Sylvie Lebrun est une jeune femme de 35 ans, mariée et fidèle, elle vient enfin d’avoir un enfant et a repris depuis peu son emploi de coiffeuse après ses congés de maternité. Le salon est tenue par une femme de 60 ans, Alexandra que tout le monde appelle Alex.
Albert Jacquemart est lui aussi sexagénaire et porte beau son âge avec un physique avantageux : relativement mince, haut de taille, chevelure épaisse argentée, regard bleu inquisiteur et charmeur, bouche gourmande. Il a parfaitement réussi sa vie professionnelle en créant une entreprise prospère de lingerie chic et vintage dont les nombreux magasins franchisés portent l’enseigne « Lady frivole ».
Dans le premier épisode, une étrange complicité s’installe entre les deux personnages pourtant si différents mais unis par la proximité nécessaire unissant une coiffeuse avec son client. Le contact, d’abord innocent du coude de l’homme contre la cuisse de la femme se transforme en un jeu troublant volontaire et dévastateur.
2- Etreintes urbaines – côté Albert
Le vendredi suivant, je reviens au salon de coiffure d’Alex pour ma visite hebdomadaire de fin d’après-midi. Je me régalais à l’avance de retrouver la pulpeuse Sylvie, mais aussitôt entré, je suis pris d’assaut par la patronne, ma vieille amie Alex, qui m’entraîne pour une séance rallongée par un verbiage intense où les coups de ciseaux sont réduits à l’état de simple ponctuation au milieu d’une avalanche de consonnes et voyelles qui m’assomment. Comme je suis beau joueur envers les femmes qui ont marqué ma mémoire de coureur de jupons, je me contente d’acquiescer lorsque cette « ex » de haute volée prend la peine de consulter mon avis qui doit bien sur nécessairement conforter ses assertions. A peine ai-je eu le temps, l’espace d’une ou deux secondes de jeter un regard vers la grassouillette Sylvie qui s’affaire sur une cliente et qui a, semble-t-il, ignoré dédaigneusement mon entrée rendue pourtant très indiscrète par l’accueil cérémonial d’Alex. Aurait-elle décidé d’oublier la séance troublante que mes coudes pernicieux avaient fait subir, la semaine dernière, à son entrecuisses aussi bulbeux que gargouilleux en sollicitant sa bienveillante et coupable adhésion ?
Je n’ose détourner mon visage vers ma proie. Finalement son comportement rétif affiché me réjouit. Un sourire accueillant devant sa patronne aurait sans doute été plus trompeur qu’engageant. Finalement la distance qu’elle s’est probablement imposée au prix d’un supplice lourd de remords, après notre discret mais si coquin marivaudage, est un signe révélateur de fragilité. Une faille dans la cuirasse qu’elle a sans doute eu beaucoup de mal à construire pour résister aux appétits charnels révélés depuis cet égarement dont elle a un mal fou à refermer la parenthèse qui écarterait cette menace insensée.
Satisfait de mon analyse de la situation je retrouve cette jubilation du chasseur rassuré par son flair. Et ceci d’autant plus que la jeune coiffeuse est venue parler à Alex et que le regard d’azur pur qu’elle m’a jeté dans le miroir vient me prouver, malgré sa fugacité, que mes pressentiments ne sont donc pas que des élucubrations injustifiées. En prenant congé d’Alex, j’entends dans mon dos les talons précipités de la coiffeuse, signe d’un agacement révélateur d’une faiblesse qui n’attendrait plus qu’une opportunité pour s’ouvrir en une brèche dans laquelle il fallait s’enfourner. Et pour cela, il me fallait trouver cette occasion pour souffler sur ses braises.
J’emboîte donc le pas de ma grosse caille dont la détermination impétueuse me facilite la filature. Je vois que mes congénères masculins partagent la fascination que procure cette petite boule de laine rose perchée sur des escarpins visiblement faits pour la grandir et qui ne servent qu’à la rendre encore plus appétissante. J’ai l’impression de suivre un bonbon ou plutôt une pâtisserie gonflée par la levure et gorgée de beurre dans une enveloppe de sucre rose. Dans quel lieu de dégustation ses pas rythmés par les talons sonores vont-ils m’emmener ?
L’apparition de la fameuse enseigne rococo d’une station du métropolitain me réjouit, car le pas de cette poularde s’accélère dans cette direction qui offrirait les conditions d’une promiscuité tout à fait propice à l’aboutissement de mon projet qu’elle trouverait en cet instant funeste. C’est en effet une véritable descente aux enfers à laquelle j’assiste lorsqu’elle emprunte l’escalier sournois qui l’oblige à tirer sans cesse sur la laine de la mini-robe rebelle au point de remonter immanquablement sur ses cuissots sans doute emprisonnés dans des collants couleur chair. Ces gestes qui se veulent pudiques produisent un effet contraire en se révélant très excitants d’autant plus qu’ils sont tout à fait inutiles, car le sac qu’elle porte à l’épaule droite, en tombant sur sa hanche, retrousse de façon continu le bord de la robe en découvrant très haut sa cuisse. Sans perdre une miette du spectacle, je me faufile dans la foule pour être au plus près de la belle au moment de monter dans le métro.
Le mouvement collectif imprimé par la foule me projette aussitôt avec bonheur contre le corps moelleux de ma petite coiffeuse sans que cela ne paraisse l’effrayer. Je juge néanmoins préférable de tenir un minimum de distance. Mais son trajet est peut-être court et je dois donc intervenir le plus rapidement possible sans paraître grossièrement vulgaire. Sa main agrippée à la barre m’ouvre une perspective que je saisis immédiatement. Je fixe cette petite menotte aux doigts un peu boudinés et marqués par les effets secondaires des produits capillaires, ce qui la rend encore plus digne de subir des manoeuvres précautionneuses. C’est donc avec le maximum de délicatesse que j’y pose une main qui se veut plus protectrice que provocante. L’effet est immédiat : tension d’un corps qui se fige ; visage retourné avec vivacité ; oeil écarquillé traduisant la détresse ; retour échappatoire à la position initiale… Le tremblement de sa main dans la mienne m’indique que ma manoeuvre a fait mouche. Ne voulant pas perdre l’avantage de l’effet de surprise, je me penche vers son oreille pour lui rappeler qui je suis et, par dessus son épaule, je découvre sa poitrine qui se soulève, modelant la laine mohair qui par sa souplesse obéissante devient mon alliée pour trahir l’état de trouble qui envahit ma proie. Je me délecte en voyant les mouvements saccadés de ses deux globes volumineux rangés dans des armatures qui paraissent beaucoup plus sombres à travers le rose laineux de la robe encore plus ajustée à cet endroit stratégique. les deux hémisphères
2- Etreintes urbaines – côté Sylvie
Depuis vendredi dernier, je me sens très perturbée par cette aventure incroyable que j’ai subie en coiffant monsieur Jacquemart, le copain de ma patronne. Comment ai-je pu tomber dans ce piège énorme et me laisser ainsi frôler puis frotter par le coude de ce pervers qui doit bien avoir soixante ans ? Je sais pourtant que cette version flatteuse que je me suis imposée pour essayer d’effacer le trouble qui s’est emparé de mon corps et qui revient inéluctablement à chaque fois que j’y pense est partiellement fausse. Je me suis bien offerte à cette tentative sans retenue de tripotage incongru. Depuis ces instants inédits et torrides, je ne me sens plus moi-même. Ma libido est totalement bouleversée. Finie la frustration conjugale où les craintes de mon mari concernant ma récente maternité et ses suites m’ont plongée dans une abstinence involontaire dont je n’imaginais pas la dimension avant cet aventure incroyable. Oui, moi, la petite maman comblée par sa progéniture tardive était maintenant tenaillée par un appétit sexuel qui m’envahissait et dont je sentais que je ne pourrai le satisfaire avec mon mari. Pour la première fois, je découvrais ce besoin de trouver ailleurs ce que mon mari était incapable de me fournir. Et celui qui était dépositaire de ma satisfaction venait d’entrer dans le salon.
Tout en coiffant ma cliente, je sens la concentration nécessaire m’échapper. Il, oui, Lui, cet homme qui a ouvert pour moi une porte ignorée au plus profond de mon ventre est bien là. Tout à côté. Je sais qu’il m’a cherchée du regard. Je sais qu’il considère la petite séance irréelle de la semaine dernière simplement comme un préambule jubilatoire. J’ai deviné sa déception de ne pas se retrouver sur mon siège. Et moi, après avoir été pourchassée toute la semaine par autant d’images de suites lubriques à cet « accident » irréfléchi, j’ai pris la ferme décision de prendre mes distances pour ne plus me sentir métamorphosée en truie obscène.
Après avoir expédié mon travail sur cette cliente, je viens voir Alex pour lui demander de sortir prématurément en prétextant que ma mère qui garde ma fille vient de m’expédier un SMS pour venir la récupérer plus tôt. Je ne peux m’empêcher de regarder dans le miroir celui que je m’efforce de considérer comme mon agresseur, en effaçant bien difficilement ma responsabilité dans la complaisance que je lui ai accordée. Je me rends ensuite au vestiaire où je préviens mon mari pour lui dire que je rentre à 18 heures et qu’il se charge de récupérer notre bébé à 20 heures. Pressée de sortir du salon où la présence de cet homme me rappelle ma forfaiture que je persiste à considérer involontaire, je quitte ma blouse pour enfiler ma petite robe rose en laine mohair qui a une grande difficulté à dissimuler mes nouvelles rondeurs exacerbées par ma maternité récente. Je quitte le salon comme s’il était désert sans pouvoir m’empêcher de jeter un coup d’oeil que je crois discret vers ce type qui est en train de se préparer à sortir aussi.
Une fois sur le trottoir les regards appuyés des hommes que je croise m’envoient un message que je veux fuir. Un message qui m’indique que cette mini-robe si moulante et contenant avec difficulté les rondeurs excessives de ma poitrine et de mes fesses font de moi ce que les hommes appellent une salope. Je me dis que je ne remettrai ce vêtement que lorsque j’aurai perdu cet embonpoint superflu. Alors j’accélère mon pas jusqu’à mettre en danger mon équilibre de dodue perchée sur mes talons périlleusement hauts.
Lorsque j’arrive à la bouche de métro, l’affluence, toujours présente à cette heure, me rassure et je peux dissimuler mon corps trop voyant dans la foule. Une fois les escaliers descendus, épreuve rendue délicate par ma robe en laine trop courte qui ne cesse de remonter sur mes cuisses, je me faufile sur le quai dans ce que je crois être un anonymat salvateur.
Je suis portée par l’affluence dans la rame et réussis à m’accrocher de ma main libre à la barre verticale, l’autre protégeant mon lourd sac à mains qui pèse sur mon épaule. Le métro repartant, je me sens coincée de toutes parts, incapable d’esquisser le moindre mouvement sans risquer de bousculer mon entourage. Les odeurs et la promiscuité engendrées par ces corps impersonnels qui s’amassent autour de moi me font regretter de ne pas avoir attendu que mon mari vienne me chercher au salon comme d’habitude et j’en maudis encore plus ce type dont je n’ai pu supporter la présence plus longtemps. Je me console en me disant que j’ai échappé au pire en évitant de le coiffer et de risquer de subir sa fourberie libidineuse. Comme je ne l’ai même pas salué, il aura compris que je ne suis pas de celle qui se laisse séduire par des types de son espèce.
En me disant cela, je me sens suffisamment forte et déterminée pour ranger cette histoire dans le tiroir des oublis… Lorsque je sens une main se poser sur la mienne. Aussitôt je retourne mon visage pour incendier le malotru qui se permet ce geste et je me liquéfie en découvrant mon vieux beau qui me sourit tandis que sa large main, aussi brûlante que la barre est glaciale, se referme sur la mienne en l’enveloppant avec une douceur étrangement ferme. Toute ma détermination s’effondre. Je me sens incapable de réagir. Que faire ? Lâcher la barre et m’écarter de lui en silence ? M’indigner en protestant fermement ? L’humilier en le traitant de pervers ? Au lieu de tout cela, je me sens curieusement incapable de manifester la moindre réaction. Pire, je me sens une autre. Ce n’est pas moi qui est là. Je ne suis plus l’épouse de mon mari. Je ne suis plus la mère de ma fille. Je ne suis plus l’employée du salon de coiffure. Je ne suis plus que le centre d’une sphère dont les contours sont flous au point de m’aspirer toute entière sans je perçoive où cela m’emmène si ce n’est dans un gouffre sans horizon. Je détourne mon visage de son regard où j’ai eu le temps de lire une détermination dont je me sens à nouveau coupable. Ses yeux perçants et résolus m’envoient ce message : « tu as cédé une fois et tu cèderas encore ! » Mais je n’ai pas l’impression que cela s’adresse à moi. Ce n’est pas possible. Ce qu’il veut c’est mon corps. Pas moi. J’ai l’impression de me quitter moi-même.
Je le sens maintenant au-dessus de moi. Sa bouche se pose tout près de mon oreille. La caresse indicible de son souffle si près me fait frissonner. Sa voix grave et suave me dit alors : » je n’étais pas sûr de vous avoir saluée au salon, aussi vous avez bien fait de m’attendre ici. » J’aurais dû m’esclaffer devant un pareil culot, réagir, protester… mais ce n’était plus moi qui était là mais une autre femme disposée à supporter la présence de cet homme, attentive à ces mots, réceptive au point d’accepter son corps si proche, accessible à tout espoir d’issue charnelle.
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