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vacances en bateau confession cocu première partie

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Auteur : Jeanpas

À quarante-cinq ans, j’ai tout pour être heureux. J’ai une santé de fer, je ne suis jamais malade, et même lorsque je me blesse, comme l’an dernier au karaté quand je me suis luxé l’épaule, ça ne freine pas mes activités, que ce soit professionnelles ou privées. Je suis très très grand, très costaud, presque deux mètres pour plus de cent kilos et j’ai le poil, cheveux ou barbe, noir aile de corbeau, broussailleux et assez long.

Professionnellement, j’ai atteint mon objectif initial : j’ai créé une société dans le bâtiment qui fonctionne très bien. J’ai même dû réguler sa croissance pour ne pas me retrouver à la tête d’un monstre ingouvernable. Du coup, tout est géré de manière saine, raisonnable et extrêmement rentable. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il était temps de vendre afin d’en tirer le maximum, et les clients se sont bousculés au portillon ! J’ai choisi le plus fiable à la fois sur ses ressources financières et pour son esprit de continuité du travail que j’ai entrepris depuis quinze ans. Certains voulaient jumeler leur propre société à la mienne pour faire des économies d’échelle, mais je voulais préserver le personnel le mieux possible. Me voilà donc entre deux projets, avec un bon matelas d’euros en réserve et de nouvelles idées plein la tête.

Sur le plan privé, j’ai le bonheur de vivre avec une femme merveilleuse. Sophie est blonde, musclée elle aussi par le sport qu’elle pratique assidûment. Je l’ai entraînée aux cours d’arts martiaux et elle s’est passionnée pour le karaté. Elle mesure plus d’un mètre soixante-dix. Quand nous sortons, sa beauté lumineuse et mon côté hirsute et massif nous donnent un genre « la belle et la bête » ! Attention, je suis loin d’être laid, mais mes traits sont un peu masqué par ma pilosité. Un ours avec un profil grec, quoi.

Sophie est infirmière libérale. Elle travaille dans un groupement d’infirmiers associés, ce qui lui permet de ne pas être obligée d’aligner des heures de travail interminables et de rentrer tôt le soir. À quarante ans, elle en paraît facilement dix de moins, malgré le fils qu’elle m’a donné dès le début de notre union, il y a une quinzaine d’années. Celui-ci a maintenant quatorze ans et nous attendons sa crise d’adolescence sans la voir venir. C’est un garçon étonnamment mature pour son âge, avec une beauté qui tient de sa mère mais avec ma couleur de poil. Je l’aime autant qu’un père peut aimer un fils dont il est fier. Nous n’avons jamais eu d’autre enfant, je le regrette encore par moments, nous aurions adoré avoir une petite fille !

Sophie et moi avons décidé de fêter la vente de ma société en faisant un voyage en amoureux. Nous allons partir hors vacances scolaires et Maxime, notre fils, ira chez ses grands-parents maternels qu’il adore. Nous avons choisi une croisière en Méditerranée. Une première pour nous deux, qui sommes du centre de la France et n’avons jamais pris de bateau. Départ de Marseille, un tour en Espagne, en Afrique du Nord, retour par la Sicile et l’Italie ; bref, quinze jours de repos pendant lesquels nous allons enfin prendre le temps de nous occuper de nous deux. En juin, on pourra profiter des piscines du paquebot et vivre pratiquement en maillot de bain. Quinze jours à se câliner sur un navire paradisiaque équipé de tous les équipements qu’on peut imaginer. Le rêve !

* * *

Nous débarquons le vendredi chez des amis marseillais qui n’auraient pas accepté qu’on dorme ailleurs que chez eux. Le week-end est super agréable, il fait beau, nous sommes reçus comme des rois, et le samedi soir on fait une java à tout casser. La fin de nuit avec mon amour a été explosive. Sophie m’a avoué que si je lui assurais les mêmes prestations pendant la croisière, ce serait sûrement les plus belles vacances de sa vie. J’apprécie le commentaire : mon épouse est très demandeuse au niveau galipettes. Avant de me rencontrer, elle a déjà été mariée, mais son ex ne la satisfaisait pas et elle l’a copieusement cocufié.

C’est une bonne âme qui se prétendait être mon amie qui m’en a informé lorsque j’ai rencontré Sophie. En l’observant bien, je me suis rendu compte qu’effectivement, elle semblait collectionner les amants. Je me suis mis sur les rangs avec la ferme volonté d’écarter tous les autres et nous avons commencé une histoire qui dure toujours avec la même passion. Je reconnais que je lui ai posé quelques questions à propos de son précédent mariage et de ses aventures extraconjugales. Elle m’a répondu très calmement, sans rien dissimuler, qu’effectivement, elle avait de gros besoins sexuels et que son ex-mari s’était révélé nettement insuffisant sur ce point précis. Par contre, si je continuais de m’occuper d’elle comme je l’avais fait jusque-là, il n’y avait pas de raison qu’elle s’intéresse à quelqu’un d’autre. Sophie m’a regardé dans les yeux et m’a dit tout bas que jamais elle n’avait aimé personne comme moi. J’ai vu des larmes perler au coin de ses paupières et mon cœur a manqué un ou deux battements. Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai aimée passionnément.

Je l’aime toujours passionnément.

* * *

Nous embarquons dimanche après-midi. Le temps s’est couvert, un orage menace à l’horizon. Nos amis nous souhaitent bon voyage et rentrent vite se mettre à l’abri. Notre cabine est de taille moyenne, confortable et chaleureuse. Nous nous installons, puis nous remontons sur le pont. Le navire est déjà en train de quitter le port. Dès la pointe de Petit Méjean passée, on a sent la poussée du vent et de l’orage qui nous arrive dessus. Il nous est conseillé de rester à l’intérieur du bateau. Avec cinq bars, quatre restaurants et des salles de sport, un hammam et un spa, une discothèque et un théâtre, on a de quoi visiter.

Il est d’ailleurs temps d’aller manger, mais je n’ai pas faim. En fait, je me sens un peu barbouillé. Nous allons au restaurant, mais rien que les odeurs des plats me soulèvent le cœur. Je préfère abandonner mon épouse à son repas et retourner m’allonger dans notre cabine en attendant d’aller mieux. En marchant vers ma cabine, je commence à être vraiment mal ; j’ai des vertiges, des sueurs froides, je suis glacé, je ne sais plus où je suis. C’est un steward qui m’a récupéré et ramené au bon endroit. Le jeune homme, s’inquiétant de mon extrême pâleur, a préféré appeler le médecin de bord. Il me propose de prévenir mon épouse mais je lui demande de ne pas le faire : je ne veux pas lui gâcher son repas pour rien. Le médecin arrive rapidement. Je grelotte sous ma couette alors qu’il fait vingt-quatre degrés dans la chambre.

— Avez-vous mangé quelque chose de différent de votre femme, ce midi ou cet après-midi ?
— Non, rien de spécial. Pas de goûter, je ne vois pas.
— Êtes-vous souvent allé en mer avant cette croisière ?
— Jamais. J’habite près d’Orléans. Je suis souvent allé au bord de la mer, mais jusque là je n’avais jamais vu l’intérêt d’aller dessus.
— Eh bien vous faites partie de la quinzaine de personnes atteintes du mal de mer depuis le départ de Marseille. Ça n’a rien d’étonnant, mais c’est amplifié par le mauvais temps de ce début de croisière et le vent de travers. Je vais vous mettre sous scopolamine en patch, rien en comprimés, vous ne les garderiez pas. Au fait, avez vous vomi ?
— Non. C’est vrai que j’ai le cœur au bord des lèvres.
— Il faut que vous vomissiez : si la scopolamine vous endort et que vous vomissez dans votre sommeil, ça peut devenir très grave. Vous avez une constitution exceptionnelle ; combien pesez-vous ?
— Entre cent-cinq et cent-dix kilos. Je ne suis pas sûr d’être capable de me lever pour aller vomir.
— J’appelle le personnel de bord, ils vont s’occuper de ça. Je vais vous mettre trois patchs. C’est beaucoup, mais vous semblez vraiment atteint. Leur efficacité devrait être de deux jours à peu près. Pendant ce temps, vous devrez rester couché. Ensuite, dès que vous le pourrez, montez sur le pont pour accélérer l’amarinage.
— La quoi ?
— Il faut vous amariner. La sensation de mal de mer va disparaître en quatre ou cinq jours. Mais comme vous ne pourrez rien manger entre-temps, vous serez très faible encore au moins deux jours. Préférez-vous être rapatrié ? À terre, les symptômes disparaîtraient beaucoup plus vite, mais vous aurez sacrifié votre croisière. Où est votre femme ? Je pense qu’il est temps de la prévenir.
— Elle est au restaurant. Celui avec la décoration 19ème.
— Je vois. Je vais vous laisser et aller la voir pour lui expliquer la situation. Surtout, ne touchez pas les patchs. Si vous vous frottiez les yeux avec des mains polluées par les patchs, ça peut aller jusqu’à un glaucome. Si un patch tombe, vous me faites appeler. Attendez le personnel de bord avant de dormir, ils seront là très vite. Je reviens demain matin. Je vous souhaite la moins mauvaise nuit possible. À demain.

Je me retourne sur mon lit de douleur. Rapidement, on frappe à la porte. Je crie à la personne d’entrer. Une jeune femme en costume de service s’approche du lit avec une bassine à la main et me propose de m’aider à aller dans la salle de bain pour vomir autant que possible. Je suis incapable de me lever, tout tourne autour de moi et mes jambes sont flageolantes. Je ne me souviens pas d’avoir déjà été si faible. La jeune femme s’appelle Chris ; elle me tend la bassine en me disant qu’il est préférable que je me vide avant de dormir. Merci pour l’image poétique, Chris !

— Je vais faire de mon mieux. Je vais m’en occuper, ne vous inquiétez pas.

Elle a fini par s’en aller. J’ai regardé la bassine avec un certain dégoût. J’ai la tête lourde et je ne me sens même pas capable de me redresser au-dessus de cette foutue bassine. Je me laisse glisser dans le sommeil.

* * *

Je vomis. Le spasme me réveille en sursaut. Où est la bassine ? À droite ? Je me tourne vers la droite et un geyser explose, arrosant le lit dans lequel dort tranquillement… Sophie. Elle pousse un hurlement et fait un bond hors du lit. Elle est trempée, la tête couverte de vomi nauséabond ! Évidemment, la bassine est à gauche. Le lit est souillé, ma femme hurle en secouant la tête. Ses cheveux sont gluants et collés. Je finis de me vider dans la bassine. Ma tête tourne, je me plie en deux, et dès que je sens la fin des spasmes je m’écroule du côté propre du lit. Quel bordel !

Sophie a appelé le personnel de chambre. En quelques minutes, on me porte dans un fauteuil pendant que le lit est vidé de ses couverture et draps. Même le matelas est changé, tout est redressé en un temps record. Je peux me rallonger avec soulagement. Je flotte toujours dans une sorte de brouillard. Sophie est hystérique ; elle s’est douchée mais refuse de se recoucher dans le même lit que moi. Le personnel finit par la convaincre de finir sa nuit avant de s’adresser au capitaine pour régler son problème. Je replonge dans une nuit de brume et d’oubli.

* * *

J’ai émergé dans une chambre pleine de lumière ; les rideaux sont grand ouverts. Je cherche Sophie du regard mais elle n’est pas là, peut-être dans la salle de bain. D’ailleurs il faut que j’aille aux toilettes. Je me redresse sur mon lit, et instantanément la chambre se met à flotter comme si j’étais en apesanteur. Je réussis à me lever en me tenant aux murs et j’arrive juste à temps aux toilettes pour recommencer à vomir de la bile ; je n’ai plus rien dans l’estomac. Moi qui croyais que j’allais mieux… Je fais ce que j’ai à faire et me force à me relever pour passer à la salle de bain, pensant y trouver mon épouse. Ça va un peu mieux, mais Sophie n’est pas là non plus. Je me passe de l’eau sur le corps, me lave vite fait et je retourne dans mon lit. Là, je me sens mieux. Mon téléphone m’indique qu’on est déjà dans l’après midi : j’ai dormi presque vingt heures ! Je comprends pourquoi elle est partie se balader. En fait, je suis toujours un peu dans le cirage ; je sais bien que j’en ai encore pour un jour ou deux, alors autant essayer de dormir le plus possible.

* * *

Je me réveille en entendant du bruit dans la chambre. En fait, c’est dans la salle de bain. J’appelle, pensant que c’est Sophie, et c’est bien elle qui arrive vivement dans la chambre, toute pomponnée et belle comme le jour. Bon dieu, qu’elle est belle, mon épouse !

— Enfin tu émerges ! Comment te sens-tu ? Peux-tu te lever ? Il est déjà huit heures et demie, et nous sommes invités à la table du capitaine. Est-ce que tu pourras venir ?
— Bonjour ma chérie. C’est bon de te voir si belle et si en forme. Pour moi, c’est un peu tôt. Je suis encore pas mal dans le brouillard, et quand je me suis levé pour aller aux toilettes j’ai encore été pris de nausées. Je vais rester au lit jusqu’à demain ; après, on verra. Je t’attendrai ce soir ; réveille-moi si je dors lorsque tu rentreras.
— Ben, c’est qu’après la douche que tu m’as fait subir la nuit dernière, j’ai préféré dormir dans les fauteuils en les mettant l’un en face de l’autre. Ce matin, pendant que je déjeunais au restaurant, le capitaine m’a repérée et il est venu demander de tes nouvelles. Je lui ai raconté nos aventures nocturnes et la fin de nuit que j’avais subie. Il a compati et s’est absenté quelques minutes. Quand il est revenu, il m’a annoncé qu’il pouvait mettre à ma disposition une autre cabine dont la location avait été annulée au dernier moment. Du coup, je préfère y dormir jusqu’à ce que tu ailles mieux : j’ai bien vu la nuit dernière qu’en cas de problème je ne servais pas à grand-chose ! C’est super de leur part, non ? En plus, ce soir nous sommes invités par le capitaine à profiter de sa table. Je trouve ça vraiment bien de sa part. Comment te sens-tu ?
— Mal. Je ne sais pas ce que m’a donné le médecin, mais j’ai le sentiment que ça ne m’aide pas beaucoup.
— Tu as des patchs collés dans le cou, derrière les oreilles. Je crois que c’est ça qui te diffuse un médicament.
— Mais oui, les patchs ! Ils sont valables une soixantaine d’heures mais il ne faut pas y toucher. Je ne sais plus pourquoi.
— As-tu faim ? Tu veux qu’on te serve quelque chose dans la chambre ?
— Non : ça risquerait de ressortir aussi sec. Je vais attendre demain. Va manger, je vais encore dormir ou regarder un peu la télé. Sois sérieuse, mon amour ; demain, je pense pouvoir m’occuper de ton cas.
— D’accord. Dors bien, mon chéri. Je repasse te voir avant d’aller me coucher.
— Elle est où, cette cabine qu’ils t’ont dégottée ? C’est quel numéro ?
— C’est pas dans cette partie du bateau, plutôt en étage inférieur. Je te la montrerai quand tu iras mieux, avant de la rendre quand je reviendrai dormir avec toi. Il faut que j’y aille, le repas est à vingt heures trente, je suis déjà en retard. À tout à l’heure, mon chéri.

J’ai eu droit à un chaste bisou sur le front et Sophie s’est littéralement enfuie de la chambre. J’ai regardé un peu la télé, mais ça me rendait encore nauséeux. J’ai voulu lire un peu ; mon livre m’est quasiment tombé des mains. Finalement, j’ai somnolé, dormi, somnolé encore.

* * *

Au lever du jour, une chose est sûre, c’est que ma femme n’est pas repassée par notre cabine avant d’aller se coucher. C’est idiot de ma part, mais j’en suis un peu déçu. Avec ce nouveau matin, j’espère pouvoir enfin me lever et arpenter ce navire d’un bout à l’autre.

Rien que le fait de me lever pour aller à la salle de bain m’a convaincu que tout n’était pas réglé. Je n’arrive pas à savoir si c’est le bateau qui bouge ou ma tête qui tourne. Il faut que je mange ; j’ose croire que je ne vomirai plus comme hier. Je réussis à me doucher, mais rien que cela m’a épuisé. Il est dix heures, je décide d’appeler Sophie. Je voudrais faire une tentative pour aller sur le pont, peut-être m’installer dans un transat au grand air. Essayer de manger un peu, aussi. Pas de réponse, elle est sur répondeur. Pourtant le navire est équipé pour utiliser les portables. Je décide de faire une tentative seul. Ça ne dure pas longtemps ! Au bout du couloir, je suis exténué, mes jambes tremblent, je ne suis même pas sûr d’arriver à rejoindre ma cabine ! Finalement, j’y arrive et je m’allonge de tout mon long sur le lit. De toute façon, si ça se passe mal, il vaut mieux que je sois dans ma chambre plutôt qu’au restaurant. Je commande un petit déjeuner en cabine.

Après avoir grappillé un peu de pain et de café sur mon plateau, je me rends à l’évidence : c’est dans mon lit que je suis encore le mieux. Je n’ai plus qu’à attendre mon épouse.

J’ai encore dormi deux bonnes heures avant qu’elle n’arrive dans la cabine.

— Alors mon grand malade, vas-tu mieux ce matin ?
— C’est beaucoup mieux, j’ai petit déjeuné vers dix heures ; je n’ai pas vraiment faim, mais je me sens moins mal qu’hier. J’ai fait une tentative pour monter sur le pont mais j’ai failli m’écrouler au milieu du couloir ! J’ai préféré rentrer en t’attendant. Et toi, comment ça se fait que tu arrives si tard ? Et hier, comment as-tu occupé ta journée ? Finalement, tu n’es pas revenue me souhaiter bonne nuit ?
— Ah, euh oui, c’est vrai. En fait, le repas à la table du capitaine a été vraiment sympa. C’était lui le plus vieux, les autres convives avaient à peu près notre âge. On s’est bien amusés et je me suis fait un chouette groupe d’amis. Du coup, on est partis en discothèque et je suis rentrée à ma cabine vers deux ou trois heures du matin : c’est pour ça que je me suis levée tard. Hier ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Oui, j’ai profité du sauna et ensuite je me suis fait masser. C’était divin, j’ai vraiment apprécié, il faut que tu essayes. Sinon j’ai profité de la piscine sur le pont supérieur. Tu veux venir avec moi ? Ça te ferait du bien de sortir un peu. Après, je suis invitée par mes nouveaux amis à une partie de badminton. Là, j’ai peur que tu sois un peu juste… Oh, il y a aussi des cours de karaté. Je me suis inscrite, ça commence demain. J’espère qu’il y a des gens avec un bon niveau, ça me fera du bien de me défouler.
— Ouah, quel programme ! Vas-y doucement, au karaté, il n’y a peut-être que des débutants. Tu fais comment pour le kimono ?
— Ils mettent les kimonos à disposition. Tu pourrais venir aussi, ça te ferait du bien.
— Je ne suis pas sûr qu’ils auront ma taille, et puis je ne suis pas prêt. La semaine prochaine, sûrement.
— Bon, tu sors ou tu sors pas ? Honnêtement, j’ai pas envie de rester enfermée. Veux-tu essayer de venir sur le pont ?
— Je vais appeler le médecin, voir avec lui comment ça évolue. Ton portable fonctionne ? Ce matin, il était sur répondeur.
— Je l’avais coupé pour dormir. Okay, tu me tiens au courant dès que tu sais ce que tu fais. Je bouge. Je vais manger avec mes amis, et après, une bonne heure de badminton. À tout à l’heure mon bijou.

Et la voilà repartie. Bon, au moins, elle ne s’ennuie pas. J’ai même l’impression que je ne lui manque pas beaucoup. Enfin, je crois que je vais mieux, donc je serai bientôt dehors.

* * *

Le médecin m’a confirmé que l’évolution est normale. Il faut que je mange et que je dorme. Demain, ça devrait aller. Je ne sauterai pas comme un cabri, mais au moins je n’aurai plus de vertiges et de nausées. En attendant, le mieux, c’est de manger et de dormir. Je me fais apporter un repas froid en cabine et je prends un cachet pour roupiller et bien récupérer.

Vingt heures. Je me sens mieux. Sophie est aux abonnés absents, elle vit sa vie sur le paquebot, je ne peux pas lui en vouloir. Demain, je vais sur le pont. En attendant, je me fais livrer un vrai dîner. J’aurais bien aimé le partager avec ma chérie, mais pas de nouvelles. Je lui envoie un SMS auquel elle ne répond pas. Elle doit bien s’amuser.

* * *

J’ai enfin passé une vraie bonne nuit. Il est neuf heures ; si Sophie est encore sortie en boîte avec ses amis, elle doit dormir. Je me douche, me lave bien soigneusement, et enfin je me sens un autre homme. Je décide de petit déjeuner sur le pont. Il n’y a pas grand-monde pour l’instant. Neuf heures et demie, ce n’est pourtant pas très tôt ! Je repère un bar où l’on peut petit déjeuner et je m’installe au comptoir. Le barman est un homme d’une trentaine d’années, jovial, serviable, mais avec de grandes poches sous les yeux. Il me confirme qu’il est en fin de service et qu’il est bien content de pouvoir aller se coucher bientôt.

En fait, on est restés à discuter pendant presque une heure, alors que son collègue était arrivé pour le remplacer. Rapidement, on s’est tutoyés et il a semblé se prendre d’amitié pour moi, à mon grand plaisir. C’était tellement agréable de parler avec quelqu’un d’aussi sympathique après trois jours bloqués dans ma cabine ! Il commençait à y avoir pas mal de monde dans le bar, alors il m’a proposé de venir boire un verre dans la salle de repos du personnel du bar. C’était très petit, mais on était mieux qu’à parler fort au milieu des autres voyageurs. Notre conversation a commencé à devenir plus intime.

— C’est un boulot crevant, finalement, d’être au bar la nuit ; le jour, tu vas dormir : tu ne peux pas profiter de la croisière ?
— Ben non, c’est sûr. Maintenant, je suis là pour travailler, précisément, pas pour faire la croisière avec les passagers. Ou les passagères. C’est plus dur pour certaines filles.
— Pourquoi ? Elles ne travaillent pas plus que les hommes, quand même ?
— Non, bien sûr que non. Mais il y a toujours quelques filles qui profitent de la présence d’hommes friqués pour arrondir leurs fins de mois, tu comprends ?
— Tu parles de prostitution ?
— Oh là ! Ce ne sont pas des prostituées. Ou peut-être qu’on peut dire des prostituées occasionnelles. Sinon ce sont des filles comme les autres. Ça t’intéresse ?
— Je n’ai jamais payé une femme ; je ne vois pas pourquoi je commencerais maintenant. En plus, je ne suis pas seul : mon épouse dort encore, mais elle est avec moi. Tu vois, pas de besoins.
— Sinon, il y a les passagères.
— Les passagères ? Comment ça ?
— Les croisières sont propices à pas mal de débordements. Un navire comme celui-ci fonctionne un peu comme vase clos. Beaucoup de femmes profitent de services parfois exceptionnels de la part du personnel de bord.
— Des prostitués hommes ?
— Non, cette fois il s’agit d’hommes qui profitent des femmes des autres de manière plus ou moins discrète. Il ne s’agit que de se faire plaisir, et quand une femme respectable dé****, c’est souvent un très bon coup.
— Mais si le capitaine s’en rend compte, vous risquez vos places, non ?
— Tu rigoles… Le capitaine est le premier à en profiter ! Faut pas s’y fier ; il approche la soixantaine, mais c’est un sacré queutard. Quelquefois, c’est même lui qui nous indique les bons coups !
— J’y crois pas ! Tu te rends compte de ce que tu me dis ? C’est pas possible.
— Bien sûr que si ! Même qu’on tient un tableau des plus actives. Je n’ose pas dire des plus salopes. Tu sais, ce sont juste des femmes qui aiment le sexe et qui s’éclatent discrètement sous couvert de différentes activités.
— Tu me montres ?
— Il est sous tes yeux. Tu vois au mur les diagrammes avec un numéro et des courbes qui se croisent ? Le numéro, c’est celui de la chambre. La courbe monte à chaque fois qu’elle est baisée par quelqu’un, que ce soit le personnel ou des passagers, sauf le mari. Chaque fois que quelqu’un rapporte un témoignage genre « numéro xx a couché avec untel à la sortie de la discothèque », il remonte la courbe de la femme d’un cran. Tu sais, sur un navire, le personnel voit tout, sait tout. Il y a près de quatre mille passagers, et on est plus de mille à leur service : rien ne nous échappe bien longtemps.
— Dis donc, la n°386 a pris pas mal d’avance…
— Oh oui, c’est quelqu’un de spécial. C’est le capitaine qui nous a indiqué le coup ; il a dit que c’est une bombe. Il l’a eue dès le lendemain de départ. Depuis, le masseur se l’est faite, et comme elle sort avec un groupe d’amis qui baisent ensemble quasiment tout le temps, elle a fait des scores impressionnants. En plus, c’est une superbe blonde, absolument magnifique. Peut-être pas assez de nichons pour mon goût, mais au lit, elle est diabolique. Elle est seule dans sa cabine, alors la nuit, ça défile, tu penses. Il n’y a que le capitaine pour qui elle se réserve de cinq heures à sept heures, pendant sa pause. Depuis deux jours.
— Pas assez de nichons ? Tu l’as baisée, toi ?
— Pas plus tard que cette nuit, et pendant mon service encore ! On a pas mal discuté ; je lui ai dit que je savais qu’elle collectionnait les aventures et elle m’a proposé d’en profiter. Enfin, ça a été un peu plus long que ça, mais j’ai pris une pause et on est venus baiser ici, sur cette couchette de repos. Une bombe ! Qu’est-ce qu’elle aime ça !

J’ai pris congé gentiment de Pablo, la tête pleine de doutes. Quand même, c’est pas possible, elle n’aurait pas fait ça ? Quel numéro de cabine elle a, déjà ? En fait, je crois bien qu’elle ne me l’a pas dit. OK, j’essaie encore de l’appeler. En vain. Dans le doute, je décide de trouver la cabine 386.

Elle n’est pas bien loin, cette cabine, sur le pont numéro trois, au coin de deux coursives. Je n’ose pas frapper à la porte. J’ai vraiment l’air con. Qu’est-ce que je fais là ? Il est presque onze heures ; je devrais retourner à ma cabine et l’attendre tranquillement. Au moment où je tourne le dos, la porte s’entrouvre et un grand type brun sort de la cabine. Alors qu’il referme la porte, j’entends une voix souffler « Attends-moi. » Un deuxième homme repousse la porte et passe dans la coursive. C’est là que j’entends distinctement le premier demander au second :

— Sophie dort encore ?
— Non, je l’ai réveillée. Elle me l’avait demandé pour ne pas arriver trop tard chez son mari.
— Pourquoi ? Ils font cabine séparée ? Remarque, pour nous, c’est top.
— Ordre du capitaine. Pour la sauter plus facilement, c’est lui qui fait mettre à disposition la cabine de réserve. Le mari est hors circuit pour cause de mal de mer sévère.

Je suis les deux hommes à distance pour ne rien perdre de la conversation, mais avec mes deux mètres ou presque, je manque de discrétion. L’un des hommes me voit et ils se taisent en pressant le pas.

Voilà, je suis le mari du meilleur coup du paquebot. Tout le monde a sa chance, tout le monde profite. Si elle va à notre cabine dans quelques minutes, il vaudrait mieux que j’y sois. Ou plutôt non, je vais l’attendre devant « chez elle ». Ça simplifiera les explications.

En revenant devant sa cabine, je suis pris d’un vertige et je me laisse glisser le long de la paroi de la coursive jusqu’à me retrouver assis, face à sa porte. Je n’ai plus vraiment de doute, maintenant. Quelle galère ! La croisière de nos rêves, vraiment… Je ferme les yeux, et quelques minutes après j’entends la poignée de la porte tourner et celle-ci s’ouvrir. Je relève la tête.

Sophie ne m’a pas vu tout de suite, mais quand je me relève, elle pousse un cri. Je dois avoir l’air terrifiant. Ses yeux paniquent, elle tremble de haut en bas. Sans un mot, je la prends par la main et je l’emmène vers notre cabine. Elle se laisse entraîner sans rien dire et nous marchons dix bonnes minutes pour arriver chez nous. Chez nous ! Qu’est ce qu’il reste de nous ? Je la tire presque dans la cabine, la jette dans un des fauteuils et enfin je lui dis, plutôt doucement.

— Explique.
— Quoi ?
— Tout : le capitaine, le masseur, tes fameux copains, le barman de cette nuit, les hommes d’équipage. Explique.
— Qu’est-ce que tu racontes ? T’es fou ?

Je m’efforce de rester calme.

— Non, ce matin, j’ai tout appris par hasard, sans savoir qu’il s’agissait de toi. Félicitations : tout le paquebot sait que tu es un « coup d’enfer ». J’étais déjà devant ta porte quand les deux hommes d’équipage sont sortis ce matin. C’était bien, avec eux ?
— Tu sais tout… comment ?
— Je me demande si je sais vraiment tout. Pourquoi ?
— Attends, laisse-moi digérer ça. C’est un moment de folie. Je pensais que tu n’en saurais rien. Je ne voulais pas te faire de mal.
— T’aurais fait comment, une fois que je serais guéri, pour les cinq-à-sept du capitaine ?
— À priori, tu sais tout. Figure-toi que je n’ai réfléchi à rien. Ce n’était pas voulu ou prévu. C’est arrivé, c’est tout. Le médecin m’a dit que t’en avais pour la semaine ; je pensais avoir le temps de préparer une explication, tout dissimuler. Je ne voulais pas te faire de mal.
— C’est raté.
— Comment on va pouvoir sortir de cette histoire ? Il faut exorciser cette folie, il faut que je sache tout.
— Je veux que tu me racontes tout.
— Tu es fou ! Si je te dis tout, cette histoire va tuer notre couple. Il vaut mieux…
— Notre couple ? Quand on s’est mariés, tu m’as dit que tant que je te baiserais comme tu l’aimes, tu ne me tromperais pas. Là, t’as même pas attendu 48 heures ! Quel couple peut survivre à ça ? Raconte-moi tout. Il faut aller au bout des choses pour avoir une chance de revenir.
— Tu es fou. Je ne vois pas ce que ça va t’apporter… Tu veux vraiment… Ça a commencé quand tu m’as vomi dessus la première nuit. Au matin, j’avais une tête affreuse après la fin de nuit dans les fauteuils. Je suis allée petit déjeuner et j’ai été abordée par le capitaine. Il a été adorable, aux petits soins pour moi et il a écouté mon histoire et m’a trouvé une cabine à titre exceptionnel en attendant que tu ailles mieux. J’étais ravie. J’en ai vu, des vertes et des pas mûres dans mon métier, mais je ne voulais plus jamais de douche de vomissures ; je crois que je t’en voulais énormément à ce moment-là. Il m’a emmenée visiter la cabine et, bien sûr, a commencé à se montrer très pressant. Honnêtement, il est plutôt bel homme, et je crois que j’avais envie : 1) de me venger de ce j’avais subi dans la nuit ; 2) de coucher avec lui ; 3) d’être gentille afin de le remercier pour la cabine qu’il mettait à ma disposition en toute discrétion. Il a été convainquant, il a été performant. Je suis désolée, mon chéri, mais j’ai pris beaucoup de plaisir. L’après-midi, je me sentais stressée, mal dans ma peau. Je crois que j’avais honte. J’avais rencontré le groupe d’amis dont je t’ai parlé, mais je ne savais pas encore qu’ils étaient échangistes. Ils avaient réservé au salon de massage et m’ont proposé de venir avec eux. Ils disaient « Quand il y en a pour cinq, il y en a pour six. » J’en ai bien profité. Le masseur m’a subjuguée ; il m’a super bien détendue et a commencé un massage plus intime. J’ai voulu l’arrêter, mais il a réussi à me faire jouir avec ses doigts, et sous sa blouse il était nu. Il m’a prise par derrière, puis par-devant, et m’a encore fait jouir. Quand il s’est arrêté, tous les autres étaient autour de nous et nous regardaient. Dès qu’il s’est retiré, ils ont tous applaudi ! J’étais morte de honte, mais ils ont été gentils ; ils m’ont convaincue que tout ça n’était vraiment pas important. C’était un jeu. Pour eux, le sexe est un jeu. La seule chose qui compte, c’est le plaisir qu’on en retire. Et j’ai eu beaucoup de plaisir. Le soir, je suis passée te voir. Tu n’étais toujours pas bien et j’ai pensé qu’il valait mieux que tu dormes. Moi, j’ai mangé à la table du capitaine et je suis sortie en discothèque avec mes amis. Je me suis bien amusée, tu sais. Ils m’ont tous fait danser, même les deux filles. Je ne t’ai pas dit, mais ils sont deux couples plus un homme seul. Il s’appelle Sylvain. À la sortie de la boîte de nuit, je l’ai ramené avec moi dans ma cabine. En fait, je n’ai jamais dormi seule dans cette cabine.

La confession de Sophie me poigne le cœur, et l’adrénaline qui m’a porté de sa cabine à la nôtre commence à disparaître. Je ressens de nouveau des vertiges et des sueurs froides. Je me demande combien de temps je vais tenir. Et puis brusquement, on frappe à la porte. On entend une voix d’homme qui parle assez fort.

— Sophie, tu es là ?

C’est pas vrai : ils viennent la chercher jusque chez nous, dans notre cabine commune ! Mon sang ne fait qu’un tour, je me précipite à la porte. Sophie me crie :

— Marc, attends, laisse-moi m’en occuper. S’il te plaît.

Je m’arrête. C’est vrai que si c’est moi qui ouvre, ça pourrait mal se passer. Je la laisse passer et je me rassois dans le grand fauteuil. Elle ouvre la porte et s’adresse à voix basse à des personnes que je ne vois pas. Ça me fout en rogne ! Je veux tout savoir ; surtout pas de messe basse ! Au comble de la colère, je me relève brutalement et je perds connaissance.

* * *

Je me réveille dans mon lit. Sophie est étendue près de moi et semble dormir. C’est fou : la savoir là, avec moi, me soulage et me fait du bien. Je la regarde avec attention. Elle est magnifique, elle tient à moi, sinon elle aurait quitté la cabine avec ses amis après m’avoir mis au lit. Un fait me frappe comme une évidence : quoi qu’elle ait fait, je l’aime plus que tout.

Me voilà bien…

Elle ouvre les yeux. C’est fou comme des yeux bleus peuvent paraître innocents. Les siens sont d’un bleu transparent avec une sorte de cerclage plus sombre autour de l’iris. Je touche son visage.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Tu es tombé dans les pommes. Comme tu es grand, tu es tombé de haut, et je crois que tu as heurté la plinthe. Tu t’es ouvert l’arcade sourcilière ; tu saignais comme un bœuf. Heureusement que je n’étais pas seule pour te remettre dans le lit ! On a appelé le médecin de bord qui t’a fait deux points de suture. Il t’a examiné, sans rien trouver d’anormal. Il pense que le manque de nourriture depuis trois jours associé au stress et à la fin de ton amarinage ont suffi pour te faire perdre conscience. Le corps a ses limites, même le tien. Lui et mes amis, qui m’ont aidée à te remettre au lit, ont admiré ta forme physique, au passage.

Avec la tête plongée dans l’oreiller, je n’avais pas remarqué le pansement qui couvre mon arcade droite. Je le touche du bout des doigts ; c’est pas très douloureux. Je replonge dans son regard.

— Tu n’es pas repartie avec tes amis ? C’est pas drôle de rester auprès d’un impotent !
— Non, tu avais raison : je crois qu’il faut que nous allions au bout de notre discussion de tout à l’heure. Ensuite, tu devras prendre une décision. Je m’en remets à toi, je respecterai ton choix.
— Ma décision est prise. Je t’aime comme personne d’autre ne peut t’aimer. Du coup, le reste de tes frasques ne m’intéresse plus. Je sais de toute façon que tu as couché avec plusieurs autres hommes depuis hier, et même deux à la fois cette nuit.
— Oui. Je ne comprends pas ce qui m’a pris.
— Quand on s’est connus, tu avais pas mal d’amants et une grande liberté sexuelle. Je sais que tu as continué à voir certains d’entre eux pendant presque deux mois avant de te décider à ne te consacrer qu’à moi. Est-ce que tu n’as pas eu l’impression de rajeunir d’une quinzaine d’années en te laissant aller comme ça ? Peut-être que c’est dans tes gènes, ce besoin de te partager, et la situation particulière de la croisière, du circuit fermé sur le navire et mon indisponibilité pour la première fois ont pu suffire pour faire remonter tes besoins refoulés.

Elle s’esclaffe :

— À t’écouter, ça paraît presque normal que j’aie couché avec tous les types qui me sont tombés sous la main depuis avant-hier. Ça m’effraie moi-même. J’ai peur que tu sois trop généreux, mon chéri. Mais quand même, avec tout ce qui s’est passé, malgré le mal que je t’ai fait, une chose compte pour moi : je t’aime de tout mon cœur.
— Merci, ma chérie. Je crois qu’une fois rentrés chez nous, on oubliera tout ça rapidement. Mais dis donc, es-tu heureuse dans notre vie de tous les jours ? Je ne pense pas que tu m’aies trompé depuis que nous sommes mariés ; ça ne te manque pas ?
— Mais non, je n’avais plus eu de pulsions de ce genre depuis bien longtemps, et ça ne me manquait pas du tout. Tu me suffis largement, tu sais. Tu es un amant exceptionnel en temps normal ; tu m’as toujours comblée depuis qu’on est ensemble, et quand on s’est connus j’ai arrêté de coucher à droite et à gauche tout de suite, pas deux mois après. Maintenant, peut-être que tu as raison : l’univers en vase clos du paquebot, retiré du monde, cette maladie qui t’a frappé, que je savais bénigne mais qui t’a bien mis sur le carreau, le fait de me retrouver seule, sans toi, pour rencontrer des gens nouveaux et lier des relations, tout ça m’a ramenée quinze bonnes années en arrière. Je me suis sentie plus jeune et extrêmement désirable face à des hommes qui, en ton absence et parce qu’ils ne te connaissaient pas, n’hésitaient pas à me draguer, à me donner envie.
— Je crois que je comprends. Quelle expérience as-tu préférée ? La fin de nuit avec les deux marins en même temps ? Le masseur ? Le coup vite fait avec Pablo ?
— Tu me gênes avec tes questions. Tu ne serais pas en train de remuer le couteau dans la plaie ? Tout ça n’était rien, je t’assure. Qui c’est, ce Pablo ?
— Le barman avec qui tu as couché dans leur salle de repos. Vous aviez discuté dans la discothèque.
— Ah oui, le gentil petit brun. Je ne savais même pas son nom. Tu vois, ça ne compte pas.
— Et donc, le trio, c’est bien ? Deux hommes pour toi ? Je sais que tu voudrais changer de sujet, mais je crois qu’en parler me facilite la vie avec ces idées. Si je ne sais pas tout, ça va tourner dans ma tête jusqu’à ce que j’explose. Je préfère m’habituer à ces images avec toi.
— Tu veux vraiment tout savoir? Non, le trio avec les deux marins, ça a été nul. Ils m’ont baisée tous les deux l’un après l’autre comme des lapins, j’ai presque rien senti. Après, ils se sont endormis comme des masses. En fait, ça m’arrangeait un peu : moi aussi j’étais complètement crevée. Par contre, le trio avec Jean-Pierre et Sylvain, deux des gars du groupe d’amis que je me suis fait, là, c’était du lourd ! Eux m’ont sautée pendant plus d’une heure, toujours à deux. Ils m’ont caressée, pénétrée, fait jouir comme rarement. Celui-là, c’est un bon souvenir.
— Et les cinq-à-sept avec le capitaine ?
— Merde alors, c’est vrai que t’es au courant de tout ! Oui, le capitaine… C’est un expérimenté ; c’est aussi le mâle alpha, le dominant de la communauté. Il a l’aura, la prestance et l’énergie de sa position. C’est un excellent amant. Ce sera un bon souvenir. S’il te plaît, on arrête : je trouve ce déballage vraiment malsain. Oui, certains m’ont donné du plaisir. Et même quelques fois beaucoup de plaisir. Mais tout ça n’a été qu’un jeu ; l’homme que j’aime, c’est toi et personne d’autre. Je t’en prie, pardonne-moi et passons à autre chose. S’il te plaît, mon amour.

Mon cerveau part dans tous les sens. Je suis fou de jalousie pour ce capitaine, pour ses amis aussi qui l’ont si bien aimée. Les autres ne représentent rien, c’est vrai, mais ceux-là, comment vais-je pouvoir les affronter face à face ? Il n’y a qu’en essayant qu’on sait.

— Quelle heure est-il ?
— Il doit être à peu près une heure.
— As-tu faim ?
— Oui, très. Tu veux manger en cabine ?
— Non. Je veux sortir. On va au restaurant, et tantôt je t’accompagne au karaté. On va voir dans quelle forme je suis.
— Bien ! Ça, ça me fait plaisir. À quel resto veux-tu aller ?
— Tu les connais mieux que moi. Je te suis.

Je m’habille et on rejoint le pont supérieur, jusqu’à un restaurant de taille plutôt réduite pour ce navire. L’ambiance est moins bruyante qu’au snack ou j’avais petit déjeuné.

— Dis-moi, la table du capitaine, elle est ici ?
— Ah non. C’est dans le grand salon. Le service est assuré là-bas spécialement pour le capitaine et ses invités. Y être admis est envié par tous les passagers. Ici, je pense qu’on va être tranquilles.

Effectivement, le repas a été très agréable. On a discuté de choses qu’on ne s’était pas dites depuis des années. Je retrouve la femme que j’aime, et ce repas me prouve qu’on va dépasser nos difficultés plus facilement que je ne le craignais. Après manger, nous avons flâné près des boutiques et nous sommes rentrés pour que Sophie se prépare pour son cours de karaté. Je la laisse y aller seule ; je m’inscrirai la semaine prochaine si elle me dit qu’il y a des participants assez pointus. J’ai énormément pratiqué le karaté lorsque j’étais très jeune, jusqu’à la compétition au niveau national. Quand j’ai rencontré Sophie, je lui ai passé le virus et elle a très vite progressé. Nous continuons ensemble en club au moins une fois par semaine. Elle va me dire s’il y a des gens performants dans le groupe.

Je ressors après avoir mis mon maillot pour aller à l’une des piscines. Je me mouille en faisant attention à mon pansement et je me vautre sur un transat.

Vers dix-sept heures, Sophie revient, toute fringante et ravie de son cours de karaté.

— J’ai eu un peu de mal à te trouver ! J’ai fait les deux autres piscines avant de penser à celle-ci ; je m’apprêtais à t’envoyer un SMS pour te localiser. Comment te sens-tu ?
— Beaucoup mieux. Demain, je vais courir. J’ai vu qu’ils organisent des joggings sur le chemin de ronde du bateau. Après, tu décideras.
— C’est que demain, nous sommes en escale. En fait, tu en as déjà ratée une. Le deuxième jour, on était à Barcelone. Je ne suis pas descendue à terre, je connais déjà la ville. Demain, on arrive à Funchal, à Madère. Le lendemain, ce sera Santa Cruz de Ténériffe, aux Canaries, puis Casablanca, et après on retourne en Méditerranée par Tanger, puis Carthagène, et enfin l’Italie avec deux jours à Rome, puis Gènes. Tu ne te souviens plus du programme ? J’aimerais bien aller visiter Funchal, pas toi ?
— Bien sûr, on est là pour ça aussi. Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ?

Nous nous sommes baladés sur le navire ; elle m’a montré les installations sportives, la salle de musculation, le sauna et le hammam. Je lui ai dit qu’elle pouvait retourner se faire masser : je savais qu’elle ne laisserait plus la situation dé****r, maintenant. Elle a rougi et m’a regardé dans les yeux.

— Je ne te décevrai pas. D’ailleurs, toi aussi tu pourrais profiter des massages ; tu sais, c’est vraiment relaxant, et une mise au point dès le départ suffira à éviter tout dérapage. Je suis très heureuse de ta confiance.
— J’ai la même confiance absolue en toi qu’avant qu’on embarque sur ce navire. Ce qui s’est passé n’est que le fruit d’un ensemble d’évènements improbables qui n’ont pratiquement aucune chance de se répéter.

Un sourire resplendissant illumine le visage de Sophie.

— Et ton cours de karaté ?
— Bien, bien. Beaucoup mieux que je ne le craignais. Le prof est de très bon niveau, plutôt spécialiste d’aïk**o, mais très au point en karaté aussi. On est dix-sept : il n’a jamais eu autant de monde sur une croisière. Et surtout, il y a deux ceintures noires et une bleue. Et la bleue est une femme. Ça a été super. Tu peux venir l’esprit tranquille, je ne pense pas que tu vas t’embêter. Le prochain cours est après-demain.

Sophie me regarde, l’air un peu gêné.

— Dis-moi, je ne sais pas comment te dire ça, mais j’ai croisé deux amis du groupe dont je t’ai parlé ; ils étaient inquiets de ne plus me voir. Ils ont voulu savoir comment ça se passait entre nous. Je les ai rassurés et j’ai essayé de leur expliquer qu’on voulait prendre une sorte de nouveau départ pour notre vie commune. Ils sont heureux pour moi. Je crois que tu leur as fait peur : quand tu t’es dressé lors de leur visite à notre cabine pour prendre de mes nouvelles, tu étais effrayant ! Grimaçant, même. Avec ton gabarit, c’est impressionnant… Et puis tu t’es effondré d’un coup. On en a bavé pour te traîner jusqu’au lit. Aujourd’hui, ils voudraient nous inviter pour se faire pardonner et te convaincre qu’ils peuvent être de bons amis sans aller plus loin que ça. Si tu veux bien, ça me ferait plaisir, mais si tu estimes que leur présence t’indispose, je comprendrai.
— Je t’ai dit que j’avais totalement confiance en toi ; ce n’est pas une blague. On va manger avec eux, mais d’ici-là je vais piquer le cinq-à-sept du capitaine. Au fait, j’espère qu’il ne t’attend pas dans ta cabine ?
— Non. Avant le karaté, je suis allée le voir pour lui rendre la carte de la fameuse cabine. J’ai mis les choses au clair. Pour lui, il n’y a aucun problème. Je dirais que c’est un homme bien élevé…

Elle n’a pas vraiment eu le temps de finir ; je me suis jeté sur elle et ma bouche a écrasé la sienne ; j’avais tellement envie d’elle… On a fait l’amour comme des amants frustrés et pressés.

Le repas du soir a été un soulagement. Je n’ai pas fait de fixation sur le fait que les gens présents avaient presque tous couché avec mon épouse ; au contraire, j’ai essayé de les connaître, de discuter avec eux, de blaguer. J’ai fait du charme aux deux femmes – très jolies d’ailleurs – et j’ai trouvé plein de centres d’intérêt communs avec les hommes. On a rigolé comme des fous jusqu’à minuit passé. On a sérieusement picolé aussi. J’ai commencé à sentir la fatigue à ce moment-là ; j’ai décidé de renter me coucher. Les autres allaient à la discothèque. Ils ont proposé à Sophie de venir avec eux, en tout bien tout honneur, comme on dit. Elle hésitait.

— C’est qu’on va se lever assez tôt demain pour la visite à Madère ; je ne voudrais pas être trop décalquée. Et puis je suis un peu embêtée d’abandonner mon chéri si vite.
— Ne t’inquiète pas, ma puce : je suis lessivé, je vais dormir. Amuse-toi un peu, ne rentre pas trop tard.

Puis plus doucement, à l’oreille :

— J’ai confiance, ne crains rien.

J’ai repris, plus fort, et m’adressant aux autres :

— Par contre, elle a bu beaucoup plus que d’habitude. Vous la ramènerez à la cabine ?

Ils ont bruyamment confirmé et je suis parti me coucher.

* * *

J’ai l’impression d’avoir eu à peine le temps de m’endormir que des appels dans la coursive et des coups violents contre ma porte retentissent. J’ouvre la porte comme je suis, nu comme un ver. C’est Lucia, l’une des filles du groupe ; elle est paniquée et tout échevelée.

— Marc, il faut que tu viennes vite : c’est Sophie, elle a pété les plombs. Je crois qu’elle a trop bu. Elle a été importunée par un mec sur la piste et ils se sont battus. Maintenant, elle n’écoute plus rien et elle frappe tous les gens qui s’approchent ! Viens la raisonner ; toi, elle t’écoutera. Vite !

J’enfile un polo et un froc et on court jusqu’à la discothèque. Quand j’entre, Sophie est seule au milieu de la piste, en position de défense et elle tourne lentement sur elle-même pour surveiller les gens qui l’entourent. Tout le monde crie et deux ou trois personnes sont allongées, sans que je ne puisse voir ce qu’ils ont. Je fonce vers Sophie en hurlant à tout le monde de se taire. On dirait un rugissement. Le silence se fait. Sophie se raidit en me voyant arriver, puis se jette dans mes bras. Je la serre contre moi et je la ramène vers notre cabine sans attendre. Sophie pleure et hoquette contre moi. Quand on arrive à la cabine, je la déshabille et la mets au lit. J’appelle la permanence médicale. Ils ne peuvent pas venir tout de suite ; ils m’informent qu’une bagarre a éclaté à la discothèque et qu’il pourrait y avoir plusieurs blessés. Dans le même temps, Sophie semble se calmer. Je pense que l’alcool va l’assommer, maintenant. Je leur dis que je vais me débrouiller et qu’il va être inutile qu’ils se déplacent.

Je m’assois près d’elle et lui prends la main. Elle se laisse enfin aller, et rapidement elle plonge dans le sommeil. Je reste une dizaine de minutes près d’elle ; je n’ai plus envie de dormir. Je vais aller voir si tout est réglé à la discothèque.

Trois minutes après, je suis sur place. La musique a repris et des gens dansent comme si de rien n’était. Je ne vois rien de spécial. Je repère Pablo au bar et je m’approche.

— Salut Pablo, ça va ?
— Salut Marc. Oui, ça va, mais tu t’es bien moqué de moi quand on a discuté hier matin. Tu m’as tiré les vers du nez. Je t’ai vu arriver tout à l’heure pour calmer Sophie. C’est ta femme, c’est ça ?
— Oui, c’est vrai. Mais quand tu m’as parlé, j’ignorais qu’il s’agissait d’elle. J’ai été dans le cirage total pendant deux jours et je n’étais au courant de rien. J’ai même été surveillé la cabine 386 pour être sûr que ce n’était pas elle. Quand elle est sortie, on a eu une grosse discussion, mais je pense qu’on va s’en sortir. Tu peux me dire ce qui s’est passé ce soir ?
— Je n’ai pas vu le début. On m’a rapporté qu’un gars de l’équipage l’avait approchée, sûrement dans l’idée de se la faire rapidement, mais elle l’a repoussé. L’autre a été insistant, et quand il a fini par comprendre qu’elle ne voulait pas de lui, il s’est mis à l’insulter. Elle l’a repoussé et lui a crié de lui foutre la paix. C’est ce cri qui a attiré mon attention ; j’ai assisté à la suite. L’homme n’a pas accepté d’être traité comme ça et il lui a collé une beigne. Enfin, il a essayé. Elle a fait un mouvement incroyable, comme si elle glissait sous son bras et j’ai vu le gars encaisser plusieurs coups, trois ou quatre. Il s’est effondré. La piste s’est vidée d’un coup et Sophie est restée seule au milieu. Elle titubait légèrement, mais quand un de ses copains s’est approché pour la calmer, il a aussi encaissé un coup de pied direct au torse et s’est écroulé aussi. Deux hommes ont essayé de la bloquer par derrière, mais elle les a séchés comme si c’était un jeu. La musique s’est arrêtée, tout le monde s’est mis à crier, et deux minutes après tu es arrivé comme une fusée. Tu as hurlé que tout le monde se taise et elle est tombée dans tes bras. La suite, tu la connais. Elle est calmée ?
— Oui. Ah, quand même, j’aurais dû être avec elle ; je savais qu’elle avait trop bu. Où sont les hommes qu’elle a frappés ?
— Le marin est à l’infirmerie. Il aurait peut-être des côtes cassées. Le type qui fait partie de son groupe d’amis est dans sa cabine avec sa femme. Je crois qu’il n’aura que des bleus. Les deux autres se sont relevés tout seuls et sont peut-être encore là, je ne sais pas. Faudra demander au médecin de bord pour des précisions. Le capitaine va sûrement venir vous poser quelques questions.
— OK, merci pour les infos. Je vais retourner près d’elle. Bonne nuit, Pablo.
— Bonne nuit, Marc. Au fait, désolé pour ce que je t’ai dit avec Sophie : je ne savais pas que c’était ta femme.
— Et pour cause, on ne se connaissait pas ! Je te rassure : tu n’es pas son plus mauvais souvenir, elle t’avait baptisé « le gentil ». Bonne nuit.

Je suis retourné à la cabine, Sophie dormait toujours. Dix minutes après on a frappé à la porte. Je suis allé ouvrir : c’était le capitaine.

— Bonsoir Monsieur Leray. Est-ce que je peux vous parler quelques minutes ?
— Il est très tard, mais oui, entrez. Sophie s’est endormie.

Je l’ai invité à s’asseoir dans l’un des fauteuils du salon et j’ai pris l’autre. Il semblait avoir du mal à parler.

— Comment va votre épouse ? Je viens d’apprendre qu’elle a été importunée ce soir et que ça a mal tourné. Pouvez-vous me dire ce que vous en savez ?
— J’étais couché. Mon épouse était restée danser avec ses amis quand l’une des amies en question est venue me chercher en catastrophe en criant qu’il y avait un problème avec Sophie. J’ai couru à la discothèque et j’ai vu ma femme seule au milieu de la piste de danse, avec tous les autres en cercle autour d’elle en train de crier. J’ai hurlé pour faire silence et ça a plutôt bien marché. Sophie m’a vu et s’est jetée dans mes bras en pleurant. Je l’ai ramenée, couchée, et je suis resté auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle dorme : ça a été assez rapide, elle avait énormément bu ; l’alcool l’a assommée. Je suis retourné au dancing où j’ai pu parler avec Pablo, le barman. Il m’a expliqué l’essentiel de ce qui s’était passé jusqu’à mon arrivée. Sophie a subi une agression. C’est une karatéka de haut niveau : elle est ceinture noire premier dan. Elle s’est défendue et s’est affolée, d’où les coups aux personnes qui voulaient l’aider, mais qu’elle voyait certainement comme des amis de son premier adversaire. Elle va être morte de honte en se réveillant demain, sauf si elle ne s’en souvient pas. Je ne l’avais jamais vue dans cet état. Des gens ont été blessés ?
— Le marin a probablement deux côtes cassées et une commotion à la tête. Les autres n’ont heureusement que des contusions. Personne ne semble vouloir déposer plainte. Cela étant, si quelqu’un le faisait, je serais de fait l’officier chargé de l’enquête, et les premiers témoignages recueillis accusent tous le marin de l’avoir secouée et d’avoir essayé de la frapper. Je vais vous laisser dormir, vous devez être fatigué. Je vous demande juste de passer demain matin à la passerelle de commandement avec Sophie pour que je recueille son témoignage. Permettez-moi d’admirer la vitesse à laquelle vous récupérez de votre malaise. J’ai vu un grand nombre de gens frappés par le mal de mer. Le médecin m’avait dit que vous en aviez pour une semaine tellement les symptômes étaient violents. Vous avez une constitution physique exceptionnelle.
— C’est la première fois que je suis malade depuis je ne sais plus combien de temps. Je ne me rendais pas compte de la manière dont on est atteint par le mal de mer. Sophie est une femme exceptionnelle ; vous avez pu vous en rendre compte. Sachez que malgré le geste peu glorieux de draguer une femme pendant l’indisposition de son mari, je ne vous en veux pas. Il est difficile de lui résister, et pendant quelques heures elle a retrouvé la liberté de sa jeunesse. J’espère que les passagers qu’elle a frappés ne lui en voudront pas.
— C’est vrai, elle est exceptionnelle ; j’ai été subjugué. Je vous présente mes excuses. Vous aurez mon soutien, pas seulement à cause de ce que s’est passé entre elle et moi, mais parce que je pense que vous êtes des gens bien et que je ne suis pas très fier de moi. Bonne nuit, Monsieur Leray, à demain.
— Bonne nuit, Capitaine.

C’est un sacré bonhomme, celui-là ! Sophie a raison : il est classe. Je me sers un petit alcool, et dix minutes après je suis dans mon lit et je dors. Le lendemain, le débarquement est prévu à partir de huit heures.

* * *

Nous émergeons vers dix heures, et après douche et petit déjeuner nous nous rendons auprès du capitaine. La discussion ne dure pas très longtemps. Sophie se souvient que l’homme lui a proposé de coucher avec lui comme elle l’a fait avec les autres. Elle a essayé de lui expliquer qu’elle ne voulait plus, que c’était une folie qui était terminée. Il l’a pris pour lui personnellement ; il l’a insultée, l’a accusée de ne pas vouloir de lui mais de baiser avec tous les autres, lui a pris le bras pour l’entraîner de force hors du dancing. Elle l’a repoussé et lui a crié de lui foutre la paix, en ajoutant quelques noms d’oiseaux bien sentis. Il a essayé de la frapper et elle a dû se défendre. Ensuite, tout est un peu flou. Elle se rappelle avoir été isolée au milieu du cercle des amis du marin qui lui criaient dessus. Elle a dû écarter plusieurs d’entre eux qui essayaient de se saisir d’elle, et puis je suis arrivé. En entendant ma voix, toute la pression est retombée et elle s’est jetée dans mes bras. Le reste est trop vague ; elle sait qu’elle a trop bu tout au long de la soirée et elle en a honte.

Nous sortons quand même visiter Funchal. C’est aussi bien de ne pas être avec le groupe des autres visiteurs : on va où l’on veut, et à notre rythme. On se retrouve aussi. Je suis aux petits soins avec Sophie et je crois que j’arrive à lui faire oublier un peu les déconvenues de cette nuit.

De retour au navire, nous allons prendre des nouvelles de Sylvain. C’est lui, en fait, qui a écopé du coup de pied direct au ventre. Il nous le montre en rigolant : une grosse trace bleuâtre zèbre son estomac ! Il est obligé de garder un tee-shirt pour ne pas faire peur aux gens. Mais ça va, il sait bien que Sophie ne l’a pas reconnu dans sa panique et il ne lui en veut pas. Il nous confie qu’il a été assez content que Lucia passe la nuit dans son lit pour s’occuper de lui au cas où il aurait une blessure interne. Il semble dire qu’elle a fait des tas de tests sur son bas-ventre pour être sûre que tout allait bien…

Nous allons ensuite dîner avec tout le groupe. Je l’ai dit, Sylvain est venu seul. Lucia et son mari, Jean-Pierre, sont en couple, ainsi que Claire et Yann. Tous ont réservé ensemble, mais sont répartis dans trois cabines. Simplement les occupants des cabines changent assez souvent, c’est tout. C’est tout, comme dit Sophie. C’est spécial, quand même… Je me demande comment ils vivent dans leur vie de tous les jours.

Nous passons une très bonne soirée, et cette fois Sophie et moi rentrons ensemble nous coucher. Une petite douche, et j’offre le grand jeu à ma chérie en détaillant son corps de haut en bas, de bas en haut, sans oublier les coins cachés. Même les très bien cachés. Je suis en forme, on prend notre temps, Sophie est aux anges. Je ne sais pas combien de fois elle prend son pied ; moi, je jouis trois fois. En deux bonnes heures, c’est un bel hommage !

On s’endort collés nus l’un contre l’autre.

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