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Récit érotique de jumeaux

Récit érotique de jumeaux



Antoine et Antoinette naquirent un certain jour de 1980 par une forte chaleur. La sage-femme prétendit après l’accouchement que « ces jumeaux auraient le sang chaud », se référant à une vague théorie des climats. Elle ne croyait pas si bien dire.

Les jumeaux, c’est un sacré boulot pour les parents. Blonds et toniques, ils bougeaient sans arrêt, multipliant les bêtises. La mère passait son temps à faire de la discipline, et leur scolarité se révéla mouvementée. Le père leur avait offert un chien et un chat, et les jumeaux devinrent de vrais amoureux des animaux. Si bien qu’à la fin de leurs études, qu’ils avaient suivies dans la même classe de bout en bout, ils se présentèrent au concours de vétérinaire. Mais la barre se révéla un peu haute car ils aimaient davantage les plaisirs de la vie que les études. Finalement, ils décidèrent de se réorienter vers la pharmacie, plus accessible. Elle leur permettait à la fois de rester ensemble car ils étaient inséparables malgré leur sexe différent, et de satisfaire leur goût pour la condition a****le. Ils poussèrent la gémellité jusqu’à redoubler la même année. Mais à 26 ans, ils étaient pharmaciens.

Ils avaient alors atteint leur maturité physique. Tous deux blonds aux yeux bleus, ils se différenciaient par la taille, le garçon atteignant les 180 cm et la fille dix centimètres de moins. Antoinette était remarquable par son visage de Madone encadré de cheveux mi-longs qui lui donnaient l’air angélique. Antoine n’était pas très athlétique mais élancé et sans un pouce de graisse, avec des mains fines qui séduisaient les femmes.

Du côté de leur sexualité, sujet qui nous intéresse ici en priorité, Antoine et Antoinette s’étaient également suivis de près. Ils avaient été dépucelés à vingt ans, à un mois d’intervalle. Le garçon le premier par une amie de leur mère, une horticultrice aux cuisses de lanceuse de disque qui l’avait employé pour les vacances avec sa sœur. Elle avait remarqué qu’il lorgnait son cul et ses nichons, qu’elle avait fort développés, ce qui la flatta de la part de ce jeune gars aux beaux yeux clairs et au corps élancé, le genre qui ne lui courait pas après.

Après quelques travaux d’approche, qu’Antoine faisait semblant de ne pas comprendre, mais qu’elle renouvela avec insistance, l’horticultrice prit les affaires en mains. Ou plutôt, elle en mit une sur sa braguette un jour qu’il mettait des fleurs en pot dans une pièce isolée. La patronne s’étant assuré de sa tranquillité en verrouillant la porte, elle lui ouvrit la braguette, le suça, l’invita sans manière à se positionner entre ses cuisses et s’enfoncer en elle, entre trois pots de fleur. Antoine ne dura pas longtemps mais arracha un petit jappement de plaisir à l’horticultrice, qui avait perdu l’habitude des membres virils longs et durs. L’essentiel était réalisé : Antoine n’était plus puceau.

Pour Antoinette, ce fut plus compliqué. Elle fréquentait une espèce de godelureau qui se voulait poète et lisait Apollinaire. Sachant son frère dépucelé (il ne lui avait évidemment pas caché sa bonne fortune), elle attendait de son amoureux transi le même service. Elle avait acheté des capotes dans cette perspective. Bien que n’étant encore jamais passée à l’acte, elle avait beaucoup flirté avec les mâles qui rôdaient autour de son corps mince aux fines attaches, faussement fragile, doté de deux seins lourds comme des fruits mûrs (son frère lui avait dit un jour qu’elle était « sévèrement bustée », ce qui lui avait valu une paire de claques).

Antoinette était à l’âge du romantisme. Elle voulait que son hymen cédât à la poésie. Elle arriva à ses fins dans sa chambre après qu’Antoine eut littéralement projeté le poète vers le lit de sa sœur et fermé la porte. Antoinette branla énergiquement l’amoureux des muses et s’empala sur lui avec autorité mais non sans douleur, si bien qu’il est difficile de savoir qui avait dépucelé qui.

Ces débuts érotiques incertains et maladroits auraient pu préluder à une sexualité embarrassée. Il n’en fut rien grâce à un nommé Gaétan Lefaucheur, élève pharmacien, fêtard magnifique et tringleur infatigable. Antoine se prit d’amitié pour lui dans les différents travaux dirigés de la fac de pharmacie, et quand Gaétan l’invita à une orgie avec des étudiants en médecine, il ne se déroba pas, ne voulant pas passer pour un pied tendre. Il était pourtant inquiet, ayant peur de ne pas « assurer » car Lefaucheur ne lui avait pas caché qu’il y aurait « des femmes qui baisent ». Il commit l’imprudence de s’en ouvrir à sa sœur jumelle.

— Comment ? Tu vas participer à une partouze ? Mais tu es le dernier des cochons ! Pas question que tu y ailles. Ou alors, avec moi, riposta Antoinette.

Antoine fut alors tenté de passer outre, pour une fois, et de partir seul en découverte. Mais Antoinette ne l’entendait pas ainsi. Pas question de laisser son frangin se lancer « en Suisse » dans une pareille expérience et se contenter d’un récit plus ou moins objectif. Elle prétendit qu’il ne fallait pas « se dégonfler devant des médecins » et que par conséquent, d’accord ou pas, elle irait. Elle avait connu deux ou trois expériences sexuelles qui lui avaient donné le goût de la chose et n’était plus l’oie blanche de ses vingt ans. Antoine était à peu près dans le même cas, ni inexpérimenté, ni maître du sujet. Bref, tous deux s’invitèrent à la soirée, à la grande joie de Lefaucheur, qui cherchait du personnel féminin.

Au début, Antoine et Antoinette eurent l’impression de participer à une sorte de buffet campagnard bien arrosé, assis sur des fauteuils et des canapés autour d’une table bien garnie pendant que les conversations languissaient. Ils eurent vite conscience d’être le centre d’intérêt des convives, peu habitués à voir un frère et une sœur, jumeaux de surcroît, dans ce genre de soirée. Mais rien ne se passait jusqu’au moment où Antoinette s’aperçut, à l’autre bout de la pièce, qu’une fille avait commencé à sucer un mec braguette ouverte. Puis une autre l’imita et encore une autre avec Antoine, devenu soudain béat et passif. Antoinette faillit l’engueuler avant de se rappeler où elle était. Il est vrai que son voisin avait entrepris de lui palper ses magnifiques mamelles.
L’alcool ayant fait son œuvre, elle ne chercha pas à le dissuader et leva sans sourciller les bras quand l’autre entreprit de lui enlever son pull. Le gars lui dégrafa son soutien-gorge un peu maladroitement mais une fois dépoitraillée, Antoinette changea d’état d’esprit. Il ne fallait pas se cacher derrière son petit doigt : elle était venue là pour baiser, et comme ça faisait un bout de temps qu’elle n’avait pas vu le loup, elle n’allait pas commencer à faire des manières.

On en était d’ailleurs au stade du déshabillage général et déjà des couples se formaient un peu partout. Nue et grisée par l’alcool, Antoinette se laissa lécher tout en surveillant son frère du coin de l’œil. Lui était déjà entré dans le vif du sujet puisqu’il possédait une plantureuse rousse en levrette et la faisait couiner d’une manière indécente. Antoinette le considéra avec étonnement. Elle n’avait jamais vu son alter ego faire l’amour et, ma foi, il ne se débrouillait pas si mal. Elle avait maintenant chaud partout et ne marqua pas d’opposition quand son lécheur, un futur toubib au torse glabre, l’enfila dûment capoté. Puis un autre suivit, et encore un autre, ce qui lui parut complètement naturel alors qu’elle aurait juré quelques heures auparavant qu’elle n’avait rien à faire dans ce genre de soirée. Il est vrai que la pièce n’était plus que gémissements, clapotis et odeurs fortes d’hormones en fusion.

Bref, beaucoup plus tard, Antoinette ne sut pas exactement dire avec combien de mecs elle avait eu des relations sexuelles diverses et variées. Elle indiqua seulement à son frère avoir été surprise de connaître plusieurs orgasmes « sans être amoureuse », en particulier avec un métis « beau comme un Dieu ». Une véritable révélation pour elle, qui croyait encore à l’amour.
Antoine, plus pragmatique, se lança dans une théorie comme quoi « baiser et faire l’amour, ce n’est pas pareil ». En tout état de cause, les jumeaux décrétèrent qu’ils avaient passé une soirée d’enfer. Elle avait trouvé des mecs « qui assuraient » et Antoine des nanas « pas chochottes ». Mais surtout, ils s’étaient découvert une passion commune pour le sexe, considérant qu’il n’y avait rien de meilleur dans la vie. Ils se jurèrent fidélité en se promettant de ne jamais se marier et de toujours partager leurs plaisirs, en vrais libertins, au grand désespoir de leurs parents qui leur voyaient un autre avenir. D’autres soirées chaudes eurent lieu cette année-là, et les jumeaux n’en manquèrent aucune, ce qui explique en partie le redoublement commun. On les recherchait pour leur physique, leur ardeur et leur très excitante gémellité.

Ils furent embauchés comme salariés dans une grosse officine. Antoinette se faisait souvent draguer, y compris par des clients de Viagra, ce qui n’était pas le meilleur moyen de la convaincre de franchir le pas. Une partie non négligeable de la clientèle masculine achetait simplement du Doliprane pour mater son profond sillon mammaire et ses jambes fines, complaisamment exposés. Parfois, rentrant du boulot après elle, Antoine la trouvait en train de copuler avec un type qu’il lui semblait bien avoir vu dans la file d’attente de la pharmacie. Elle avait une certaine prédilection pour les peaux colorées, lesquelles tranchaient dans l’accouplement avec sa peau ivoire de blonde. Elle avait la jouissance aisée, si bien qu’elle était rarement déçue par ses partenaires. Ceux-ci le lui rendaient bien et elle devait faire le tri, le plus souvent sans état d’âme.
Pour sa part, Antoine sautait occasionnellement sa patronne, une élégante quinquagénaire aussi vulgaire au lit que stylée dans son officine. Elle lui apprit plein de trucs peu avouables « pour donner du plaisir à une femme », disait-elle, si bien qu’il devint un véritable expert du pucier. Du coup, ses conquêtes plus jeunes en profitaient, en particulier une esthéticienne voisine, experte dans l’art de la fellation.

Levons tout de suite une ambiguïté : si proches qu’ils fussent, ils n’eurent jamais de désir l’un pour l’autre. D’ailleurs, leurs partenaires sexuels étaient le plus souvent le contraire physique du jumeau. Antoine aimait les brunes à peau bronzée, genre ibérique, voire beurette. Tous deux s’entendaient à merveille pour se partager une petite récréation pendant les heures de travail, en général de 14 h à 15 h. Leur appartement se transformait alors en lupanar. C’est ainsi qu’ayant été obligée de passer chez elle pendant ce créneau horaire, Antoinette avait découvert son frère et une superbe maghrébine de ses clientes, emboîtés face à face dans la baignoire remplie d’eau, clapotant à qui mieux mieux.

— C’est toi qui passeras la serpillière, pas moi, lui avait lancé Antoinette devant les yeux ahuris de la fille.

À l’inverse, dans des circonstances semblables, Antoine était tombé en entrant dans la cuisine sur des fesses café au lait surmontant une épaisse paire de couilles, le tout cerné et enserré par les fines guiboles de sa sœur, écartelée sur la table par un basketteur américain de l’équipe locale qui arrachait à Antoinette des cris gutturaux. De ces épisodes divers, ils riaient le soir en dînant en tête-à-tête comme un vieux couple.

Mais un jour vint où le frère et la sœur décidèrent de voler de leurs propres ailes et de se mettre à leur compte, au grand désespoir de leurs patrons car le duo faisait l’unanimité auprès de la clientèle. Sans parler du reste. Ils trouvèrent à reprendre une pharmacie dans un quartier bobo, à la condition de conserver l’une des préparatrices proche de la retraite. Ce fut une période de travail intense, de doute aussi car la clientèle s’était évaporée avec les précédents pharmaciens. Mais leur charme et leur professionnalisme leur valurent bientôt une clientèle assidue. Ils avaient pris soin de préciser au début qu’ils étaient frère et sœur et non mari et femme, ce qui déclencha un réel intérêt chez certains clients, masculins ou féminins.
Le problème est que leur appartement était assez éloigné, ce qui n’était pas pratique pour la bagatelle aux heures creuses. Aussi décidèrent-ils d’aménager en chambre d’amour une pièce à l’étage qui servait de débarras. Ils firent monter un canapé-lit (de longueur suffisante pour le 69) et tapissèrent murs et plafonds de miroirs après en avoir découvert les vertus lors d’une virée dans un club échangiste qui, par ailleurs, les avait beaucoup déçus. Antoinette exigea un bidet, ce qui nécessita l’intervention d’un plombier, fort étonné qu’on veuille un tel ustensile dans une pharmacie.

La chambre d’amour ne tarda pas à trouver son utilité. Antoinette avait flashé sur un jeune père de famille eurasien qui venait fréquemment chercher des médicaments pour sa progéniture. L’homme n’était pas couvert par une mutuelle, aussi lui avait-elle fait crédit à plusieurs reprises et l’Eurasien se trouvait en situation de dépendance vis-à-vis de la pharmacie. Comme beaucoup d’autres mâles, il était tombé sous le charme de cette jolie blonde qui exposait sa féminité sans complexe et qui ne ménageait pas ses chatteries à son endroit. Certes, il était marié ; mais Antoinette partait du principe qu’un mari reste un mari, même s’il devient infidèle et préserve ainsi la liberté de sa maîtresse. C’est son affaire s’il veut commettre l’adultère. L’Eurasien était un homme comme les autres, il céderait à ses pulsions.

Un jour, il émit le vœu de régulariser sa situation et Antoinette l’invita à le faire à la fermeture de l’officine. Antoine et la préparatrice s’étaient éclipsés. Antoinette fit monter son client au premier étage, prétendument « au bureau ». Auparavant, elle s’était prestement débarrassée de son soutien-gorge, et les aréoles de ses seins en poire pointaient sous la toile légère de son chemisier à l’échancrure prononcée. N’importe quel mâle aurait bandé devant ce spectacle ; et l’Eurasien banda. Antoinette le frôla de la hanche et, instinctivement, l’homme l’enlaça en empaumant ses seins. Il l’embrassa, la déshabilla avec habileté, la poussa sur le canapé et fourra son nez asiatique entre ses cuisses. Antoinette adorait le cunni. Elle ne concevait pas une partie de jambes en l’air sans ce préliminaire. Puis elle se régala du corps de l’Eurasien dont les miroirs renvoyaient l’image mouvante, la peau lisse et les muscles fins. Elle aimait particulièrement le staccato et les fossettes de ses petites fesses visibles sur le miroir du plafond pendant qu’il la besognait. Un avantage qu’elle ne pouvait percevoir dans les ébats ordinaires, ce qui décupla sa jouissance. Il repartit beaucoup plus tard, allégé de quelques euros (car il avait quand même réglé ses dettes), mais surtout de son sperme. Antoine eut droit au dîner à un récit détaillé des ébats et félicita en même temps sa sœur pour avoir renfloué la caisse.

Lui-même ne tarda pas non plus à utiliser le local. Il avait tapé dans l’œil d’une brune quadragénaire aux sourcils épais. Cela présageait dans l’esprit du pharmacien d’un pubis tout aussi fourni, ce qu’il appréciait particulièrement (il critiquait toujours sa sœur pour sa propension à se raser le bas-ventre). Lorsqu’elle venait chercher ses médicaments, la femme dirigeait ses seins volumineux vers lui comme si elle braquait deux pistolets. Elle portait invariablement des jupes ou des robes longues, signes qu’elle devait être un peu complexée par ses jambes mais Antoine ne s’attardait pas trop à ces détails. Il aimait son visage rond et souriant, un visage d’une femme qui aime la vie, pensait-il. Donc le sexe. Il l’invita à venir boire un verre après la fermeture au café voisin. La brune lui confia ses petits malheurs. Chef d’entreprise, son mari la délaissait pour son boulot et elle lui demanda s’il n’existait pas un stimulant sexuel autre que le Viagra pour son époux mollissant.
Antoine comprit qu’elle lui tendait une perche et la fit rentrer dans la pharmacie après la fermeture. Direction le premier étage.

Quand elle vit la pièce aux miroirs, elle éclata d’un rire nerveux. Mais elle ne marqua pas le moindre recul quand les mains du pharmacien se refermèrent sur ses seins. Mieux : elle s’accroupit, tira sur sa braguette, sortit le gourdin qui s’était formé depuis une bonne demi-heure et l’emboucha avec volupté. La dame se laissa déshabiller. Elle avait des seins larges, des hanches en amphore, effectivement un pubis luxuriant où le pharmacien fourra d’emblée son museau avec volupté, de fortes cuisses et un confortable petit bedon. « Un corps fait pour l’amour » se dit Antoine qui honora sa partenaire avec une telle vigueur que celle-ci se mit à claironner son plaisir, d’autant qu’elle se voyait pour la première fois de sa vie en train de faire l’amour par miroirs interposés. Le spectacle de la tige entrant et sortant à cadence rapide de son antre intime et des deux couilles ballottant en cadence la subjugua et elle poussa un cri strident pour manifester son enthousiasme. Le pharmacien s’obligea à ralentir le rythme car il craignait que le voisinage ne crût à un assassinat dans son local. Moyennant quoi il se fit engueuler par la belle, qui tenait dur comme fer à son orgasme. Bref, ce fut un coït un peu sauvage et très bruyant qui laissa Antoine moulu de la tête aux pieds en passant par les oreilles et la queue. En se rhabillant, la brune lui signifia sa satisfaction et son désir de remettre ça au plus vite, ce qui n’emballa qu’à moitié le pharmacien et fit écrouler de rire sa jumelle quand il lui raconta l’épisode le soir même.

— Tu as trouvé un coup en or et tu fais des manières ? Tu me déçois, Antoine, grinça-t-elle.
— Oh toi, ça va : quand ton Eurasien t’honore, tu ne t’entends pas, tu ameutes tout le quartier.
— Les gens pensent ce qu’ils veulent ; s’ils sont mal baisés, tant pis pour eux.

À ces récits, on pourrait croire que les jumeaux passaient leur temps à baiser avec n’importe qui. Pas le moins du monde. Ils travaillaient beaucoup avec l’aide de leur préparatrice, Jeanne, une femme d’une cinquantaine d’années que les frasques épisodiques de ses patrons laissaient parfois stupéfaite. Mais surtout, ils étaient loin de saisir toutes les perches qu’on leur tendait. Antoinette, par exemple, avait rembarré sèchement un visiteur médical dont la vulgarité l’écœurait. Quant à Antoine, il avait ignoré les avances de la bouchère d’à côté, une cougar qui se voulait sexy et qui était surtout ridicule par son souci de paraître plus jeune que son âge.

Les jumeaux auraient pu vivre ainsi longtemps si des bruits désagréables ne leur étaient venus aux oreilles. La bouchère, devant la clientèle, distillait son fiel contre les deux « pharmacos » qui prenaient du bon temps sur le dos des patients.

— Vous l’avez vue, la nana, avec ses chemisiers qui lui dévoilent le nombril et ses shorts indécents ? Est-ce qu’on distribue des médicaments dans cette tenue, Madame ?

La pharmacie concurrente, qui avait vu fuir une bonne partie de sa clientèle en direction de l’officine des jumeaux, relayait des rumeurs d’amoralité de la part de leurs confrères. Ceux-ci reçurent une convocation de l’Ordre des pharmaciens. Le président leur fit part d’une plainte de certains riverains contre des « bruits intempestifs » émanant du premier étage de la pharmacie. Mais surtout, ils pointèrent un rapport de la CPAM faisant état d’anomalies dans la prise en compte des prescriptions. Antoinette objecta de simples avances qui seraient remboursées (l’Eurasien était notamment concerné) mais le Conseil leur fit des remontrances et les menaça d’une suspension. Deux jours plus tard, un émissaire de l’Ordre surgit à l’improviste et demanda à visiter la pharmacie. Les jumeaux firent tout ce qu’ils purent pour l’empêcher de monter à l’étage, mais l’émissaire haussa le ton. Lorsqu’il découvrit la chambre d’amour, il resta muet de stupéfaction, d’autant que la boîte de préservatifs n’avait pas été rangée, ayant été utilisée à l’heure du déjeuner par Antoinette qui avait été honorée par un sculptural Guadeloupéen. Une tache de sperme toute fraîche était immanquable sur le parquet. Après un regard circulaire et dégoûté sur les miroirs, l’émissaire de l’Ordre se retira sans un mot.
Une semaine plus tard, les jumeaux passaient en conseil de discipline. La sanction fut sans appel : six mois de suspension. Les concurrents avaient eu le bras long. Peut-être un peu aidés aussi par les infos de la préparatrice, qui n’eut aucun mal à retrouver de l’emploi…
Après mûre réflexion, Antoine et Antoinette décidèrent de tourner la page pharmacienne.

Puisqu’ils se retrouvaient au chômage forcé, autant se faire plaisir. Ils vendirent sans difficulté leur fonds de commerce et ouvrirent un refuge pour animaux de compagnie. Un retour à leur passion de jeunesse. La SPA vit d’un très bon œil cette initiative qui la soulageait de l’afflux de chiens abandonnés, d’autant que ces deux pharmaciens en rupture de ban inspiraient confiance par leurs connaissances scientifiques.

Côté sexe, ils durent mettre un bémol en se concentrant avant tout sur leurs affaires. Antoinette, travail oblige, était beaucoup moins sexuée avec ses jeans et ses longs pulls informes, ses cheveux attachés et ses bottes. Mais histoire de faire « péter les hormones » comme disait Antoine, les jumeaux s’offraient le dimanche une virée au club échangiste où ils avaient découvert la magie des miroirs. Là, ils se défoulaient vraiment, et ne parlaient toujours pas de trouver l’âme-sœur, étant concentrés sur leur refuge.

C’est là qu’ils virent arriver un jour le président du Conseil de l’Ordre des pharmaciens, venu déposer son setter blue belton avant de partir en voyage aux États-Unis. L’homme se montra très embarrassé, mais surtout très chagriné quand les jumeaux lui apprirent à son retour que son a****l chéri avait été victime d’une foudroyante maladie et qu’il reposait dans le cimetière attenant au refuge. S’il voulait s’y rendre…
En fait, ledit setter gambadait au même moment dans le parc des parents des jumeaux, heureux peut-être d’avoir échappé à trois semaines de cellule. Et le président repartit avec sa laisse sans son chien au bout.

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