PENICULUS
Mona est devant son chevalet qui est un peu bancal, c’est normal elle l’a acheté en solde chez IKéoc.
Elle est artissse de son état. Elle vend ses croûtes Place du Tartre à Montmertre.
Aujourd’hui, sur son trépied branlant, elle a posé une toile vierge qu’elle a préparée avec de la colle chaude de peau de lapin.
Devant elle, il y a Jeannot, modèle et chaud-lapin, il est à la colle avec Mona depuis peau.
Jeannot a fait son gîte dans une Duchesse d’un noir de radis.
– » J’suis pas Miro quand même je l’avais mis là! » s’étonne Mona.
– » Quoi donc? »
– » Ma brosse! »
Jeannot entrebaille ses pattes de lapin.
– » C’est pas ça que tu cherches? »
– » Si c’est bien mon gros pinceau! »
S’approchant de Jeannot elle commence à lui groomer le pubis.
– » Sont souples et brillants! » apprécie Mona.
» c’est quoi comme poils? »
– » De la girafe! » s’amuse Jeannot.
– » De la girafe en super forme alors! » réplique Mona.
– » Si tu veux tu peux la peigner » continue l’autre.
Caressant machinalement les soies du pinceau, Mona s’inquiète soudainement.
– » Ta jungle là, elle n’est pas habitée au moins!? »
– » Des totos, Jeannot? jamais de lavis! »
Mona devient pensive.
– » tu sais le Douanier Rousseau…Oui le peintre! »
» Y’avait pas plus pantouflard que ce mec là! »
– » Ah! »
– » Sans jamais sortir de son trou, il a imaginé des forêts touffues peuplées d’animaux exotiques, des panthères, des singes, des toucans…! »
– » Et alors? »
– » Ben si ça se trouve c’est en se fourrageant qu’il attrapait l’inspiration! »
– » Hum! »
» A propos de perroquet et d’aspiration tu voudrais pas me faire une petite plume!? » demande Jeannot qui a déjà déballé ostensiblement son pique-nique.
Mona se met à table.
Le nez dans le persil, d’un trait elle a engamée le rôti.
– » F’est un peu comme le » Déjeuner sur l’Herbe » » bafouille Mona, la bouche pleine.
– » Plutôt « L’Homme à la Pipe! » » rectifie l’autre.
– » Faut vraiment pas que tu Louvres! » se désespère la fille.
– » Merci c’est sympa! »
– » Derain! »
Mona est un beau châssis que Jeannot sous l’emprise de l’excitation s’empresse de détoiler.
– » Je vais te déchirer! » prévient Jeannot.
– » Doucement! » tempère Mona.
» Sache m’apprivoiser, me convoiter, me parler! »
– » Parler comment? » s’interroge l’éphèbe.
– » Tu pourrais par exemple me dire » Cézanne ouvre-toi! » au lieu » d’écarte les cuisses »! »
Jeannot s’impatiente, son tube de blanc- cassé est rempli jusqu’au bouchon.
– » J’fais pas dans l’ornement moi, dans le style de l’autre Primitif Italien! »
– » Quel style, quel primitif? »
– » Le style Rococo…Siffredi! »
» Je suis un Minimaliste, moi Madame…! »
Puis s’adoucissant.
– » Je veux bien essayer…Puis-je Madame tremper ma queue de morue dans votre pot à jus? »
N’attendant pas la réponse, Jeannot dont la nature n’a rien de morte saisit prestement la fille pour la mettre applat.
– » Je vais te vermillonner la pastille! » lui lance Jeannot.
« Ma spécialité à moi c’est les passages croisés! » se vante-t-il.
Mais sentant soudain les vapeurs d’Esprit Blanc lui monter au nez, il se retire promptement du godet. Puis désserant la virole de son gulliver, il libère sa force créatrice… Tel Pollock dans ses fameux dripping.
C’est au blanc de Meudon qu’il lui retouche le portrait.
En critique avisé, Mona chante ses louanges.
– » On dirait que tu apprécies les coulures!? » demande Lapin.
– » Mais mon P’tit Jeannot » dit-elle pompeusement » le but de l’Art n’est-il pas la délectation? »
Merci Coroebus pour cette saillie picturale.
Bien à toi.
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