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Reconversion

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Je préconise de joindre l’utile à l’agréable. Je sais en devoir choquer
certains. Aimer le sexe ne doit pas légitimer l’amour vénal et pour tout
dire la prostitution. Je concède un peu ma mauvaise foi. Aujourd’hui
encore je suis taraudée par une sorte de remord. La gêne, la pauvreté
n’excusent pas tout. A l’époque je dus être prise de vertige. Je devais
être une autre. Je suis incapable d’expliquer mon comportement d’alors.
Peut-être ai-je été sous influence. Je suis tombée sous le coup d’un
mauvais diable. Celui-ci m’a comme drogué et ensorcelé. Je me rassure en
disant que cela n’est que Passé. Ce dernier ne méritant que l’oubli et
le secret.

Époque d’effondrement économique pour moi. Rien que de banal. J’avais
peu obtenu d’un divorce. Mon ex était au chômage. Du moins avait-il
allégué cela. Je lui savais pas mal de trafics et de rentrées d’argent.
Plus d’une fois j’avais voulu le dénoncer au fisc ou à la police.
Quoiqu’il en soit il ne voulu jamais verser un sou pour son enfant et
moi. Il n’avait jamais supporté mon titre de petit fonctionnaire.
Cependant pouvais-je nourrir deux bouches avec cela ? L’aide de mes
parents n’y suffisait pas. Un jour je vins à craquer chez M Lomme, mon
chef de service. Il savait mon divorce et d’une façon s’en réjouissait.
Il me faisait une cour assidue depuis longtemps.

Entre autre inconvénient de divorcer, il y a celui de devenir une proie
pour les hommes. Du jour au lendemain vous advenez sur un marché. Les
autres femmes vous décrètent comme menace et s’enquièrent de vous
écarter de leur conjoint. Les règles sont ainsi bouleversées. On se vit
dedans comme un paria. Lomme n’était pas le seul à m’adresser des
sourires entendus. Je recevais de curieuses propositions du genre : « Si
t’as un souci de plomberie ou autre n’hésite à me demander. » La frêle
femme méritait toutes leurs attentions. Il est vrai qu’à quarante ans
nantie d’un joli minois et de bas coutures j’inspirais encore de la
convoitise.

Ce jour-là je venais de craquer dans le bureau de Lomme. Je lui avouais
tout de go mon découvert et une lettre incendiaire de ma banque. Il me
fallait de toute urgence combler le trou. J’avais déjà obtenu un acompte
sur salaire le mois dernier. Je n ‘avais plus ce recours. J’hésitais
cependant à m’en ouvrir aux services sociaux. J’avais surtout honte
qu’on sache autour ma gêne. Lomme sut percevoir tous mes scrupules.
Effondrée et toute vulnérable il crut pouvoir porter une estocade. Plus
lucide j’eus mieux perçus la qualité de son regard libidineux. Il me dit
dans un souffle : »Je vais vous aider. Vous allez voir. Tout va
s’arranger . »

Huit cent euros pouvaient me dépanner. Il m’assura qu’il me les
fournirait demain en espèces. Je ne voulais pas qu’il y eût de chèque
afin qu’aucune trace ne trahit notre arrangement. Au fond de mon
désespoir je ne vis qu’un libérateur et bon samaritain dans cet homme.
J’oubliais un instant sa face rubiconde et sa réputation notoire de
vicieux. Ce ne fut qu’au lendemain après que j’eus enfoui convulsivement
les billets dans ma poche que je le regardais et lui demandais naïve :
« Comment vous remercier ? Il me faudra un an pour vous rendre cela. » Il
répondit grand seigneur : « Rien ne presse. Tout au plus accordez moi de
vous inviter ce soir à dîner. » Je sursautais. Je n’avais pas envisagé ce
banal expédient.

Pouvais-je lui refuser ? Le plus troublant est que l’idée cheminait en
ma tête qu’il voulait me sauter à l’instar des autres. Depuis un an je
n’avais pas eu de rapports sexuels. Me caresser était un pis aller.
Surtout la vieillesse et la décadence me taraudaient. J’envisageais de
plus en plus qu’aucun homme ne voulut de moi. Je savais mon ex-mari
était parti avec une jeune et jolie femme. J’éprouvais cela comme une
trahison, un démenti de tous mes principes. Abandonnée de mes illusions,
j’étais enclin à plus de cynisme et surtout je n’avais plus peur de la
réalité du sexe. Bref je considérais ce jour-là que Lomme valait bien
les autres porcs. D’autant qu’il n’avait pas hésité une seconde à venir
me secourir. J’avais envie de folies pour oublier.

Vacances scolaires oblige j’avais envoyé mon fils chez une de mes sœurs
afin qu’il put se défouler avec ses cousins. L’argent de M Lomme m’avait
libéré. J’avais éprouvé un immense soulagement d’avoir un temps desserré
l’étau de mes créanciers. Comme Balzac, un me mes auteurs préférés je
pouvais vérifier la tyrannie du dieu moderne qu’est l’argent. Il pouvait
selon nous jeter en Paradis ou en Enfer. J’avais toujours dénié sa
puissance. Demeurée trop dans le ciel des idées j’avais depuis été jetée
dans la fange du réel. Lhomme m’y avait ramassé tel Fantine. A part que
M Lomme n’était pas Jean Valjean. Je ne m’en maquillais pas moins pour
lui complaire ce soir-là.

Je renouais avec les arts de la coquette. Je voulais subjuguer cet homme
et qu’il fut à mes pieds. J’en voulais remonter à toutes les jeunes et
jolies femmes de la Terre. Non je n’étais pas finie et vouée à la casse.
Je m’affublais dessous un long manteau de ma jupe courte en cuir, de bas
noirs et de talons hauts. Me contemplant un instant dans le miroir,
j’eus peur de ma tête de Gorgone où le fard et le rouge avaient été
exagérés. Cependant animée d’un esprit de revanche voire de vengeance
j’affichais d’un coup un air de défi et m’écriais : « Le sort en est
jeté. » Je ne décevrais pas ce cochon en lui délivrant une image de
catin. Je chancelais ainsi sur mes talons.

Il n’avait pas mégoté sur la table. J’avais rêvé un jour d’y dîner avec
mon mari lorsque nous étions amoureux. Ce ne fut qu’un rêve. Nous fûmes
vites ramenés aux plaisir s modestes. Je trouvais une singulière ironie
à ce que le divorce m’offrit cette opportunité. La déférence du serveur
et le chic des clients me transportait dans un autre monde. J’avais des
rougeurs de Cendrillon. Je concevais cependant que mon Lomme n’eût rien
des traits du prince charmant. Cependant sa drague fut des plus
délicates. Il n’en remplissait pas moins mon verre. Je n’étais dupe
qu’il voulut me rendre ivre. J’abondais en son sens. Le soldat fait
autant pour se donner du cœur à l’ouvrage.

Appuyée contre son épaule, je le laissais m’enlacer puis avec son autre
main pétrir peu à peu mes fesses. Il me susurrait à présent des
insanités à l’oreille. Le porc à certaines heures se lâche. Je fus à
peine étonnée que nos bouches et langues se mêlèrent. Au contraire d’en
éprouver répugnance je fus sur le coup envahie d’un irrépressible désir
d’être baisée. Devais-je cela à l’alcool qui libérait ainsi le fond
secret et inavouable de ma lubricité ? J’avais les derniers temps eu
soupçon de la progression d’un vice. Je me détournais lorsque je voyais
des couples s’embrasser ou devinais en une voiture quelque coït. J’en
étais plus fascinée que révulsée. Cette fois je pouvais être l’objet
d’une sauterie.

Ployant ma nuque je compris que monsieur requérait une pipe dans la
voiture. Je m’exécutais. J’avais toujours était malhabile dans
l’exercice. Ce soir-là je ne fus pas peu surpris de mon goût à cela et
de ma dextérité. Où avais-je appris et mûri pour un si patent résultat ?
Je savourais de longues minutes cette queue dont je découvrais le
charme. En fait j’avais eu un rapport contraint, puritain avec la chose.
J’avais perdu ma vie. Je compris l’urgence de ratt****r ce temps perdu.
Lhomme triomphait. Je l’entends encore s’exclamer : « O Dieu, ma salope
tu cachais bien ton jeu avec tes airs de pas y toucher ». Il est vrai que
j’avais toujours affecté auprès des hommes un air de froid et de dédain.
Je fis reluire son gland sous ma langue.

Je ne vis pas d’inconvénient à ce qu’il vint chez moi. Je lui expliquais
que le fils était chez ma sœur et que mon lit nous recueillerait tous
les deux. Ce fut l’orgie. Le type était brutal. Il m’avoua par la suite
sa familiarité avec les prostituées et qu’il aimait que ce fut hard et
cochon. Vu les prémices il se crut autorisé à faire de même. Moi qui
renâclait à la sodomie je dus subir ce joug. Peu préparée à ce genre
d’affront j’eus mal durant deux jours. Cependant peu après que son sexe
se fut frayé un chemin dans l’orifice, j’atteins à une jouissance
inconnue et formidable. Je découvris le sens profond du terme insane :
enculer. Nous baisâmes tard dans la nuit.

Homme marié, sa femme fermait les yeux sur ses plaisirs du soir. Au
cours de cette semaine et en l’absence du fils il vint trois fois en mon
lit. Le midi il me prenait sur son bureau. J’étais devenue folle de sa
queue. Le godemiché m’était devenu odieux et insipide. Rien ne vaut le
vrai, le naturel. Au retour de mon fils je découvris le studio. La
garçonnière en fait de monsieur. Il y consommait ses conquêtes ou autres
prostituées. Au bout d’un mois j’eus raison de lui. Il se lassa. Sachant
mes soucis de fric, il insistait pour que j’acceptas quelques billets.
Un jour offusquée qu’il procéda ainsi après une séance, je jetais : « En
fait tu me rémunères comme une pute ! »

Au début interloqué, il éclata de rire. Il convint que son geste
machinal trahissait peut-être de cela. Je le pris mal. Ce fut notre
première dispute. J’étais jalouse des autres aussi qu’ils baisaient. Je
ne concevais pas qu’il ne se contenta de moi. Je faisais à cet égard
tous les efforts. Je voulais l’attacher par les sens. J’omettais chez
les hommes le désir de la nouveauté et de la pluralité. J’avais passé
mon tour. Il aspirait à d’autres filles. Cependant il marquait scrupule
à me planter. Aussi en vint-il un soir à son étrange proposition. Il me
parla de maints amis qui avaient goût pour les chaudes. Il me proposait
un trio avec un pote. J’acceptais croyant pouvoir racheter son intérêt
pour moi.

L’expérience me plut à mon étonnement. Je descendais de jour en jour
dans la débauche. Il insista peu après pour que je couchas avec un
copain. Je compris que je ne devais refuser. De même je sus savourer
avec plaisir cette autre queue. Le scandale fut à son comble quand il
m’avoua qu’il avait exigé du copain que celui-ci paya contre ma
prestation. En d’autres termes l’argent que je touchais venait en sorte
d’un client : je me prostituais. Seconde dispute. Ce jour-là je crus à
notre rupture. En effet nous cessâmes durant une semaine toute relation.
Je vis le moment où il allait me quitter. Je perdais à la fois le sexe
et l’argent. J’en vins à de plus sages dispositions.

Ses conditions furent terribles. Il me confirma qu’il se lassait de moi.
Tout au plus me baiserait-il que quelquefois. En échange il voulait que
j’usas du studio pour divertir certaines de ses relations. Je serais
rétribuée pour cela. Tant le sexe que l’argent ne me manqueraient pas.
Il n’y eût pas de moment plus humiliant dans ma vie. J’avais les larmes
aux yeux. Détail important de notre relation, le masochisme m’attachait
tant à cet homme qu’aux autres. Je n’eus pas la force de lui refuser un
tel et insolite arrangement. C’était le seul moyen de le conserver. Je
compris que son sadisme savourait qu’il put devenir entremetteur. Je sus
qu’il m’abandonnait tout le gain financier. Cette sorte de prostitution
dura trois ans avant que je ne croisas un jour mon actuel compagnon.

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