Philippe n’a pas encore trente ans. Plutôt bel homme, célibataire, il a quatre passions : son travail, les femmes, les grandes balades dans la garrigue et l’Histoire, toute l’histoire, mais avec une préférence marquée pour l’histoire des sciences et de l’architecture.
Ingénieur-consultant dans un bureau d’études techniques du bâtiment à Sète, Philippe ne travaille plus désormais qu’à mi-temps. Le lancement d’un nouveau logiciel qu’il vient de créer pour le secteur du petit bâtiment lui occupe désormais la majeure partie de son temps.
Isabelle est la principale amie de Philippe. Cette femme proche de la quarantaine, très typée, à l’accent très chantant, est mère-poule-célibataire d’une fille de 10 ans. Sur le plan physique, son seul petit souci est d’avoir un ou deux kilos de trop. Elle l’impute à sa gourmandise et à ses faiblesses pour les bonnes choses.
Sur le plan sentimental, Isabelle se donne, depuis plus de deux ans, à son unique amant avec beaucoup de sensualité. Son manque important de disponibilité lié à son métier de traductrice et la différence d’âge, qu’elle juge importante, avec Philippe l’ont jusqu’à présent dissuadés d’envisager un début de vie en commun. Elle préfère prendre le risque de laisser son ami papillonner de temps à autre, en fermant les yeux quand survient une aventure « sans lendemain ». La profonde affection que sa toute jeune fille porte à Philippe, qui est simultanément son confident, son soutien en maths et son baby-sitter, pourrait à la longue faire évoluer cette situation.
Marc est l’ami d’enfance de Philippe. Il a fait les mêmes études que lui et travaille aujourd’hui à Paris dans un bureau de représentation industrielle. Bien que scientifique de formation, Marc est beaucoup plus attiré par le monde du commerce et des affaires. L’histoire, les musées et les activités culturelles ce n’est vraiment pas son « truc ». C’est un homme d’action qui vit intensément le moment présent et se défoule, quand il en a besoin, dans des activités comme le squash ou le triathlon.
Christa Borwart est une Allemande munichoise qui dirige une entreprise de plus de deux cents personnes fabriquant des machines-outils spéciales. Il y a deux ans, à quelques mois de son cinquantième anniversaire, elle a conquis la vice-présidence du syndicat bavarois des entreprises de mécanique.
Mariée, mère d’un fils unique terminant ses études, Christa ne laisse jamais paraître le moindre sentiment. Sa grande taille, son allure très décidée, son maquillage très discret et sa manière de s’habiller très classique lui donnent un aspect austère et autoritaire. Elle dirige toutes ses activités d’une main de fer. Le charme ne fait pas partie de ses méthodes de gestion. Tout au contraire, elle a acquis la redoutable réputation de faire des réflexions à « glacer le sang » sans perdre son calme et sans élever la voix.
Christa a fait ses études à Paris dans les années quatre-vingt et a décroché un doctorat de gestion de l’université Paris-Dauphine. Elle en a gardé un grand attrait pour cette ville. C’est par ailleurs une femme très cultivée, et en particulier une passionnée d’Histoire européenne.
Christa revient à Paris pour quatre jours, avec une forte délégation syndicale, pour booster les échanges industriels entre Paris et Munich. En parallèle, elle doit en profiter pour négocier un accord de collaboration entre son entreprise et le bureau que Marc représente. Christa et sa délégation sont descendues à l’Hôtel Sofitel situé à la périphérie ouest de Paris.
Demain, Philippe monte à Paris pour rencontrer des personnes influentes du monde du bâtiment et leur présenter son logiciel. Paris est une ville qu’il connaît bien, il y a fait toutes ses études et l’a entièrement visitée à pied.
La « montée » de Philippe à Paris est une aubaine pour son ami Marc. C’est comme toujours l’occasion de le retrouver autour d’un bon whisky, un « single malt » de préférence, et de refaire le monde. Mais cette fois-ci, il a en plus un grand service à lui demander : mettre à profit ses qualités relationnelles et culturelles pour recevoir Christa Borwart et pouvoir enfin conclure cet accord de représentation industrielle.
Dès leur première soirée, Marc a convié Christa et sa délégation dans un grand restaurant de la porte Maillot. Il se repose sur Philippe pour animer la soirée.
◦◦◦ 20:00 ◦◦◦
Bien qu’ayant plus de dix minutes d’avance, Philippe est le dernier arrivé. Marc lui a réservé la place située à droite de Christa. L’ambiance à table est glacée. Généralement Philippe ne déteste pas ce genre de situations qui lui permet de se mettre en valeur. Pourtant, ce soir semble être particulier, les affaires ont l’air beaucoup plus délicates qu’à l’accoutumée. Toute l’équipe allemande est sérieusement coincée, probablement à cause de cette Madame Borwart qui ne desserre pas les dents. Philippe sent qu’il faut agir au plus vite pour détendre la situation et rendre l’ambiance plus respirable. Le contrat que doit signer son ami Marc en dépend.
Quelques minutes après le début du repas, Philippe demande à Marc sur un ton artificiellement détendu :
— Tu pourrais proposer à tes invités qu’on s’appelle par nos prénoms, ce serait quand même beaucoup plus convivial.
— Madame Borwart, y voyez-vous un inconvénient, demande aussitôt Marc ?
— Aucun, vous pouvez m’appelez Christa. Cela se fait beaucoup chez nous, en Allemagne.
Philippe prend la flûte de champagne que le maître d’hôtel vient de lui servir et la lève en s’adressant à toute la table :
— Je lève ma flûte en signe de bienvenue à Christa et à ses collaborateurs.
Puis se tournant vers Christa :
— J’espère que vous pourrez prendre quelques heures pour aller voir ce qu’il y a de nouveau à Paris. On m’a dit que vous appréciez beaucoup cette ville.
— Malheureusement, non ! Mon agenda est surchargé. Mais merci pour ces gentils propos, lui répond Christa avec un début de sourire.
La suite du repas se fait de moins en moins froide, mais de là à parler de décontraction, il y a un grand pas. Les propos ne quittent pas le domaine professionnel et Philippe ne parvient pas à prendre la main. Tout d’un coup, la discussion dévie sur les voyages d’affaires et la qualité des hôtels. Philippe saute sur l’occasion. Il se tourne vers Christa et s’adresse à elle sur un ton chaleureux bien qu’un peu professoral :
— Christa, vous logez au Sofitel, je crois ?
— Oui, tout à fait.
— Savez-vous comment s’appelait ce quartier avant qu’il ne soit rénové ?
— Je n’en ai aucune idée.
— Il s’appelait le quartier du « Point du Jour », là où le soleil disparaît. Pas très loin de chez vous il y avait un magnifique pont de chemin de fer qui s’est d’abord appelé « viaduc du Point du Jour » avant d’être rebaptisé « viaduc d’Auteuil ». Il n’existe plus depuis la fin des années soixante, il a été remplacé depuis par le pont du Garigliano.
Pour la première fois depuis le début de la soirée, le visage de Christa esquisse un sourire :
— Et pourquoi l’a-t-on démoli, ce magnifique viaduc ?
— Parce que ses arches étaient trop basses. Quand la Seine était trop haute, les péniches ne pouvaient plus passer sous le pont.
— Philippe, vous semblez bien vous y connaître dans l’histoire de Paris.
— Oui, j’adore cette ville et son histoire… mais aussi l’histoire tout court.
— C’est dommage que je reste aussi peu de temps… et vous aussi je crois. Vous auriez pu être mon « jeune guide historien français ».
— Ne vous inquiétez pas. Ce sera pour une prochaine fois. Les occasions de venir à Paris doivent être nombreuses, pour vous comme pour moi.
L’atmosphère, bien que toujours sérieuse, est nettement plus détendue. Les propos de Philippe sur l’histoire de Paris, les bouteilles de vin qui sont consommées avec une modération toute relative et, il faut le dire, la sympathie croissante que Christa semble porter à Philippe, y sont pour beaucoup. Peu avant le fromage, Philippe décide de jouer le tout pour le tout et s’adresse à Christa :
— Demain vous allez travailler à la Défense ?
— Oui, à la Grande Arche, pour des discussions très administratives.
— Si vous le voulez bien, je vais vous k**napper quelques instants. On va aller sur le trottoir et je vais vous montrer quelque chose que vous ne connaissez pas à propos de ce quartier.
— Vous m’intriguez, mais curiosité pour curiosité, je vous suis.
Christa et Philippe se lèvent, sortent du restaurant et font quelques mètres à pied. Avec son doigt Philippe pointe la Grande Arche. Christa lui demande :
— Alors, Philippe, que voulez-vous me montrer ?
— Beaucoup de choses, mais ce n’est pas le plus important. Je voulais simplement être seul avec vous une minute ou deux.
— Vous avez quelque chose de confidentiel ou d’important à me demander ?
— Pas dans le sens où vous le supposez.
— Vous m’inquiétez !
— Soyez sans crainte. Demain je n’ai aucun rendez-vous et j’ai prévu de faire un très grand tour à pied dans Paris… comme quand j’étais étudiant. Laissez tomber vos obligations administratives et venez avec moi. Vous ne le regretterez pas.
— Philippe, j’aurais fait cette grande balade avec vous, avec beaucoup de plaisir. Malheureusement, tout est organisé de mon côté depuis longtemps. Il me faudrait un sérieux prétexte pour annuler mes rendez-vous… En plus, c’est difficile pour moi d’accepter publiquement une balade d’une journée avec quelqu’un comme vous : vous êtes si jeune, vous êtes à peine plus âgé que mon fils… Quand on a des responsabilités, on a des contraintes et des apparences à défendre…
Christa marque quelques secondes d’hésitation, puis poursuit en soupirant :
— Et quelquefois à sauver… N’oubliez pas, je n’ai pas que des amis… Beaucoup veulent prendre ma place.
Philippe s’attendait en partie à ce que vient de dire Christa. Il la fixe franchement dans les yeux et lui répond avec un sourire de bon aloi :
— Je me doutais de votre réponse, et j’ai la solution.
— Ah bon ! Laquelle ?
— Je vais programmer mon téléphone pour qu’il vous appelle dans vingt minutes. Bien sûr, il n’y aura personne à l’autre bout. Vous quitterez la table en disant qu’une ancienne amie de fac vous a retrouvée. Vous sortirez dehors, puis vous rentrerez en demandant à vos collaborateurs si vous pouvez les abandonner pour la journée, pour revoir cette amie d’autrefois. Eux seront ravis de prendre des responsabilités, et vous vous ne perdrez rien puisque les réunions sont essentiellement administratives. Bien sûr, vous n’êtes pas obligée d’accepter.
— Et où se retrouverait-on ?
— À la nouvelle station de tramway près de votre hôtel, vers sept heures et demie du matin.
— Vous êtes un sacré manipulateur.
— Non, c’est plutôt sympa de passer une journée complète avec quelqu’un qui aime Paris, surtout quand c’est réciproque.
Christa prend son temps pour répondre à Philippe. Elle donne l’impression de peser chacun de ses mots :
— Votre proposition est… tentante.
— Prenez votre temps, si vous êtes d’accord vous me donnerez un petit coup de genou. J’appuierai après sur le bouton qui lancera l’appel retardé de mon téléphone. Tout le monde n’y verra que du feu.
— Et pour la Grande Arche ?
— Soyez gentille, laissez-moi parlez en premier.
— Je vous fais confiance, je n’ai aucune envie d’être méchante avec un jeune mordu de Paris, répond Christa avec un vrai sourire complice.
Christa et Philippe rentrent dans le restaurant. Sans leur laisser le temps de se rasseoir, Marc demande ce qu’il peut y avoir de si intéressant à la Défense pour avoir une discussion aussi longue et aussi passionnée.
— C’est tout simple, répond Philippe, j’ai expliqué à Christa que le nom du lieu était lié à la défense de Paris lors de la guerre franco-prussienne de 1870-1871… et qu’en plus c’est symbolisé par un magnifique monument qui vient d’être restauré.
Marc est tout sourire, de même que toutes les personnes présentes à table. Il prend la parole et s’adresse à Christa en particulier :
— Philippe est infatigable sur l’histoire de la ville de Paris, n’hésitez pas à l’arrêter s’il vous emmène trop loin.
— Vous savez, Marc, j’aime aussi beaucoup l’histoire. C’est une vraie détente pour moi. Et si votre ami Philippe veut m’emmener trop loin dans la discussion, je fais partie des femmes qui savent se défendre, un peu comme les Parisiens face aux Prussiens en 1870.
À ce moment Christa donne un petit coup de genou à Philippe qui enclenche aussitôt le rappel automatique de son téléphone. Vingt minutes plus tard très exactement, le téléphone de Christa se met à sonner. À cet instant Philippe est en grande discussion en anglais avec l’un des accompagnateurs de Christa.
Christa se lève, prononce quelques mots en allemand, puis s’adresse à Marc et à Philippe avec un sourire radieux en leur disant :
— C’est incroyable, c’est une vieille amie de fac qui m’appelle.
— C’est vrai que le monde est petit, répond Philippe en se tournant vers Christa qui est déjà sur le point de franchir la porte du restaurant.
Christa a l’air d’être une excellente comédienne. Elle reste dehors : ni trop, ni trop peu. Elle rentre avec la dose d’excitation adaptée, s’adresse à ses collaborateurs en allemand, puis poursuit en français :
— Demain toute ma journée est bouleversée. J’ai rajeuni d’un quart de siècle, c’est vraiment formidable.
Philippe donne un petit coup de genou à Christa et s’adresse à elle comme si de rien n’était :
— Ce qui vous arrive est vraiment sympa. Notre soirée se clôture sur une bonne nouvelle. Ne vous couchez pas trop tard, demain la journée sera rude pour vous.
Le dîner se termine dans un climat général très bon enfant, à l’opposé de l’ambiance plus que réservée du début. Une fois les adieux faits et les adresses échangées, tous les convives peuvent se retirer dans leurs pénates respectifs.
◦◦◦ 22:00 ◦◦◦
Marc est très satisfait de cette soirée. C’est en toute quiétude qu’il peut dire à Philippe sur le chemin du retour :
— C’est vraiment « super » d’avoir dégelé l’atmosphère avec Christa comme tu l’as fait. Pendant un moment j’ai eu très peur. L’ambiance au départ était vraiment détestable.
— J’ai fait ce que j’ai pu. Tu vois, l’Histoire, ça peut servir à quelque chose.
— Tu sais, Philippe, je plains son mari. Ça ne doit pas être drôle de se retrouver tous les soirs avec un tel glaçon dans son lit.
— Elle a peut-être des dons cachés… qui sait ?
— Je ne crois pas, mais je lui souhaite. Je t’offre un whisky dans un pub ?
— Tu connais déjà ma réponse…
La fin de la soirée se passe très vite, beaucoup trop vite. Marc raccompagne Philippe chez sa logeuse, la cousine de sa mère qui a mis une chambre à sa disposition. Le lendemain le réveil de Philippe sonne à six heures, le temps de prendre une bonne douche, de se préparer, de déguster un bon café, et de s’habiller un peu décontracté pour se rendre à son rendez-vous.
◦◦◦ 07:30 ◦◦◦
Philippe arrive avec dix minutes d’avance à son lieu de rendez-vous, la station de tramway. Quelques instants plus tard, il voit arriver une grande femme blonde en tailleur et en chaussures à talon :
— Vous m’avez attendu longtemps, demande Christa très détendue ?
— Non, quelques minutes tout au plus.
— Eh bien, bonjour Philippe, faisons-nous la bise.
Philippe fait une bise courtoise à Christa et lui demande :
— Vous n’êtes pas en tenue de marche, vous allez avoir mal aux pieds.
— Je n’ai aucune tenue simple à me mettre, je n’ai emporté que deux tailleurs et une robe habillée.
Christa poursuit après quelques secondes de réflexion :
— J’irai m’acheter un jean et des chaussures pour marcher, dès que les magasins seront ouverts. En attendant je vous invite pour un « petit-déj » avec des croissants.
— Excellente idée.
Christa et Philippe s’installent à la terrasse d’un grand café et partent dans de grandes discussions sur leurs vies d’étudiants à Paris. Le petit déjeuner terminé, Philippe propose de se rendre dans une rue très commerçante : la rue du Commerce, située dans la bonne direction à une demi-heure environ de marche à pied. Christa pourra y faire tous ses achats, bien que l’heure soit aussi matinale.
◦◦◦ 08:45 ◦◦◦
Arrivée sur les lieux, Christa entre dans la première boutique un peu mode ouverte. Elle s’achète un jean s’arrêtant en dessous du mollet, une chemisette et de belles espadrilles avec un talon peu surélevé. Ce n’est déjà plus tout à fait la même femme. Sa chemisette, dont les deux derniers boutons sont ouverts, laisse deviner une poitrine très féminine. En sortant du magasin elle s’adresse à Philippe avec un ton presque intime auquel il ne s’attendait pas :
— Philippe, ce que je reproche au jean, c’est qu’il me fait des grosses fesses.
Philippe, étonné, la fixe quelques secondes dans les yeux, prend un peu de recul, et la contemple d’un air satisfait avant de lui répondre :
— Il vaut mieux avoir de belles fesses bien rondes, même si vous les trouvez un peu grosses, que des fesses maigrichonnes, plates, tristes… ou pire, en goutte d’huile.
— Vous êtes un flatteur… mais un galant quand même.
— Christa, un proverbe français nous répète : « Il vaut mieux faire envie que pitié ».
Christa est presque radieuse, elle prend particulièrement bien le compliment sur la partie charnue de son individu. Elle repère un peu plus loin une boutique faisant mi-esthéticien, mi-parfumeur. Elle y entre, achète les produits nécessaires et se remaquille. Une dizaine de minutes plus tard elle en ressort beaucoup plus décontractée. Elle s’est mis un rouge aux lèvres, un brin provocateur, mettant bien sa bouche en valeur, avec un vernis assorti sur les ongles des mains et des pieds.
Christa est en grande partie métamorphosée par ce changement de tenue. Si c’est toujours la même personne, ce n’est plus tout à fait la même femme. Philippe se dit en lui-même qu’elle parvient à faire mentir le proverbe : « L’habit ne fait pas le moine », car avec elle, cet habit peut quand même y contribuer.
Philippe propose à Christa de porter son grand sac qui contient désormais ses vêtements de femme de pouvoir. Elle accepte tout sourire, prend Philippe par le bras et lui dit :
— Conduisez-moi, vous êtes mon jeune guide historien français.
— Alors, direction la Tour Eiffel en passant par Le Champ de Mars.
◦◦◦ 09:30 ◦◦◦
Christa est intarissable sur sa vie passée à Paris et le tout début de sa vie en Allemagne. Philippe la laisse parler. La femme qu’il a à son bras n’a vraiment plus rien à voir avec la chef d’entreprise syndicaliste autoritaire qu’il a rencontré hier soir.
Arrivée au pied de la tour Eiffel, Christa, en super forme, propose à Philippe de monter au premier étage à pied. Il accepte sans hésiter. Une fois à bon port, Christa prend tout son temps pour jeter un large coup d’œil circulaire sur Paris. Elle déclare à Philippe que c’est son père qui lui a transmis sa passion pour cette ville. Au début de la dernière guerre, il était officier dans la marine allemande. Blessé en Norvège, il a été envoyé dans un poste administratif à Paris parce qu’il maîtrisait parfaitement le français. En août 1944, lors de la libération de Paris, il a été fait prisonnier par les troupes du général Leclerc, puis libéré une année plus tard :
— Christa, avec un père marin, vous devez connaître le musée de la Marine, il est juste de l’autre côté du pont.
— Je vais vous surprendre, non.
— Ça vous dit ?
— Oui, car mon père le connaissait bien. Cela va bientôt faire vingt-quatre ans qu’il est mort. J’étais enceinte de mon fils.
— Il a quand même eu la chance de connaître la fin de vos études et votre doctorat ?
— Oui, de justesse à deux ans près.
— Alors, redescendons à pied de cette tour en fer et allons-y.
La descente s’avère nettement plus facile que la montée. C’est vrai que le premier étage de cette tour représente, sans en avoir l’air, l’équivalent de trois immeubles haussmanniens de six étages. Dans les jambes, cela commence à se faire sentir.
◦◦◦ 11:00 ◦◦◦
En traversant le pont d’Iéna pour se rendre au musée de la Marine, Philippe raconte à Christa que, quand il était jeune, il avait envisagé un moment de faire carrière dans la Marine nationale française. Puis, les choses ayant évoluées différemment, il avait fait des études d’ingénieur. Christa est une bonne interlocutrice, elle laisse Philippe conter en toute franchise ses hésitations de jeunesse. Puis commence la visite du musée. Philippe est « tout feu, tout flamme ». Les peintures, les maquettes, les historiettes n’ont pas beaucoup de secrets pour lui.
La visite du musée se fait néanmoins plus rapidement que prévu. Christa n’a pas le moral, elle est triste. Tout lui rappelle le souvenir de son père dont elle était très proche. En sortant, elle entraine Philippe vers la grande fontaine du Trocadéro dont les puissants jets sont en action. Elle lui raconte que son premier baiser avec un Français a eu lieu ici, il y a près de trente ans, au pied de cette fontaine, en regardant la Tour Eiffel. Philippe lui répond qu’il a connu une situation semblable, il y a déjà dix ans, avec une jeune étudiante allemande originaire de Francfort :
— Elle embrassait bien, demande Christa ?
— Pas mal du tout.
Philippe, quelque peu étonné par l’évolution des propos, regarde Christa en souriant franchement, puis poursuit sur le ton de la plaisanterie :
— Si vous voulez, je peux même vous montrer comment elle faisait.
Et imperturbable, Christa répond sur la lancée :
— Chiche !
Puis elle ajoute avec un air emblématique :
— C’est gratuit, mais n’en abusez pas.
Philippe ne comprend pas réellement ce que veux dire Christa avec le mot « gratuit », mais il n’insiste pas. Il la prend par les épaules, la regarde droit dans les yeux et approche lentement ses lèvres des siennes. Christa le fixe à son tour, et avant de se laisser embrasser lui dit avec une voix dissimulant difficilement une certaine gêne :
— En souvenir de votre jeune conquête allemande.
Philippe pose ses lèvres sur celles de Christa. Elles ont un léger goût de bonbon anglais. Ce premier baiser est sympathique, mais réservé. Christa n’embrasse pas mal, mais Philippe la trouve très timorée pour une femme d’action habituée à prendre des responsabilités. Ce premier baiser terminé, Christa reprend fermement Philippe par le bras, mais lui déclare par contre avec une voix hésitante et troublée :
— Excusez-moi, Philippe, je ne sais pas ce qui m’a pris.
— Vous regrettez ce qu’on vient de faire ?
— Non, la vieille ne le regrette pas. Mais à cinquante ans, embrasser un garçon de votre âge, aux yeux et au vu de tout le monde dans un jardin public, c’est quand même très… choquant…
Puis, voulant tout à coup fortement minimiser ses propos, elle reprend :
— Vis-à-vis des autres, pas pour nous.
— S’il vous plaît, n’employez plus le mot « vieille », au moins pour aujourd’hui. Il n’est pas fait pour vous… Vous faites quand même partie des belles femmes, c’est le moins qu’on puisse dire.
— N’en parlons plus. Vous êtes gentil de me dire tout ça, mais malheureusement cela ne change pas mon âge… je ne suis plus la jeune étudiante en gestion d’il y a trente ans.
Philippe reprend Christa par l’épaule, et lui fait une grosse bise très appuyée sur la joue avant de lui dire :
— Quand on vient de s’embrasser, le tutoiement devient presque une obligation.
Christa se laisse faire sans chercher à se dégager, mais fait une déclaration très solennelle à Philippe :
— Philippe, je n’ai aucun problème en privé, mais j’en ai en public ! Devant mes collaborateurs et les membres du syndicat, restez très… non, reste très distant avec moi. Surtout ne parle jamais de la journée d’aujourd’hui, rigoureusement jamais…
Et après quelques secondes d’hésitation, Christa rajoute en insistant :
— Et encore moins de ce qui vient de se passer à l’instant…
— Ton inquiétude me surprend un peu, mais je te réponds : oui, chef !
Christa semble rassurée, son visage se détend. Philippe se remet face à elle, repose ses mains sur ses épaules et lui dit avec un petit sourire taquin en la regardant droit dans les yeux :
— J’ai un très gros problème, Christa…
— J’ai peur que tu me dises une bêtise…
— Sois sans crainte. Je viens de te montrer comment j’embrassais mon ex-jeune copine de Francfort, à ton tour de me montrer comment tu embrassais ton ex-petit ami parisien.
— Il te faut autant de détours pour demander à une femme comme moi de t’embrasser ?
— Tu préfères que je te dise froidement que je meurs d’envie d’embrasser une deuxième fois la vieille dans un jardin public… bien que ça soit choquant ?
— Ne joue pas les gros durs, je préfère tout simplement que tu le fasses.
Comme il l’avait fait quelques minutes auparavant, Philippe pose ses lèvres sur celles de Christa. Mais cette fois-ci, contre toute attente, Christa empoigne la tête de Philippe dans ses mains et l’embrasse avec une fougue et une v******e impressionnante. La langue de Christa se fait successivement exploratrice, langoureuse, chatte, chercheuse de passion. Christa donne l’impression de se donner à fond, sans complexe, avec énormément de féminité, comme une femme pour laquelle le baiser n’est que le prélude à la séduction et à l’offrande de son corps. Et pourtant, sans prévenir, Christa prend l’initiative d’interrompre ce bref instant de passion, comme si un « timing » était à respecter :
— Allez, Philippe. Prends-moi par l’épaule si tu veux, et viens. C’est fini pour ce matin.
— Dommage, j’avais pourtant bien aimé.
Et Christa de reprendre la discussion comme si rien ne s’était passé :
— Alors, mon jeune guide historien français. Après le musée de la Marine, quelle est la suite du programme ?
— On va longer les quais de la Seine pour aller vers les Tuileries. On pourra manger un brin sur place puisqu’il fait un temps magnifique.
— Excellente idée, c’est moi qui t’invite.
Et après quelques secondes d’hésitation :
— J’ai une trouille bleue de rencontrer des gens qui me reconnaissent.
— Tu vas t’acheter un foulard imprimé avec une vue de Paris et des lunettes de soleil. Après ça, tu seras une touriste complètement méconnaissable…
Et Philippe de poursuivre sur un ton très ironique :
— En fait, tu seras déguisée comme une Américaine.
— Ce n’est pas très gentil de me dire ça.
— Oui ! Mais c’est efficace, et c’est ce que tu veux.
À l’entrée du pont, de jeunes Africains vendent, sur de grands morceaux de tissu à même le sol, différents souvenirs de Paris. Christa achète un foulard assez long avec une Tour Eiffel imprimée et de grandes lunettes de soleil. Cette femme a tout d’un coup un style des plus décalés. Quelqu’un d’habitué à ses tailleurs Chanel et ses chaussures Bally à talon ne serait pas à même de la reconnaître. Christa se sent bien, incognito. Son visage est parfaitement détendu et son corps respire la féminité. De nombreux hommes de tout âge se retournent sur son passage, mais elle n’en a que faire, elle est au bras de Philippe et pour elle, c’est la seule chose qui compte pour le moment. Cela faisait des années qu’elle n’avait pas vécu de tels instants privilégiés.
Partir à pied des fontaines du Trocadéro en remontant la Seine vers Notre-Dame de Paris fait partie des ballades les plus agréables.
◦◦◦ 13:15 ◦◦◦
Cette fois-ci, c’est Philippe qui devient intarissable. Il tient toujours Christa par l’épaule et lui parle successivement de Paris, de son métier, mais surtout du lancement de son nouveau logiciel. Christa semble très intéressée par son initiative. Faire un calcul complet de petit bâtiment en quelques secondes lui paraît presque impensable. À sa connaissance, un tel logiciel n’existe pas encore en Allemagne.
En plein milieu de son monologue, au niveau du Grand Palais, Philippe aperçoit deux jeunes gens devant lui qui agissent comme s’ils étaient seuls au monde :
— Christa, regarde le garçon et la fille qui sont devant nous.
— Oh, le sagouin, il a mis sa main dans le jean de la fille.
— Elle doit avoir des fesses agréables à caresser.
— Oui, mais ça ne se fait pas dans la rue.
— C’est pourtant ce que j’ai envie de faire avec toi.
— Tu veux me faire mourir de honte ?
— Détend-toi. Met ta chemise sur ton jean, ça fera beaucoup plus « décontracte ».
— N’oublie pas que moi, je n’ai plus v…
— Vingt ans ? Oui, je vais finir par le savoir que tu n’as plus vingt ans, que tu es vieille, et tout et tout et tout. Mais fais-le quand même, s’il te plaît, simplement pour me faire plaisir.
Christa s’arrête et sort la chemise de son pantalon. Philippe la regarde faire en souriant et rajoute :
— Ne t’arrête pas en si bon chemin, fait un nœud avec ta chemise par-devant, au niveau du nombril, ça te donnera un petit côté super sexy.
Christa s’exécute sans hésiter et lui répond avec un large sourire :
— Tu me fais faire n’importe quoi… et je t’obéis comme une petite fille.
— Mettre ses mains à même la peau des hanches d’une femme, ce n’est quand même pas bien méchant… surtout quand personne ne peut la reconnaître.
La promenade se poursuit sur les quais, calmement, à leur rythme. Arrivé au niveau de la place de la Concorde, il reste encore un bon quart d’heure de marche avant d’arriver au centre du jardin des Tuileries, là où il y a plusieurs petits restaurants simples en plein air. Philippe tient Christa par la taille, avec depuis tout à l’heure, ses mains à même la peau.
◦◦◦ 14:00 ◦◦◦
Christa choisit un petit restaurant situé sous les arbres. Cela fait déjà sept heures qu’elle est debout, une petite pause ne peut pas faire de mal. Le déjeuner est frugal : une grande salade composée, du fromage, une glace et une bonne bouteille de rosé bien fraîche. Après un tel régime l’ambiance est particulièrement décontractée.
Le café terminé, Philippe prend Christa par l’épaule et se dirige avec elle vers un petit bosquet situé derrière le restaurant. Christa se met le dos contre un arbre. Philippe la prend par les épaules et lui chuchote à l’oreille :
— Il faut que je te remercie pour ton invitation et ce délicieux repas.
Philippe pose ses lèvres sur celles de Christa. Leur baiser est loin d’être sage. Le corps de Christa est complètement plaqué sur celui de Philippe qui fait glisser sa main dans son jean. Il peut caresser franchement les fesses de cette femme qui, il y a peu, lui paressait complètement inaccessible. Christa se contracte un peu, mais se laisse faire. Le baiser terminé, elle prend un mouchoir en papier et enlève les traces de rouge à lèvres qu’elle a laissées sur les joues et dans le cou de Philippe. C’est à ce moment qu’elle lui demande sur un ton très ironique :
— Quand tu embrasses une femme, tu laisses toujours tes mains se promener là où il ne faut pas ?
— Oui, quand je le peux… et depuis que j’ai vu tout à l’heure un jeune garçon mettre sa main « là où il ne faut pas » avec sa copine, c’est devenu une obsession.
— Tu es vraiment incroyable de parler de tout ça, comme ça…
Après une légère hésitation, Christa poursuit :
— C’était un geste gratuit, j’espère.
Philippe ne comprend toujours pas le mot « gratuit », mais répond aussi sec :
— Gratuit, mais pas inintéressé.
— Tu m’en dis trop ou pas assez.
— Je vais t’en dire plus…
Philippe reprend Christa dans ses bras en la serrant un peu trop fort, et lui glisse dans le creux de l’oreille tout en repassant sa main « là où il ne faut pas » :
— Avec une femme comme toi dans mes bras, j’ai peut-être envie d’aller au-delà du simple baiser et d’une caresse sur les fesses.
— C’est gentil et flatteur pour moi. Mais ne me serre pas trop fort, tu pourrais me casser une côte.
— J’ai oublié de te dire que j’adore ta peau.
Christa se dégage, et lui fait une bise très sensuelle sur les lèvres avant de lui confier :
— N’oublie pas que tu es mon guide et qu’un guide se doit d’être sage. Où m’emmènes-tu maintenant ?
— Dans le quartier des Halles, puis à Beaubourg.
◦◦◦ 16:00 ◦◦◦
Christa et Philippe, tout requinqués par cette pause déjeuner élargie, quittent le jardin des Tuileries, passent devant la Pyramide du Louvre et tournent à gauche pour diriger vers l’église Saint-Eustache. De nombreux commerçants vendent des glaces en cornet.
— Je t’en offre une, demande Philippe ?
— Avec plaisir, il a bien longtemps que je n’en ai pas mangée dans la rue.
Avant d’arriver à cette église il faut traverser un square qui jouxte le Forum des Halles. De très nombreux jeunes y sont présents :
— Christa, on va jouer les ados. Tu vois le banc un peu plus loin ?
— Oui.
— Tu vas venir t’asseoir sur mes genoux. Regarde, sur tous les bancs il y a plein de jeunes qui le font pour s’embrasser et peut-être même plus.
— Oui, mais moi je n’ai plus vingt…
— Tais-toi, Christa ! Tu es un vrai moulin à paroles, tu répètes toujours la même chose.
— Tu joues souvent comme ça avec les femmes ?
— Surtout avec les femmes qui coincent.
— Je pourrais refuser.
— Ça, ça m’étonnerait. Pense à ton ancien copain français, je penserai à mon ancienne copine allemande.
— …
— Méfie-toi, Christa, je pourrais aussi en profiter pour caresser tes cuisses.
— Je ne risque rien, elles sont protégées par mon jean.
Philippe se penche sur Christa, lui refait une bise très appuyée sur la joue en la serrant contre lui, et dit :
— Et ta poitrine, elle est protégée par un jean ?
— Tu ne vas pas caresser mes seins dans la rue.
— Non, parce que tu en as trop envie.
— Ne prends pas tes désirs pour des réalités.
— Allez, viens, ma belle Christa, assieds-toi sur moi et embrasse-moi.
— Philippe, on arrête de parler de nos ex-copains et copines.
— Ne t’inquiète pas, je ne suis pas un goujat, je n’ai jamais pensé à une autre femme en t’embrassant.
— Moi non plus, tu t’en doutes.
Le baiser dure longtemps, encore plus enflammé que les précédents. Philippe effleure avec sa main la poitrine de Christa qui n’essaye même plus de se défendre. En fait personne ne fait attention à eux. Avec son foulard « Tour Eiffel » et ses lunettes de soleil « Starlette de Cannes », Christa est une femme méconnaissable, mais surtout sans âge. C’est complètement évident qu’aucune dirigeante d’entreprise allemande ne pourrait être accoutrée de la sorte, et pourtant…
Philippe aimerait prendre les seins de Christa à pleines mains, leur peau est si soyeuse et si agréable à caresser. Malheureusement, bien que les gens du quartier soit plus que décontractés, ce square n’est pas le lieu idéal. Mais patience, dans quelques heures, dans les derniers étages du Sofitel, dans le grand lit de la chambre de Christa, les désirs les plus fous devraient pouvoir se réaliser. Il faut simplement savoir donner du temps au temps. Sacha Guitry ne disait-il pas que le moment le plus passionnant était le moment précédant l’amour et non l’instant d’après ?
Christa sent que Philippe est en train de s’enflammer, tout comme elle par ailleurs. C’est alors qu’elle lui annonce, blottie dans son cou, avec une voix presque inaudible :
— Ce soir je ne peux pas te recevoir au Sofitel, sinon ma réputation serait perdue.
Pour Philippe c’est un choc, un énorme choc. Il ne veut surtout pas laisser paraître à Christa qu’il est comme assommé. Dans sa tête tout tourne très vite. Il se remémore ces quelques vers de La Fontaine dans la fable « Le renard et les raisins » : « …Ils sont trop verts dit-il, et bon pour les goujats… ». Philippe pose sa main sur la cuisse de Christa, la serre un peu et lui répond avec une émotion mal contenue :
— Je m’en doutais, tu me l’avais laissé deviner. Et moi je ne peux pas te recevoir chez ma cousine.
— C’est dommage.
— Tant pis pour nous, les dieux ne sont pas avec nous. Ce sera pour une autre fois… et peut-être pour d’autres personnes.
— C’est tout ce que tu trouves à dire, tu n’es pas très loquace sur ce sujet.
— Non, parce que je suis pragmatique. Allez, viens, levons-nous ! On va jeter un petit coup d’œil dans l’église Saint-Eustache, puis à Beaubourg, et après je t’invite dans un restaurant grec. Je te ferai goûter leur vin résiné, le fameux « retsina ».
— Et après ?
— Je te raccompagnerai près de ton hôtel et, si tu es bien sage, on s’embrassera une dernière fois. C’est la seule chose que les autres ont l’air de nous autoriser à faire ensemble, et encore, avec un déguisement…
— …
— Mais surtout, ma chère Christa, n’oublie pas de te changer et de remettre ton tailleur avant de rentrer. Tu as une réputation à défendre et une position sociale à préserver.
— Tu as peut-être raison…
Christa est particulièrement mal à l’aise. Philippe la prend par la hanche, la main toujours en contact direct avec sa peau, en faisant pénétrer légèrement le bout de ses doigts dans son jean. Ils vont faire leurs deux dernières visites de la journée. En rentrant dans l’église Saint-Eustache, Philippe informe Christa que ce sont les plus belles orgues de France et parmi les plus prestigieuses du monde. Mais le cœur n’y est plus. Tout le reste du parcours se fait dans un silence angoissant. Ni Philippe, ni Christa ne prononcent un seul mot.
◦◦◦ 18:30 ◦◦◦
Arrivés devant Beaubourg, Christa prend la main de Philippe, la porte à sa bouche et l’embrasse longuement :
— J’ai passé une excellente journée avec toi, Philippe.
— Pour ne rien te cacher, moi aussi.
— Elle a vraiment passé trop vite et cela fait déjà plus de onze heures que nous sommes ensembles.
— Ne sois pas pessimiste, il nous reste encore une partie de la soirée.
Christa regarde Philippe avec un regard de plus en plus triste et fataliste.
— Je ne sais pas ce que tu vas penser de moi, mais j’ai encore très envie de t’embrasser.
— Contre quelle colonne de ce temple de la culture ?
— Celle que tu voudras, je m’en fiche complètement.
Philippe se dirige vers le côté du bâtiment, dans un endroit relativement discret :
— À bien réfléchir, Christa, je crois que tu as fait une erreur en achetant un pantalon en jean ce matin.
— Tu aurais préféré un autre tissu.
— Non, une robe en jean.
— Tu préfères les robes ?
— Oui, car je meurs d’envie de caresser tes cuisses.
— Tu casses mon moral en me disant ça.
— Et je vais te le casser encore un peu plus en te disant que j’ai envie de dévorer tes seins.
— Et c’est tout ?
— Non, c’est tout ton corps que je désire.
— C’est merveilleux d’être désirée gratuitement… et c’est encore plus triste de ne pouvoir rien faire.
En entendant une fois de plus le mot « gratuitement », Philippe sourit et reprend espoir. Il se dit que cette femme qui parle le français parfaitement fait certainement et involontairement un contresens énorme. Il a toute la soirée pour découvrir lequel, et pour la convaincre de l’emmener à son hôtel.
Il se remémore une blague qu’il avait faite, avec un groupe de copains, à des Thaïlandaises enseignant le français. Ils avaient réussi à leur faire croire qu’il ne fallait pas dire un crocodile, mais un « gros codile » car il existait des races de « petits codiles ». Elles l’avaient cru pendant plusieurs semaines, jusqu’au moment où l’une d’entre elles avait vérifié dans un dictionnaire.
Arrivé près de la colonne, Christa s’y adosse. Philippe pose par terre le sac contenant les vêtements et les chaussures de dirigeante de Christa.
— Embrasse-moi tout de suite, Philippe, j’aimerais qu’on puisse figer le temps.
Philippe commence par passer une main sur les joues et dans les cheveux de Christa, avant de se laisser embrasser avec une fougue et passion auxquelles il ne s’attendait plus réellement. Puis, avec sa main disponible, il se met à lui caresser sa poitrine comme s’il n’y avait personne autour d’eux. Christa a des seins fermes et doux. Tout son corps est parcouru par de petits frissons. Elle plaque le bas de son ventre contre celui de Philippe qui n’a aucune envie de cacher son désir. Christa le sent, sa bouche en devient presque sèche. Philippe n’arrive pas à comprendre pourquoi cette femme, qui visiblement le désire encore plus qu’il ne la désire, ne veut pas le recevoir dans son hôtel. La peur du scandale lui parait vraiment un faux prétexte. Heureusement il lui reste toute la soirée pour la comprendre ou la convaincre.
Le fougueux baiser terminé, Philippe prend Christa par la taille avec un bras, sa main à même la peau, et le grand sac à « tailleur Chanel et chaussures Bally » avec sa main restée libre. Il se dirige, par le chemin des écoliers, vers le restaurant grec où il a l’habitude d’aller quand il vient à Paris. Son patron est presque devenu un ami.
◦◦◦ 19:45 ◦◦◦
En arrivant au restaurant, Philippe fait entrer Christa et lui demande de l’attendre. Il se dirige vers le patron qui lui serre la main et lui dit très discrètement avec un petit sourire complice :
— Vous êtes en compagnie d’une sacrée belle femme, et elle a l’air bien « accro ».
— Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, lui répond Philippe.
— Montez au premier étage et installez-vous au fond de la salle. Vous serez tranquille.
— Montez-moi une bouteille de « retsina » bien fraîche en direct. Ce sera notre apéritif.
— Tout de suite.
Philippe retourne chercher Christa et la fait monter au premier. Ils s’installent au fond de la salle, à la seule table où il est sûr de ne jamais être dérangé.
— Tu préfères qu’on soit face à face, ou que je me mette à côté de toi ?
— À côté.
— Comme ça je pourrai non seulement te faire du pied, mais aussi du genou et de la cuisse.
— Arrête de me parler de ça. Je n’en peux plus de toutes tes allusions. Je ne veux pas gâcher ce qui nous reste de journée.
Philippe s’aperçoit que Christa a la gorge serrée. Il lui répond aussitôt :
— Ou plutôt de soirée. Mais c’est promis, j’arrête.
Le premier verre de « retsina » surprend Christa, mais elle y prend goût. La première bouteille disparaît assez rapidement et une deuxième s’avère vite nécessaire. Par la puissance de ce breuvage des dieux, Christa retrouve allégresse et le courage de parler :
— Philippe, je n’ai pas envie qu’on se quitte après le dîner.
— Tu veux boire un dernier verre à la terrasse d’un café ?
— Non, j’ai envie de prendre une coupe de champagne seule avec toi.
— Dois-je comprendre que ma belle « chef d’entreprise-syndicaliste-munichoise » me fait une proposition contraire à certaines bonnes mœurs ?
— Arrête de te foutre de moi, Philippe, s’il te plaît.
— J’arrête, mais tu es tellement belle quand tu es en colère.
Christa a envie de continuer à dire quelque chose, mais elle est comme bloquée. Les mots ne sortent plus. Philippe s’en aperçoit. Il passe son bras derrière son épaule et saisit son autre main pour la caresser et l’embrasser. Christa se décontracte et parvient à lui demander :
— Si tu connais un petit hôtel au Quartier Latin… je pourrais t’inviter.
— Ça doit pouvoir se faire. Je vais passer un coup de fil à l’un de ces nombreux nouveaux services de renseignements.
— Les fameux 118 européens ?
— Oui, on va les mettre au travail.
— Et si tu demandais tout simplement au patron du restaurant s’il connaît un hôtel très discret ?
— Tu as complètement raison.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Philippe descend dans la salle du bas pour poser la question au patron. En bon grec vivant dans la capitale, il connaît un cousin éloigné qui loue des chambres « avec du liquide » du côté de Saint-Germain-des-Prés. Philippe, très satisfait, remonte au premier et l’annonce à Christa.
— Ça y est, c’est trouvé. C’est une chambre très discrète sous les combles avec un grand lit et une douche privée, près de Saint-Germain-des-Prés. Par contre, il faut payer en liquide.
— Ils ont du champagne au frais ?
— Je ne pense pas. On ira en acheter au d**gstore, c’est ouvert très tard.
Philippe pose sa main sur un genou de Christa. Dans le restaurant, personne ne peut les voir, ni les entendre d’ailleurs :
— Christa, ça faisait des heures que j’attendais ta proposition. Je crois que je n’ai jamais désiré une femme autant que je te désire.
— Tu aurais pu me le demander, ce n’est pas si difficile que ça.
— N’oublie pas, Christa. C’est moi qui ai proposé cette sortie, c’est moi qui ai proposé qu’on s’embrasse, c’est moi qui t’ai dit que je te désirais comme un fou, et toi tu m’as dis sur un ton léger et ironique : « Non mon petit Philippe… je ne peux pas te recevoir dans mon hôtel… j’ai une réputation à défendre… c’est dommage… »
— Soit tu es un monstre d’orgueil pour dire ça, soit tu ne me désires pas autant que tu le dis.
Philippe pose franchement sa main sur la cuisse de Christa, trop bien protégée par son jean, et lui demande avec une pointe d’hypocrisie :
— Tu veux que je te viole dans le restaurant ?
— S’il n’y avait personne, j’accepterais. Je crois que je deviens complètement folle avec toi.
— Tu sais pourquoi je ne t’ai pas fait de propositions plus tôt ?
— Oui, par orgueil de jeune coq.
— Non, tout simplement parce que je dépense tout mon argent dans le lancement de mon logiciel et que je n’ai pas les moyens de te payer un hôtel de luxe.
Philippe vient d’enfoncer un clou auquel ne s’attendait pas Christa :
— Mais tout à l’heure on ne va pas aller dans un hôtel de luxe, et je n’en ai pas besoin.
— Oui, mais ça, il n’y avait que toi qui pouvait me le proposer, tu n’es plus une étudiante fauchée.
— Tant de difficultés parce que je suis dirigeante d’entreprise.
Christa se sent fautive de ne pas avoir pensé à ces problèmes bassement matériels. Elle brasse beaucoup d’argent et ses frais de déplacement ne sont pas à sa charge. Ils sont partagés entre son entreprise et le syndicat. Elle commence à prendre conscience que dans l’avenir il ne faut plus négliger ce genre de détails. Christa prend la bouteille de « retsina » qui est encore à moitié pleine et propose à Philippe :
— Allez, buvons un dernier verre de ton « retsina » avant de partir.
— Eh bien, à ta santé, Christa.
— À nos amours, Philippe.
Philippe se lève et propose à Christa d’en faire autant. Il va régler l’addition au rez-de-chaussée. C’est comme cela qu’il a l’habitude de faire. Il passe en premier dans l’escalier qui est particulièrement raide et se retourne pour déclarer à Christa :
— Je vais en profiter pour acheter une dernière bouteille de « retsina » au patron, on l’emportera.
Il poursuit en parlant à voix très basse pour que personne n’entende :
— On fera l’amour au vin résiné et pas au champagne. Ça nous évitera de faire des mélanges.
— Tu as raison, alors dépêche-toi de régler et allons-y.
En sortant du restaurant, Philippe remarque que Christa n’a pas remis son déguisement de touriste américaine bon teint, et le lui fait remarquer :
— On pourrait te reconnaître.
— Ce n’est pas grave, Philippe, et je m’en fiche royalement. J’ai envie qu’on pense à nous, pas aux autres… et en plus il fait sombre.
— Par contre j’ai laissé le sac avec tes vêtements dans le restaurant. Ne bouge pas, je vais le chercher.
Philippe court chercher le sac, puis de retour, prend délicatement Christa par la taille et fait glisser sa main dans son jean du plus profond qu’il peut, « là où il ne faut pas ». Christa ne s’en offusque pas, son esprit est déjà dans la petite chambre de Saint-Germain-des-Prés.
◦◦◦ 21:15 ◦◦◦
Christa fait tout le trajet avec sa tête sur l’épaule de Philippe, sans parler, ou plutôt en répétant régulièrement :
— Philippe, je me sens tellement bien avec toi.
Arrivés à l’hôtel, ils sont accueillis avec chaleur et un sourire en coin par le « cousin » du patron du restaurant :
— La chambre est au dernier étage et la douche dans le couloir. Là-haut vous serez seul, personne ne pourra vous entendre ou vous déranger. J’ai mis tout le nécessaire pour se laver sur votre lit, y compris du shampoing, des brosses à dents et du dentifrice. Je vous ai aussi monté une grande bouteille d’eau bien fraîche avec deux verres.
— Merci, lui répond Christa en réglant la chambre en liquide.
Arrivé dans la chambre, Philippe commence par poser sur une chaise le grand sac qu’il a « trimballé » toute la journée. Il prend ensuite la bouteille de « retsina » et remplit les deux verres initialement prévus pour boire de l’eau. Il en prend un, sans offrir l’autre à Christa, et va s’asseoir sur le lit :
— Tu n’es pas un galant homme, lui dit Christa, tu aurais pu me servir en premier.
— Non, je t’apporterai le verre quand tu te seras déshabillée. Tu as besoin de tes deux mains pour le faire.
— Je n’aime pas qu’on me regarde comme une curiosité, surtout dans ces moments, je sais que j’ai de trop grosses fesses.
— Tu es vraiment obsédée par ce détail.
Christa ne se déshabille qu’à moitié. Elle reste en sous-vêtements et demande à Philippe de se pousser pour pouvoir rentrer dans le lit. Alors qu’elle était parfaitement décontractée depuis le restaurant grec, elle semble désormais gênée, comme si elle avait peur de la suite des évènements. Philippe se lève, quelque peu déçu de ne pas avoir eu un « strip d’enfer » par cette femme qui lui parait particulièrement bien bâtie.
Philippe se déshabille complètement, et c’est nu comme un ver qu’il va chercher le dernier verre de « retsina » pour l’apporter à Christa. Il n’a plus grand-chose à cacher, même pas la marque visible de son profond désir. Il lève son verre et lui déclare sur un ton ironique :
— Trinquons ensemble une dernière fois avant de passer aux choses sérieuses.
— N’oublie pas qu’entre nous tout est gratuit.
Philippe qui n’a pu encore percer le mystère de la « gratuité » demande une explication :
— Christa, pourquoi tu me parles toujours de « gratuit » ?
— C’est tout simple, je ne veux en aucun cas te donner de l’argent parce que je fais l’amour avec toi.
Philippe ne s’attendait pas à cette déclaration. Il met plusieurs secondes qui semblent une éternité avant de répondre :
— Oh, je comprends, tu ne veux pas que je sois un gigolo.
— Ou plutôt un « taxi boy ».
Philippe est à mi-chemin de l’énervement et de la déception. Il ne sait plus réellement où il en est, mais garde tout son contrôle :
— J’aimerais que tu me dises ce qui ne va pas. Je te comprends de moins en moins. Comment une femme comme toi peut tenir de tel propos et coincer à ce point ?
Philippe s’allonge sur le lit face à Christa, lui dégrafe son soutien-gorge d’un geste machinal et lui déclare :
— Je t’écoute, je tiendrai ma langue, tout restera entre nous.
— C’est simple. Il y a deux ans…
— Christa, ne commence pas tes explications en me disant « c’est simple ». Avec toi tout est d’un compliqué…
— Philippe, par politesse, si tu veux que je continue, ne me coupe pas la parole.
— Excuse-moi.
— Je te répète qu’il y a deux ans j’ai pris des responsabilités syndicales patronales. Depuis ce jour mon mari ne me touche plus. Il a pris sa jeune assistante qui a quinze ans de moins que moi comme maîtresse. Pour des questions de « qu’en dira-t-on » on vit toujours ensemble, comme des amis ou comme des « collocs » si tu préfères, mais sans plus.
— Tu es donc une femme libre maintenant ?
— C’est un bien grand mot. Il y a beaucoup d’hommes de tous âges, plus ou moins hauts placés, qui veulent coucher avec moi par intérêt. Je ne le supporte plus. J’ai l’impression que personne ne veut me voir comme une femme, une simple femme. C’est pour ça que je me renferme dans ma coquille.
— Tu vois, le pouvoir n’a pas que des avantages.
— C’est vrai. J’ai deux amies qui sont dans le même cas que moi. Tous les mois on se réunit toutes les trois dans une villa qu’on se fait prêter. On y fait venir discrètement des hommes que l’on paye pour dîner avec nous et nous faire danser. On les appelle des taxi-boys. En supplément ils peuvent nous faire passer des moments agréables. C’est purement physique, mais c’est sans conséquence. En fait je n’ai pas le choix, je préfère ce genre d’hommes à tout ce ramassis de menteurs et de « machos » intéressés.
Philippe est stupéfait par les confidences de Christa. C’est la première fois de sa vie qu’il se trouve en face d’une femme qui a pu penser, ne serait-ce qu’un bref instant, qu’il tentait de la séduire pour de l’argent. Sa gorge est nouée. Il laisse parler la « Christa aux taxi-boys » qui est allongée devant lui, sans l’interrompre et sans répondre, même quand il y a de grands silences :
— Tu sais, Philippe, je suis tellement heureuse d’être dans tes bras simplement parce que je te plais, même si j’ai des grosses fesses…
— …
— Ma vie de femme est tellement pauvre aujourd’hui… En fait, ce n’est pas vraiment une vie de femme.
— …
— Au fait, toi, tu as une copine ?
— Oui.
— Elle fait bien l’amour ?
Philippe n’en peut plus. Ses limites sont presque atteintes. Il trouve encore assez d’énergie modératrice en lui pour répondre par une question :
— Oui, mais pourquoi me poses-tu cette question ?
— Parce que tu dois me prendre pour une nunuche.
Et cette fois-ci, le mot « nunuche » est comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase :
— Tu sais ce qu’on fait à une femme nunuche qui pose des questions nunuches ?
— Non.
— On lui donne une fessée, une vraie, comme à une gamine.
— Mais Philippe, à mon âge ça fait longtemps qu’on n’a plus peur des fessées.
— Alors retourne-toi, s’il te plaît, et enlève ta petite culotte.
— Mais tu n’as pas l’air de plaisanter.
— Non, pas du tout. Je veux que tes fesses, que tu trouves grosses, soient non seulement bien rouges mais qu’en plus elles te brûlent comme jamais elles ne t’ont brûlée. Quand on est tous les deux, Christa, je te répète : quand on est tous les deux, je veux qu’on parle de nous, que de nous, mais pas des autres. Si je suis ici c’est parce que je te désire comme un fou, pour toi, pas pour ton argent. Après la fessée tu le comprendras mieux… du moins j’espère.
— Mais ne me fait pas trop mal, je ne voulais pas te fâcher.
Christa enlève gauchement sa petite culotte et se met sur le ventre. Elle pose sa tête sur un gros coussin, la tourne vers Philippe, serre ses cuisses et attend. Philippe lui donne une fessée que certains qualifieraient de sévère. Plusieurs dizaines de claques sur les fesses, bien senties et bien réparties. Christa se laisse faire et ne bronche pas. Elle semble s’accommoder de recevoir une fessée d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle qui la désire ni par intérêt ni pour son argent, mais pour elle, uniquement pour elle.
Pour Philippe, donner cette fessée fait office de soupape de sécurité après cette journée trop riche en rebondissements. Pour Christa, cette fessée n’est que l’expression d’un désir poussé à l’extrême de son futur jeune amant. En réalité l’excitation de Christa est telle qu’elle est comme anesthésiée, elle ne ressent aucune douleur, juste une très forte chaleur mêlée à une immense envie de faire l’amour. La fessée terminée, Philippe s’assoit sur le bord du lit et regarde Christa qui se frotte les fesses avec une main. Il ne sait plus s’il doit regretter son geste ou non. Christa le prend de court en lui disant :
— J’ai été courageuse, je n’ai rien dit. Mais tu n’avais pas besoin de me donner une fessée aussi forte pour qu’on fasse l’amour ensemble.
— Pour l’instant on ne va pas faire l’amour. Tu vas te contenter de m’offrir ton beau minou pour que je lui fasse le plus gros des bisous.
Philippe se positionne entre les cuisses de Christa et commence à découvrir ses parties les plus intimes avec sa langue. Christa est en eau. Il est clair que la fessée n’a pas fait que donner des couleurs vives à sa partie charnue. Son puits d’amour s’est transformé en fontaine d’abondance. Christa va basculer dans un autre monde d’un instant à l’autre et Philippe n’a aucune envie de rater la moindre miette de cet évènement. Il quitte sa position, se rallonge à côté d’elle et lui fait un chaste bisou sur ses lèvres :
— Je t’en prie, Philippe, ne me laisse pas en plan.
Philippe passe délicatement sa main entre les cuisses de Christa. Sa chatte est grande ouverte et ne demande qu’à accueillir tout ce qui pourrait lui donner du plaisir. Philippe rentre facilement deux doigts dans cet onctueux fourreau, puis trois, et enfin quatre. Ils sont comme aspirés par le corps de Christa. Avec le pouce il commence à entreprendre de petits de massages circulaires sur son clitoris qui la font réagir au quart de tour. Philippe en profite pour lui glisser à l’oreille sur un ton quelque peu pince-sans-rire :
— J’espère qu’après une aussi longue période d’abstinence ton beau minou de blonde sait encore recevoir et donner du plaisir gratuitement.
— Tais-toi, Philippe, cette fois c’est toi qui mériterais une punition.
Philippe regarde Christa droit dans ses yeux, elle n’est déjà plus là. Il n’est point besoin d’être un dieu pour voir que son corps ne demande qu’à se laisser submerger par une vague de plaisir qui vient de loin, de très loin et qu’elle ne souhaite pas maîtriser.
Cet instant trop bref terminé, les dernières contractions de son corps disparues, Christa se blottit dans les bras de Philippe et lui dit :
— Merci, Philippe. Je t’adore pour tout ce que tu viens de me faire.
— Y compris la fessée ?
— Ça t’arrive quelquefois de ne pas dire de bêtises quand tu as la femme que tu désires dans tes bras ?
Philippe se lève, va chercher la bouteille de « retsina » et complète partiellement les deux verres. Une fois debout il peut enfin contempler le corps de cette grande femme blonde dans le calme. Avec tous les incidents précédents il n’en avait pas encore eu l’opportunité :
— Christa, tu es vraiment une femme superbe.
— C’est gentil de me faire ce compliment.
— Je bois un « gorgeon » à ta santé.
— C’est quoi un « gorgeon ».
— Un terme de potache qui veut dire une petite gorgée.
— Mais pas plus. Il faut que tu gardes des forces. On n’a pas encore fait l’amour.
Philippe att**** son pantalon et prend un préservatif dans sa poche.
— Christa, à toi l’honneur d’habiller l’objet de ton désir.
— C’est dommage qu’on soit obligé de mettre des préservatifs pour s’aimer.
— Oui, mais c’est obligatoire et on n’a pas le choix.
— Tu en mets avec ton amie ?
— Non.
— Elle a de la chance.
Philippe se recouche et s’allonge sur le dos. Christa caresse sensuellement le corps de son jeune amant qui se laisse faire comme un bébé. Avec sa main, elle se rapproche des parties spécifiquement masculines et protège avec regret ce membre érigé dont elle aurait préféré bénéficier de manière plus naturelle.
Christa se met à genoux sur Philippe, elle guide avec la main l’objet de son désir à l’entrée de sa grotte d’amour, et le fait pénétrer au plus profond de son ventre. Philippe se sent si bien dans cet univers de chaleur, d’onctuosité et de bien-être. Christa prend tout en charge, c’est elle la dirigeante et c’est un rôle qu’il apprécie tout particulièrement.
— Philippe, tu aimes les femmes qui prennent des initiatives ?
— Tu connais beaucoup d’hommes qui le refusent ?
— Oui, certains, comme mon mari.
— Tant pis pour lui.
— Et pour moi aussi. Mais avec toi je vais faire de mon mieux. Je ne veux rien refuser à mon jeune ingénieur français plein de vie.
Christa bouge le bas de son ventre très langoureusement au début, puis avec des mouvements de plus en plus amples. Elle reconnaît l’état d’excitation de Philippe à la force avec laquelle il lui empoigne ses cuisses. Au moment où Christa ressent que le moment ultime approche et que plus rien ne peut l’arrêter, elle fait rouler son bouton d’amour sous ses doigts pour que leurs deux plaisirs arrivent en même temps :
— Christa, je ne vais plus tenir très longtemps.
— Ne t’inquiète pas, Philippe, moi non plus.
Philippe prend la belle poitrine de Christa à pleines mains et la serre avec passion, peut-être même trop. Puis il redescend ses mains vers les cuisses en appuyant avec la vigueur d’un homme qui ne maîtrise plus sa force. Ses doigts laissent de longues traînées sur la peau. La souffrance que Christa devrait ressentir est inhibée par la vague de plaisir qui ne va pas tarder à déferler.
Christa se redresse, son regard est dans le vague, son corps est
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