimente. Je ne suis plus entreprenante du tout.
Plus d’une fois tu as tout abandonné.
Plus d’une fois je me suis retrouvée coincée dans un coin, ta queue dans ma bouche et là tu t’égares, tu me dis des horreurs, tu fuck my mouth entre autres, puis tu éclates en moi, loin ; moi perdue, tous les deux complètement partis.
Plus d’une fois nous avons tout terminé au resto thaï, hilares ou souriants.
Jamais tu n’as été fichu de taper sur l’ordi. Tu as besoin de stylos, crayons, papiers, paperasse.
Partout. Plus désordonné, ça n’existe pas. J’aime bien ce désordre, je n’interviens surtout pas.
A 5h du matin, tu ne rentres plus, tu écris.
Avant le plus souvent tu sortais puis ne rentrais qu’à l’aurore, plein de fumée de cigarette, d’alcool et de visions. Ca arrive encore, j’aime bien t’y suivre et partager avec toi ce plaisir de connivences secrètes.
Je ne sais jamais d’avance ce que tu as prévu et j’aime bien ça aussi.
Mais là, c’est écrire qui te semble une urgence. Appliqué, une thermos de café, les cigarettes à portée de main, ton stylo court, ton front est baissé, large et clair et tes cheveux sont plaqués par ta main impatiente.
J’arrive le matin, je m’installe plus ou moins, je déjeune à nouveau.
Je me fiche de ce que tu écris, enfin j’aimerais, mais j’aime tes évocations, je suis jalouse des personnes évoquées, de croiser ceux qui comptent dans ta vie. Ma jalousie douloureuse n’est pas que tu apprécie actuellement telle ou telle fille, je m’en fiche. C’est de te croiser au travers de ces lignes.
De te reconnaître et de savoir que j’étais là, au même moment, mais ailleurs, pas avec toi.
Cette longue proximité me donne le vertige. Je voyais les mêmes gens, j’étais dans les mêmes lieux et je ne t’y voyais pas. Ca, ça me semble monstrueux, rétrospectivement.
Où avais-je ma tête ?
La jalousie aussi de ce papier qui t’accapare, de ces kilomètres de lignes qui te renvoient si loin en arrière et parfois dans des moments difficiles. Tu surmontes, tu déjoues les obstacles de la mémoire et des mots qui ne viennent pas.
Pour moi qui vit dans l’instant il n’y a pas de passé, et l’avenir n’est pas vraiment maitrisable.
Une fois tu m’a dis « Je ne savais pas que le présent et mes émotions seraient un tel obstacle pour écrire ». Et je veux être un obstacle, je veux être une émotion, je veux être ce présent.
Et je n’ai pas vraiment de respect pour la sacro-sainte écriture, pour moi c’est une fuite de plus.
Toujours est-il que par les mêmes moyens qu’en cuisine je te détourne. Je suis traître, je te raconte des histoires qui dé****nt. Je suis convenable et inconvenante, habillée et indécente, tu ne sais jamais par où j’arrive pour te démonter. Mais je le fais, conscienscieusement, amoureusement, patiemment. J’arrive à mes fins.
Stratégies. Obsessions. Stratagèmes. Lequel est le plus obsédé des deux ? Je ne sais pas.
Mais tu connais mon goût du jeu. Heureusement que je ne joue pas au poker, je me serai déjà vendue jusqu’à la moelle !
Alors quand tu sais que j’ai une échéance tu viens à pas de loup, tu es là, derrière moi.
Tu sais que sexuellement j’ai une disponibilité qui m’effraye parfois.
Donc je te laisse m’enlever mes vêtements, c’est drôle.
Les pinces à seins sont trop brutales pour moi comme douleur.
Je supporte mieux les petites ventouses que tu m’appose sur les seins et tu sais aspirer jusqu’à me faire perdre pieds.
Ou bien tu me mets de simples pinces à linge, juste après les ventouses.
Comme ça mon ventre se mets à sursauter, tout mon corps aussi, au moindre effleurement.
Et puis tu ne fais rien, tu restes derrière moi. Tu m’encourages.
Une fois tu es rentré avec un paquet.
Tu m’as dit de ne pas me retourner.
Puis j’étais absorbée par mon affaire.
Là, tu m’as soulevée et tu m’as enjoint de m’empaler sur le gode que tu m’avais rapporté.
Je n’ai pas pu.
Et j’étais choquée par l’objet aussi.
Sa grosseur et son réalisme.
Et j’avais mon affaire à terminer, j’étais troublée, les yeux fixés sur l’ordinateur, je misais gros.
Et tu savais que j’attendais depuis une semaine.
Je t’avais assez dis que je voulais l’emporter.
Tu t’es agenouillé devant moi et d’un doigt tu m’as ouverte et caressée puis tu m’as regardé fondre, me dégeler, tout doucement.
J’étais en nage, je ne quittais pas mon objectif des yeux mais j’étais devenue ouverte, offerte, je croyais avoir encore le pouvoir sur mon corps, je me trompais.
Relevée par tes bras, tu m’as obligée à m’asseoir dessus, et là tout glissait somptueusement, tu m’a regardée fixement.
Je tremblais de partout.
Tu avais réussi, je ne savais plus où j’étais et je n’avais qu’une envie : te prendre dans ma bouche.
Je résistais mais mal.
La sueur coulait le long de mon dos.
Tu continuais à me caresser, je sursaute.
Je me garde toujours pour la dernière minute, et je suis très habile.
5mn, 4mn, le prix montait et je n’intervenais pas.
Toi, là, qui me regarde, malicieux.
3m.
Réfléchir. Je n’y arrivais pas, j’avais de la marge, j’y arriverai.
2mn.
Ne pas bouger.
Tremblemements partout.
Enervement mêlé du jeu et de la jouissance qui approche.
Etrangeté de la situation.
Moi, avec un gode, non, c’est pas possible !
Incongruité.
Pinces douloureuses.
1mn.
Lancée, je monte le prix. A quatre reprises, très très vite. Un coup magnifique, je le sais.
Un abruti m’a ratrapée, devancée, c’est fichu.
Un cœur bat très vite, très très vite.
Je ne sais plus pourquoi.
Toi seul compte.
Tes doigts qui sortent de moi, ta main que je lèche.
C’est fichu, bien fichu.
Et tu es vengé, bien vengé.
Tu m’arraches de l’écran, de la cotation, des courbes et du gode trempé et désormais brûlant.
Tu enlèves les pinces.
Putain, ces mains qui sont les tiennes et qui me connaissent si bien !
Sans forces, je te suis.
Je n’aspire qu’à toi, qu’à ce sexe où tout se résume et se dissout.
Et je me dissous.
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