L’histoire que je vais vous raconter remonte à une dizaine d’années.
A cette époque j’habitais en province, dans une petite ville (chef-lieu de canton, comme on disait autrefois.)
Dans cette ville de 7000 habitants il n’y avait pas d’hypermarchés comme dans les grandes agglomérations, mais des supermarchés de taille raisonnable, où l’on finit par connaître la tête de tous employés, des caissières.
J’avais pris mes habitudes, et faisais mes courses dans un supermarché de l’enseigne A., qui avait l’avantage d’être à 5 min à pied de chez moi.
On était à l’approche de Noël, et outre les décorations lumineuses, les hauts parleurs faisaient retentir, entre autres, dans les rues du centre-ville les traditionnelles chansons de Noël.
Les vitrines étaient en fête et les supermarchés pas en reste. On aime ou on n’aime pas, mais les jours où l’on est de bonne humeur, on se laisse gagner par la gaieté ambiante, même si elle est un peu rituelle et artificielle parfois.
Ayant quelques courses à faire, je me rendis en flânant dans mon supermarché A. habituel. Je fus accueilli par la musique, les guirlandes, tout le toutim de circonstance.
M’apprêtant à entrer dans le magasin proprement dit, et devant passer juste à côté de la caisse centrale, j’y vis l’une des caissières que je reconnus, derrière le comptoir – une femme d’une quarantaine d’années, assez forte ; on l’avait affublée d’une veste de père Noël et de l’éternel bonnet rouge doublé de l’inévitable bordure de fourrure blanche, et elle souriait comme s’il s’agissait d’une bonne blague.
Elle me sourit, et du coup, je ne pus m’empêcher d’aller vers elle et lui déclarer sur le ton de la plaisanterie :
« – Oh, le joli père Noël !
– Merci » dit-elle, les joues rouges, avec une rougeur que n’expliquait pas seulement la chaleur de l’endroit…
– J’ai été très sage, mère Noël, cette année ! » dis-je en minaudant
« – C’est vrai ? » dit-elle en riant. « Alors vous allez êtes récompensé. Le père Noël ne vous oubliera pas.
– Oui, mère Noël. Mais ce que je voudrais c’est que ce soit vous qui m’apportiez mon cadeau, le 25. Je suis seul cette année à Noël, vous comprenez ? Je suis divorcé et n’aurai pas mes enfants. »
Elle rit :
« – Mais moi j’ai mes enfants. Le 25 je serai en famille…
– Oh allez… » insistai-je, toujours en prenant une petite voix débile, « vous trouverez bien un moment dans la journée, même l’après-midi, c’est pas grave, je serai patient… »
Elle me souriait toujours, montrant un trouble que mon insistance commençait à faire naître chez elle, au fur et à mesure qu’elle comprenait que ma demande n’était pas une plaisanterie.
« – Vous êtes la mère Noël, vous ne pouvez pas laisser tout seul un pauvre garçon un jour pareil…
– Je ne sais même pas où vous habitez…
– La mère Noël connaît l’adresse de tout le monde… mais puisque vous avez des petits problèmes de mémoire – on vous le pardonne, vous avez tant de choses à retenir – je vous la donne. »
Là-dessus je sortis mon agenda de ma poche, en déchirai une page où j’écrivis mon nom et mon adresse et lui tendis :
« – Voilà. C’est au 2ème. Il n’y a que deux locataires de toutes façons. Et au 1er c’est une vieille dame sourde, alors vous ne pouvez pas vous tromper. »
Elle prit mon papier et rit de ma blague qui n’en n’était pas une (ma voisine du dessous était effectivement une vieille dame, très vieille et très sourde.)
« – Il y a un interphone en bas et mon nom est écrit là. »
Elle riait, hésitant entre la blague lourdingue et la drague étonnante. Elle me connaissait bien de vue, et voyait bien que je n’étais ni un marginal ni un cas psychiatrique. Je portais bien ma quarantaine et je faisais toujours mes courses en sortant du boulot, vêtu de mon costard de la journée.
Elle devait rire finalement tant du caractère incongru de la drague, que de mon audace.
Je ne revenais pas moi-même de mon hardiesse, que je mettais sur le compte de l’ambiance de Noël, de ma bonne humeur et du cœur léger que je trimbalais ce jour-là.
Elle finit par rire bêtement, le bout de papier dans sa main :
« – D’accord, d’accord… » bredouilla-t-elle, sans conviction.
« – Je compte sur vous. Et bien entendu dans cette tenue » dis-je en la pointant du doigt… C’est mon cadeau.
Elle rougit très fort, l’air visiblement gêné, en proie à une confusion grandissante.
« – Je compte sur vous », dis-je en rentrant dans le magasin, en la regardant, puis m’éloignais en m’enfonçant dans les rayons.
J’étais content de moi, de mon aplomb, ainsi que du trouble que je semblais avoir semé dans la tête de cette pauvre femme.
D’autant qu’elle n’avait pas un physique de sex symbol, mais ayant toujours eu une préférence certaine pour les femmes de forte corpulence, je trouvais celle-ci particulièrement attirante (et je pense qu’avec ma pseudo-blague elle s’en était bien rendu compte) : elle était brune, cheveux assez courts, assez large de partout, en bref, une femme au physique massif comme je les aime.
Bien que la pensée de la voir répondre à cette invitation assez incongrue m’émoustillât fortement, je ne me faisais aucune illusion : j’imaginais assez peu cette mère de famille déserter son domicile le jour de Noël en tenue de père Noël et me rendre visite, à moi, un quasi inconnu.
Durant les deux semaines qui passèrent je ne pus m’empêcher de fantasmer sur ma mère Noël, dodue et sexy.
Je passai le réveillon de Noël seul, avec une bonne bouteille de champagne, l’imaginant de temps en temps dans sa tenue de mère Noël, ces images croustillantes égayant ma soirée.
La matinée du lendemain passa tranquillement. Je n’avais nourri aucun espoir, mais gardais, tout au fond de moi, le rêve secret de la voir arriver.
Je m’occupai l’esprit, attendant que la journée se passe.
Passé 16H je n’espérais plus du tout – elle avait oublié ce dragueur fou, me dis-je, d’autant qu’elle n’avait aucunement besoin de moi.
Puis la sonnette retentit. Une violente émotion m’assaillit. Je bondis jusqu’à l’interphone. « Ça ne peut pas être elle » me dis-je, essayant de me résonner, avec le cœur qui battait la chamade.
(à suivre…)
Ajouter un commentaire