Thérèse et Jules
— Tu devrais accepter! Notre mariage commence à s’enliser et quelques jours d’éloignement ne nous feraient pas de tort. Je t’assure… Cette fin de semaine ne pourra être que bénéfique, autant pour toi que pour moi. L’auberge du Lutin doré, en plein centre des Laurentides, un endroit idéal pour toi. Tu as toujours aimé la nature.
— Je ne sais pas…
— Fais-moi confiance! Un mariage a besoin d’un petit stimulant. Trois jours sans se voir… voilà une occasion idéale de mieux s’apprécier par la suite.
— Peut-être! Mais, je suis bien avec toi, Thérèse, et je n’ai pas besoin de m’éloigner pour le savoir.
— Je sais, Jules! Mais un petit changement dans notre vie ne peut être que bénéfique. Tu verras! Lorsque nous nous retrouverons après trois jours, nous nous apprécierons sans doute mieux… Et qui sait? Nous retrouverons peut-être cette passion qui nous transportait, au début de notre relation.
— Et les enfants, tu seras seule avec eux?
— Ma sœur viendra passer les trois jours, ici, avec moi, à la maison. Toi, tu pars pour ta formation en informatique vendredi matin et moi, je me charge du reste.
— Je ne sais vraiment pas… Ce cours en informatique ne me tente pas beaucoup. D’ailleurs, c’est moi qu’ils veulent envoyer parce que personne ne veut y aller.
— Permets-toi donc de petites vacances dans la nature!
— Je sais, mais tu comprends, partager la salle de bain avec un inconnu, le matin, cela ne me dit rien… et il y a 300 km de route à faire.
— Ce sera pour mieux se retrouver, tu verras…
Jules
Jules appartenait à cette catégorie d’individus pour qui, la routine du quotidien s’est progressivement transformée en une belle prison dorée, chaude et confortable. Au fil des années, cet homme de trente-trois ans, aux cheveux châtains et aux yeux bleus, s’est graduellement enlisé dans le train-train de l’ordinaire.
Adepte du vélo de montagne et du ski de fond, Jules occupe un emploi de fonctionnaire dans un bureau du gouvernement depuis huit ans. Il contribue à une excellente caisse de retraite et paie des cotisations syndicales qui le mettent à l’abri d’un éventuel congédiement. Son travail est routinier et monotone. Son niveau de stress est tout à fait inexistant.
Thérèse, son épouse, œuvre comme psychothé****ute dans une école secondaire depuis six ans. Sa tâche est épuisante, pour ne pas dire accablante. Elle a un nombre élevé de cas problème. Les contretemps sont nombreux et la tension constante.
Mariés depuis dix ans, ils possèdent deux merveilleux enfants, une maison, un chalet et un chien de race. Les travaux domestiques sont clairement partagés. Lui, passe l’aspirateur et lave les parquets, nettoie la salle de bain, et répare à l’occasion une poignée de porte ou un interrupteur défectueux. Elle, époussette les meubles, s’occupe de la lessive et de la literie, et entretient la cuisine. Ils se partagent la préparation des repas et le bain des enfants. La distribution des tâches est équitable et personne ne voit rien à redire à cela.
Leur vie est réglée au quart de tour, autant dans leurs habitudes individuelles que dans celles qu’ils pratiquent ensemble. Ils fréquentent à l’occasion un couple d’amis, vont en vacances avec leurs enfants au moins une fois par année, font leurs courses ensemble le jeudi soir, et regardent chacun leurs feuilletons télévisés, lui dans la salle de jeu et elle, au salon.
Dans le même ordre d’idées, leur vie sexuelle respecte aussi un protocole établi au fil des ans. Ils font l’amour une fois par semaine, le dimanche soir sauf si les règles de Thérèse sont au rendez-vous, ce qui ne manque pas d’arriver chaque mois puisque l’horloge biologique de Thérèse est réglée sur le vendredi de la pleine lune.
La plupart du temps pour ne pas dire toujours, ils prennent la position du missionnaire bien que parfois, au cours du débat amoureux, Thérèse se retourne et offre à Jules sa belle croupe légèrement rondelette. Cette posture accorde un surcroît d’érotisme à son mari, surtout quand l’orgasme de ce dernier se fait attendre ou que l’heure tardive risque d’hypothéquer la nuit normale de sommeil. Habituellement, l’activité dure une demi-heure, parfois trente-cinq minutes, rarement plus.
Le rituel est établi depuis plusieurs années, toujours le même. À 21 :30 heures, ils abandonnent leur émission de télé et s’acheminent vers la chambre à coucher. Jules prend le côté gauche du lit, Thérèse, le droit. Assis, dos à dos, ils se déshabillent en discutant de la vie des enfants ou de la journée qui s’achève.
Une fois nus, ils se glissent sous les couvertures. C’est le seul moment de la semaine où ils se retrouvent ainsi, nus sous les couvertures. Thérèse se couche sur le dos. Jules se tourne vers elle, une étincelle amoureuse dans le regard. Parfois, ils roucoulent, rarement plus de cinq minutes. Jules finit toujours par arrêter son regard sur le visage de sa femme qu’il trouve très beau. Pour lui, le temps n’altérera jamais la beauté qu’il lui accorde. Elle est la plus belle et le demeurera toujours. Il le lui dit et elle ne manque jamais de le remercier en lui passant doucement la main sur la joue. Il lui rend le geste, ce qui a pour conséquence de faire naître un début de tendresse gestuelle. Elle ferme les yeux et tourne la tête vers lui. C’est le signe d’assentiment qu’il attend. Il glisse alors sa main droite, les doigts écartés, dans la chevelure de Thérèse. Elle aime ça et il le sait. Il lui caresse ainsi le cuir chevelu du bout des doigts, remontant de la nuque à la tempe gauche, contournant délicatement l’oreille dont il en effleure le pavillon avec l’extrémité du pouce. Elle affectionne ce geste. Il continue jusqu’à ce qu’un petit frisson parcoure l’enveloppe corporelle de sa femme. Il adore la faire frémir sous ses doigts. C’est sa femme et elle est très importante pour lui.
Il se penche sur elle et l’embrasse tendrement. Le contact des lèvres est caressant, doux et chaleureux, un mariage complaisant où la langue n’a pas à intervenir, une communion de tendresse où la passion des premiers émois appartient au passé, un présent qui a oublié la flamme du baiser passionnel.
Il glisse ensuite sa main droite sous les couvertures. Il a constaté au fil des ans que Thérèse a développé certains petits fantasmes qui attisent sa libido féminine. Elle a les seins beaucoup plus sensibles à l’érotisme lorsque la main de son époux se faufile furtivement sous les couvertures, chatouillant du bout du pouce des mamelons déjà excités psychologiquement par le fantasme de la main baladeuse.
Il lui caresse par la suite l’abdomen, doucement, effleurant délicatement la toison pubienne du bout des doigts. Là aussi, il a découvert que Thérèse apprécie un mariage de gestes et de fantasmes. Elle retourne la tête, permettant à Jules de lui mordiller le lobe de l’oreille droite pendant qu’une main virile se glisse entre deux cuisses maintenues rapprochées par le croisement des pieds. Il sait qu’elle aime ce petit geste mâle qui s’impose.
Alors, elle cède et ouvre les jambes, abandonnant la pseudo-résistance qu’elle semblait manifester. Il place alors sa main, à plat, entre ses deux cuisses et engage un mouvement de retour. Il applique une pression un peu plus forte au majeur, l’obligeant à se faufiler entre les lèvres déjà humides de sa femme. Le mouvement est lent et juste. Des années d’expérience ont enseigné à Jules les subtilités de ce mouvement artistique. L’effet escompté est au rendez-vous. Thérèse prend une profonde respiration et cambre les reins. Une première vague, délicate, mais frémissante, vient de passer.
C’est à ce moment-là que Jules glisse le bras gauche sous la tête de sa femme et la ramène contre son corps. Il la sent bien à lui, abandonnée au plaisir naissant. Il recommence son geste, lentement, voluptueusement, pour qu’elle puisse en profiter pleinement. Il perçoit son frémissement à chaque mouvement de la main. Il peut même prédire le moment de l’envol. Sa respiration et le tressaillement de plaisir en sont un excellent indice. Il l’accompagne dans son plaisir, pilotant adroitement le véhicule de son érotisme.
Il la sent bien, blottie au creux de son bras gauche, envahie par de douces sensations corporelles. Il affectionne particulièrement son abandon au plaisir lors de l’envolée. Il se trouve chanceux d’être encore capable de lui faire oublier pour quelques instants les préoccupations quotidiennes.
Parfois, en de rares occasions, surtout en vacances et ailleurs que dans le lit conjugal, Jules a le pressentiment que Thérèse a le goût d’une deuxième envolée. Il a un sixième sens pour ces choses et, toujours généreux de sa personne, il lui procure volontiers un deuxième orgasme avec autant d’attention et de minutie qu’au premier. Mais, cette situation est vraiment occasionnelle.
Jules souhaite toujours qu’au retour d’une félicité raisonnable, Thérèse étende la main gauche et lui ramasse délicatement les attributs. Il l’avait informé, au début de leur relation, qu’il chérissait ce geste, surtout lorsqu’il est couché sur le côté et que la chaleur du lit provoque une distension du scrotum. Il est particulièrement friand de cette sensation lorsqu’elle jongle du bout des doigts, avec ses deux testicules libérés d’un enclos habituellement plus restreint.
Pour Jules, se faire peser et soupeser les bourses dans le creux de la main de sa femme est l’un de ces petits plaisirs intimes de la vie de couple, un petit délice qui fait échec aux écueils de la routine et permet au mariage de survivre au quotidien. Il devient le passif, le goûteur, l’épicurien qui jouit des faveurs de sa femme. Il aime la main ferme de sa Thérèse qui lui dégage le gland. Il adore cette poigne qui vient extirper le plaisir de ses entrailles pour l’accumuler dans une verge gonflée de fantasmes érotiques.
Et lorsqu’elle ouvre les jambes, Jules comprend. C’est le moment! Il s’étend alors sur sa femme et la pénètre doucement. Il s’enfonce totalement, mariant deux pubis réchauffés par la douce chaleur conjugale. Au début, son mouvement est lent, incluant une pause entre chaque pénétration. Mais le geste s’accélère progressivement, s’harmonisant aux mouvements respiratoires que les deux partenaires essaient de faire coïncider. La plupart du temps, Jules réussit à maintenir le rythme et demeurer dans la vague ascendante de son épouse. Elle parvient à l’orgasme et la contraction des muscles vaginaux entraîne son mari vers l’éjaculation. Mais parfois, à l’occasion, Jules perd le contact et Thérèse s’envole seule pour le 7e ciel.
Il ne veut pas la priver de l’orgasme. Alors, il continue le mouvement, jouissant psychologiquement du plaisir de sa femme… Mais, il sait aussi que son tour viendra, qu’au retour de la volupté sexuelle, Thérèse se retournera et lui offrira le merveilleux spectacle de sa croupe callipyge. Un surplus d’hormones abreuvera alors son érotisme et, les deux mains sur le haut des hanches de sa femme, il la possédera par des mouvements brusques et saccadés. Au début de leur relation amoureuse, il n’osait pas trop s’exprimer par ces gestes qu’il qualifiait de phallocentriques. Mais il réalisa assez vite que sa femme y prenait du plaisir, un plaisir qui parfois, pouvait s’exprimer de façon beaucoup plus intense que la méthode dite conventionnelle.
La vue de cette croupe merveilleuse, tenue en otage par deux mains solidement cramponnées au galbe des hanches et les râlements de plaisir provoqués par l’intimité et la profondeur du contact corporel, contribuent fortement à relever l’érotisme parfois hésitant de Jules. Il sent son plaisir prendre racine au plus profond de ses entrailles, drainant toute l’énergie disponible et entraînant avec chacune de ses éjaculations une plus grande pureté du plaisir. Et souvent, dans cette situation, la dernière éjaculation a la propriété d’engendrer un degré de satiété fort acceptable.
Mais, quoi qu’il en soit, l’amour et la tendresse manifeste qu’il a assidûment voués à Thérèse ont toujours été un excellent baume aux coups ratés.
Thérèse
Thérèse appartient à cette catégorie de femmes qui croit à la vie de couple et à l’égalité des sexes. C’est une femme intelligente qui cerne bien la psychologie mâle de son mari et, dans cette optique, afin de conserver un équilibre à l’intérieur de son couple, elle essaie autant que possible de composer avec les priorités de chacun.
Mariée depuis dix ans, elle sent bien que son mariage commence à perdre de l’altitude. Extérieurement, rien ne se voit. Le quotidien se porte très bien. Ils sont satisfaits du partage des tâches domestiques, s’entendent merveilleusement bien à propos des valeurs éducatives à transmettre aux enfants et la situation pécuniaire du couple ne présente pas de conflit.
Ils jouissent également d’un statut social raisonnable et passent même pour un très beau couple parmi leurs pairs. Elle se paie à l’occasion un costume griffé et apprécie énormément la fierté vestimentaire de son Jules. Ils ne fréquentent pas beaucoup les soirées mondaines, mais ne ratent jamais une occasion d’assister à une soirée donnée par l’un ou l’autre des employeurs.
Son intuition ne l’a jamais trompée. Elle ressent une espèce de malaise lors de certaines activités du couple, même s’ils appartiennent à un rituel fort apprécié des deux partenaires. Elle anticipe avec inquiétude une monotonie routinière qui s’incruste insidieusement dans leur vie. Elle sait que si l’ennui se met de la partie, leur union est vouée à l’échec. Mais ils sont tellement bien, à la chaleur de leurs habitudes. Pourquoi innover et risquer de faire rater une si belle entente alors que la connaissance des goûts et des habitudes de l’autre semble leur accorder une certaine sécurité?
Elle connaît les fantaisies de son mari et il soigne les siennes. Ils ont développé une certaine connaissance de l’intimité du partenaire. Elle sait comment exciter son mari et il connaît très bien ses avenues sexuelles privilégiées.
Évidemment, le rituel est toujours le même. Mais c’est un rituel gagnant. Lorsqu’ils se déshabillent de chaque côté du lit et qu’ils se glissent sous les couvertures, Thérèse sent très bien la douce excitation des corps, prêts à recevoir leur dose de plaisir. Et lorsque Jules se penche vers elle pour l’embrasser, elle s’explique très bien l’infinie délicatesse du geste, cette communion amoureuse qui transcende le langage corporel.
Et l’amour dont il fait preuve dans ses caresses de la nuque! Elle se sent cajolée, dorlotée par une main bienveillante, soucieuse de procurer du bonheur et de la tendresse. Et lorsqu’il glisse sa main sous les couvertures pour aller lui caresser les seins… quel fantasme! Elle a toujours gardé en elle le souvenir de la première fois, au cinéma. En l’embrassant, il avait glissé sa main sous son gilet et avait promené ses longs doigts fins sous l’armature du soutien-gorge. Elle n’avait jamais oublié cette contorsion de la main qui voulait absolument atteindre le bout du sein. Elle a toujours entretenu ce souvenir sensoriel du mamelon titillé entre le pouce et l’index. Même au travail, lorsqu’elle se remémore ce souvenir tactile, elle ressent un léger frémissement dans le bout de son sein.
Lorsqu’ils se sont connus, à la fin de leur adolescence, Jules n’avait jamais touché une femme et elle avait dû lui suggérer certaines délicatesses à tendance érotique. Elle n’a jamais regretté le moment, où, dans un élan d’impatience, elle lui avait indiqué comment lui caresser l’abdomen, doucement, délicatement du bout des doigts, effleurant la toison pubienne pour provoquer une douce impatience. Elle lui avait aussi enseigné comment caresser sa partie la plus érogène et comment provoquer une montée de plaisir en glissant son doigt entre deux lèvres suintantes de désir. Jules avait été un élève modèle : il avait appris du premier coup.
Et profitant de la situation, il lui avait confié, sous le sceau de la confidence, l’un de ses petits fantasmes : il aimait bien se faire soupeser les bourses. Elle aussi, à l’époque, avait appris rapidement. Elle avait découvert, au fil des années, que dans les moments relativement restreints dans le temps, ce petit geste affectueux accélérait tangiblement la montée du désir. D’ailleurs, elle a conservé cette composante au rituel amoureux, cette épice savoureuse qui prédispose si bien son époux.
Elle avait aussi découvert que ce geste noyait certaines intentions que son mari pouvait cultiver lorsqu’il la caressait. En effet, elle n’aimait pas qu’il goûte, dans le plein sens du terme, au fruit de la passion. Un jour, dans un état d’ébriété qui délie les langues, Jules lui avait posé la question « Pourquoi? Tu ne veux plus!». Elle lui avait tout simplement répondu qu’elle avait toujours trouvé ce geste a****l et qu’elle avait une certaine répugnance pour ces pratiques. Jules n’avait pas insisté.
Évidemment, au fil des années, chacun avait innové un peu, à l’intérieur des normes qui s’étaient enracinées. Thérèse n’avait pas manqué d’apprécier la main cavalière de Jules qui s’impose entre ses cuisses. Elle aime bien l’homme rose qu’est devenu son mari, mais ne dédaigne pas un soupçon de virilité dans les gestes sexuels.
Tout comme elle a découvert que le petit fantasme de son conjoint n’est que la pointe de l’iceberg. Batifoler avec les attributs de son mari lui ouvre le portail d’une sexualité secrète. Lorsqu’elle empoigne un peu plus énergiquement les bijoux de famille et qu’une érection déjà tangible s’affermit, elle est tout à fait consciente du contrôle érotique qu’elle détient. Et si elle continue le manège de la poire qu’on presse et qu’on relâche, histoire de continuer à dresser le petit étalon fougueux de son mari, elle contrôle aussi un fantasme, celui de l’hédonisme génital de son Jules.
Elle reconnaît bénéficier d’un certain plaisir à stimuler son conjoint de la sorte. Mais, c’est plus une joie à caractère psychologique qu’érotique, une satisfaction personnelle qui se situe au-delà de la sexualité : elle malaxe son Jules par la partie la plus sensible.
Enfin, pour donner encore un peu plus de corps à l’érection, et aussi pour ramener son mari dans sa relation de couple, elle lui dégage le gland d’un mouvement ferme. Parfois, elle l’astique lentement, parfois rapidement. Et lorsqu’elle sent la verge de son mari à point, d’une dureté suffisante pour se rendre à l’éjaculation, elle ouvre les jambes.
Il connaît la marche à suivre. Il l’enjambe et la pénètre délicatement. Elle aime ce mouvement lent, mais ferme qui lui pénètre le corps. Elle prend plaisir au rythme qui s’accélère. Elle adore visualiser ces deux testicules frappant à coups répétés sur son plancher pelvien. Elle sent bien la fermeté du pénis contre les parois de son vagin, mais c’est vraiment la combinaison du martèlement des testicules et du frottement des deux pubis qui provoquent sa montée orgasmique.
Parfois elle sent un certain relâchement du contact, une légère perte de sensation dans la communion physique. Elle comprend que son Jules s’empêtre dans son propre rythme, qu’il se laisse distancer et qu’il ne parviendra pas à l’orgasme en même temps qu’elle. Mais elle connaît la complaisance de son mari. Elle sait qu’il a remarqué son incursion dans le non-retour et qu’il poursuivra la cadence jusqu’à l’orgasme de sa partenaire.
Elle ne déteste pas à l’occasion ce coup de malchance. Cela lui permet de se retourner et de présenter à son mari une croupe dont elle est fière. Elle aime bien sentir les mains chaudes de Jules sur ses hanches. Elle apprécie la douce v******e qu’il exerce dans son va-et-vient, cette copulation a****le qui fait monter l’orgasme en flèche, brutalement et sans retenue.
Elle aime entendre le râle de son mari, lors de la dernière éjaculation : une complainte remplie de satisfaction. Elle adore le soupir de satiété qu’il émet lorsqu’il se laisse tomber sur le dos, psychologiquement repu, l’érotisme assouvi. Elle le sent tellement amoureux dans ces moments.
Jules au loin
Lorsqu’il vit cette belle grande rousse, Jules réalisa immédiatement du danger qu’elle représentait. Le coup d’œil troublant qu’elle lui porta, avouait tout. Il reconnaissait bien ce regard qu’il avait déjà immortalisé dans sa mémoire, un certain jour de septembre, il y a dix ans. Ce même regard avait été le prélude à une nuit d’enfer, une nuit mémorable sur laquelle il avait entretenu ses meilleurs fantasmes. Il se souvenait bien de cette chambre d’hôtel, en vacances, au début de leur fréquentation. Thérèse et lui avaient passé l’après-midi dans les sentiers pédestres à s’aguicher réciproquement par des paroles éloquentes et des gestes frôlant l’indécence. Le soir venu, en sortant de la douche, elle l’attendait là, nue, assise sur le lit, cette expression de convoitise non retenue dans le regard, ce désir franc, dépourvu de toute pudeur, cet appel à une sexualité typiquement hormonale, la plus pure dans sa fonction biologique.
La réceptionniste de l’auberge l’avait dévisagé avec la même étincelle dans les yeux. Jules crut a priori au fantasme : ce type de regard nécessite certains préliminaires qui harmonisent l’intimité les participants.
— J’espère que vous passerez un excellent séjour, lui avait-elle dit en lui remettant la clé de la chambre.
— Vous savez, une formation sur les protocoles de communication, ce n’est pas ce qu’il y a de plus emballant.
— Peut-être, mais je suis convaincue que l’exploration de certains protocoles de communication peut s’avérer plus intéressante que d’autres.
Elle le regarda sans sourciller, l’air sérieux, évaluant sans doute l’effet de cette remarque. Stupéfait, Jules feignit l’innocence. Il était toutefois conscient qu’un afflux sanguin lui montait au visage. Il lui avouait ainsi qu’il avait saisi l’allusion. Il lui balbutia un remerciement pour la clé de chambre, ramassa sa valise et se retourna pour quitter le comptoir de l’accueil.
— Vous trouverez votre chambre au bout du corridor, en haut de cet escalier, ajouta-t-elle, un sourire sans équivoque aux commissures des lèvres. Et si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à me le demander. Je suis la gérante de ce centre et ce sera pour moi un grand plaisir de vous rendre service. Elle le gratifia d’un clin d’œil tout aussi inquisiteur.
Un merci discret, égaré, à peine audible finit par sortir de la bouche de Jules.
Ce clin d’œil était de trop. Il réactivait une dimension endormie, pour ne pas dire léthargique de sa personnalité. Depuis la toute première relation qu’il avait eue avec Thérèse, il avait fait une croix sur la gent féminine. En fait, toutes les autres femmes de la planète étaient sans intérêt… sauf qu’aujourd’hui, cette belle grande rouquine venait revitaliser en lui, la flamme d’un érotisme oublié. Cette étincelle de désir présent dans le regard, exhibant un appétit à peine retenu, toute cette sensualité débordante lui était balancée de plein fouet sans avertissement.
L’esprit perplexe, Jules prit la direction de sa chambre. Elle se situait à l’extrémité de l’aile sud. Une chambrette exhalant des effluves de détergent apparut derrière une porte grinçante. Deux lits superposés et un vieux bureau témoignaient de la sobriété des lieux. Des rideaux, décolorés par l’acharnement des rayons du soleil n’aspiraient plus qu’à un rôle de guenille.
Il défit sa valise, la pensée obsédée par cette offre à peine masquée. Comment résister à la prochaine offensive… ou plutôt comment se convaincre de résister. Cette femme était particulièrement séduisante et la perspective de se payer une aventure dans l’interdit exerçait un envoûtement sur son imaginaire. Ce regard libidineux embrasait chez lui une sensualité oubliée et le goût du fruit défendu, sans barrière et sans tabou, activait tous les fantasmes qu’il avait pu élaborer ces dernières années. Il l’avait vu là, derrière le comptoir de réception, le buste altier, le décolleté invitant. Il n’avait pas eu la chance d’observer le reste du corps, mais il lui était facile d’imaginer le galbe des jambes et la rondeur de la croupe.
Ce dernier clin d’œil, aux frontières de l’indécence, lui revenait continuellement en tête. Sans effort, son esprit la déshabillait comme dans un strip-tease. Avec un petit effort, il pouvait même y ajouter de la musique et de l’ambiance. Il retrouvait, après dix ans de tranquillité émotive, la douce fébrilité du rêve éveillé. Il s’imaginait le nez entre les deux cuisses de cette femme, inhalant de tout son saoul un doux parfum féminin, rassasiant son érotisme d’une nourriture interdite depuis plusieurs années. La réminiscence de certaines sensations s’imposait à lui : celles d’une langue sur le contour d’un gland, celles de lèvres humides électrisant un pénis avide de retrouver des sensations d’une jeunesse oubliée. Il se voyait dans une position amoureuse que sa Thérèse n’acceptait plus depuis de nombreuses années. Il visualisait cette femme criant son plaisir, gesticulant, hurlant son orgasme dans un état avoisinant le délire. Il se voyait provoquant l’hystérie gestuelle de l’insoutenable. Pendant ces quelques instants, il devenait l’amant complet, Cupidon, Kama et Priape en une seule personne.
C’est en refermant la fermeture éclair de son sac de voyage que l’image de Thérèse lui revint à l’esprit. C’était comme s’il se réveillait au beau milieu d’un rêve. Il se sentit un tantinet honteux d’avoir eu de telles pensées. Sa belle Thérèse, celle qui prenait tant de place dans son cœur, ne lui avait jamais rien caché… sauf évidemment, ses petits fantasmes… tout comme lui qui cultivait ses propres images érotiques, conséquences inéluctables aux interdits sexuels qu’elle lui avait imposés. Au fil des années, il avait fini par se convaincre que rien dans ce bas monde ne pouvait être parfait, en particulier la sexualité d’un couple. Il fallait donc, dans la mesure du possible, s’ajuster avec son conjoint en partageant le plus équitablement possible les frustrations. Thérèse refusait certains gestes, mais en avait trouvé d’autres qui compensaient. Et, par-dessus tout, elle l’aimait. Elle était heureuse avec lui. Il n’en doutait pas un instant. Et cela valait bien les quelques sacrifices auxquels il était soumis.
L’idée de blesser sa Thérèse lui était insoutenable et il n’était pas question de rompre l’équilibre de son mariage. Il reconnaissait bien se complaire dans ce rêve éveillé, mais il savait, au plus profond de lui-même qu’il fallait beaucoup plus qu’une simple allusion de disponibilité pour lui faire sauter la clôture. Toutefois, flirter avec le rêve ne lui apparaissait pas comme une marque d’infidélité… un petit écart de conduite, tout au plus.
Et le sentiment profond d’être une source d’érotisme pour cette femme flattait admirablement bien son ego. L’idée lui vint, un court instant, d’aller vérifier jusqu’où cette gérante était animée par des intentions arrêtées. Mais le risque énorme. S’il mettait le pied dans cet engrenage et qu’une force érotique tente de l’entraîner, il n’était pas certain de pouvoir opposer une grande résistance à ses propres démons, lesquels lui faisaient souvent miroiter l’extase de ses fantasmes.
Jules jeta un regard critique sur l’apparence vieillotte et minable de sa chambrette. Il comprenait l’hésitation de ses collègues. Habituellement, la liste des volontaires pour une formation à l’étranger, comme certains se plaisaient à le dire, était passablement consistante. Pas cette fois! Son patron était venu le voir et l’avait désigné comme volontaire…
— C’est à toi d’y aller. Chacun a droit à sa part du gâteau. Cette année, c’est à ton tour! Tu aimes le vélo et la nature, un endroit parfait pour toi!
Jules ne connaissait pas cette auberge. Tout ce qu’il en savait, c’était qu’elle faisait partie de la liste des auberges suggérées pour des activités scolaires. « Modeste et confortable, dans un décor enchanteur » étaient les qualificatifs qu’il avait lus dans le guide touristique. Ouais! Pas de salle de bain privée, pas de téléphone dans la chambre, une cafétéria qui sert de salle à manger et un matelas qui s’apparente plus à une paillasse qu’à un futon.
La première rencontre avec le responsable du stage devait avoir lieu à 13 heures. Jules avait tout juste le temps de se rendre à la cafétéria pour y prendre un sandwich et un café. Il ne pouvait pas se permettre d’arriver en retard à cette première rencontre.
La réunion eut lieu dans un petit local, surchauffé et mal éclairé. Trois longues tables occupaient presque totalement l’espace. Des rangées de câbles électriques installés à la presse, serpentaient entre les pattes de ces tables et finissaient par aboutir à des portables qui attendaient leur utilisateur. Le spécialiste, envoyé par le ministère, trônait debout derrière son ordinateur. Pas un mot, pas un regard vers Jules. L’austérité et d’ascétisme qui s’en dégageaient se mariaient très bien avec l’apparence des lieux. Jules prit un siège près du mur, un endroit où le regard d’un conférencier s’aventure rarement. Il jeta un coup d’œil au portable qui l’attendait et sourit à la lecture d’un vieux graffiti de « bébé boomer » sculpté à même la table : « Dieu est mort… Nietzsche » Et, en dessous, quelqu’un avait ajouté au crayon-feutre : « Nietzsche est mort… Dieu ». Le graffiti voisin était beaucoup plus jeune : « Alain saute Julie ».
L’après-midi fut long, chaud, monotone et inconfortable. Il n’apprit rien de neuf sur les protocoles de communication et la voix monocorde du formateur eut un effet soporifique. Après une demi-heure d’écoute concentrée, Jules n’aspirait plus qu’à une bonne douche et à une balade dans les sentiers de la montagne.
À 16 heures, il sortit du local l’esprit totalement lessivé par des explications incomplètes ou inutiles. Il se présenta au préposé de l’accueil pour demander l’emplacement des douches. Il fut même très heureux de ne pas avoir à s’adresser à la rouquine. Il n’avait pas le goût de réfléchir, encore moins de prendre une décision sur les intentions qu’elle lui avait laissé entrevoir.
Par contre, elle était là, un peu plus loin, assise à un bureau, manipulant une calculatrice d’une main et un crayon de l’autre. Elle était assise, très décontractée, la jambe étirée à l’extérieur du bureau. Une jupe ample et légère, en soie semi-transparente, habillait un jupon dont le rebord de dentelle cintrait le contour du genou. Un mollet nerveux, svelte, plongeait dans un soulier de cuir verni. La légèreté de la jupe laissait bien entrevoir la forme des cuisses et du bassin. L’imagination de Jules avait été en deçà de la réalité.
Un sixième sens dut l’avertir, elle tourna la tête et remarqua le regard scrutateur de Jules. Un sourire sans équivoque lui traversa les lèvres. Il dirigea son attention vers le préposé.
— Pourriez-vous m’indiquer la salle des douches?
— Ici, au premier étage, au fond du corridor derrière vous.
Jules ne put s’empêcher de placer son attention dans la zone périphérique gauche de son champ de vision. Il savait qu’elle le regardait et soutiendrait son regard s’il la dévisageait. Il pressentit l’occasion toute désignée de croiser le fer des intentions sans trop prendre de risques. Il évalua rapidement qu’il pouvait se permettre cette petite escapade. Il n’avait pas à chercher son regard : elle attendait le sien. Il tourna la tête, la regarda franchement, la parcourut du regard de la tête aux pieds et des pieds à la tête, lentement, effrontément et sans pudeur. Il la gratifia en fin d’un clin d’œil sensuel, le plus engageant qu’il put trouver dans sa mémoire. Elle ouvrit grand les yeux et demeura bouche bée devant ce geste. Jules tourna les talons et quitta le comptoir de réception.
— Tiens, toi, se dit-il! Moi aussi je suis capable de jouer à ce petit jeu.
Jules détestait les douches communes, mais il n’avait pas le choix. Toutefois, ce moment de la journée lui accorderait sans doute une certaine intimité.
Il eut l’agréable surprise de trouver une salle remplie de douches individuelles comportant un double compartiment qui permettait à l’utilisateur de se dévêtir en toute pudeur. De longs rideaux de toile opaque faisaient office de portes entre chacune des divisions. Cela lui convenait très bien.
Il se dévêtit, ouvrit le robinet et plongea sous le pommeau de la douche. L’eau était bonne et le jet puissant. Jules entendit du bruit dans la salle, mais n’en fit aucun cas. Il n’était sans doute pas le seul à vouloir se laver du flot de paroles incompréhensibles du formateur. Il fredonna même une comptine qu’il avait enseignée à ses enfants.
Il augmenta la puissance du jet. Il chanta plus fort. Un écho canon lui retourna la comptine. Une voix féminine et mélodieuse semblait provenir du compartiment adjacent à la division connexe de sa douche. Mais le bruit sourd du jet d’eau sur sa tête étouffait la source de l’écho. Il continua toutefois à chanter, mais baissa le volume. L’écho se tut.
Propre, la quiétude dans l’esprit, il ferma le robinet et ouvrit le rideau. Au fond du compartiment sec, la belle grande rousse se tenait adossée au mur de séparation. Le pied gauche relevé, appuyé sur le siège de déshabillage, elle affichait ouvertement un bout de cuisse. De plus, un bouton de corsage avait perdu toute retenue et exhibait audacieusement le contour d’un sein ferme. Le rideau était très bien rabattu, les isolant totalement de la salle commune. Elle assiégeait son intimité.
— Que faites-vous ici?
— Vous m’avez vue nue, à mon tour maintenant. Et comme je n’ai pas votre imagination, je me dois de tirer profit d’une situation réelle.
Elle le déshabilla du regard, avec la même lenteur et la même impudence.
— Et je ne suis pas déçue!
Avant même que Jules ne pût répliquer quoi que ce soit, la porte de la salle commune s’ouvrit et un groupe de personnes entrèrent. Au son des voix qui s’entremêlaient, ils devaient être plusieurs. Dans un amalgame de rires et de commentaires, Jules devina facilement que ces personnes appartenaient à son groupe de formation.
— Chantez, lui dit-elle tout bas!
— Pardon!
— Oui, chantez, si vous ne voulez pas que l’un d’eux entre ici… du moins, je le suppose.
Jules se sentit coincé. Il balbutia à voix basse sa comptine.
— Plus fort, lui répéta-t-elle en souriant.
Jules se reprit et engagea la comptine comme s’il était sous la douche. Il se sentait ridicule. Entièrement nu, face à cette femme, en train de débiter une chanson enfantine, il ne trouvait pas la situation agréable. Et la peur d’être surpris par une tierce personne accentuait son inconfort.
Les nouveaux arrivés se dispersèrent parmi les douches vacantes. Jules entendait le bruit des rideaux qu’on déplace. Il craignait toujours de voir le sien s’ouvrir d’un geste brusque. Il chanta plus fort et chercha sa serviette de bain. La grande rousse la tenait derrière elle.
— Tournez-vous, que je vous essuie, lui chuchota-t-elle, accompagné de gestes pour qu’il comprenne.
— C’est toi Jules, fit une voix en provenance de la douche voisine.
— Heu! Oui!
Pour comble de malheur, quelqu’un du groupe avait reconnu sa voix… et il fallait que ce soit le voisin de douche immédiat.
— C’est moi, Claude. On te cherchait tantôt. Nous allons en ville. La cafétéria, ce n’est pas notre fort. Tu viens avec nous?
Jules sentit le contact de la serviette sur ses épaules. La gérante l’essuyait délicatement. Elle épongea le dos, les fesses sur lesquelles elle s’attarda quelque peu. Elle se colla à lui.
— Je ne travaille pas ce soir, lui glissa-t-elle d’une voix chuchotante.
Et, d’un geste en harmonie avec la douceur de sa voix, elle glissa délicatement la main entre les cuisses de Jules et vint lui essuyer gentiment les bourses. Jules se sentit faiblir. Deux seins fermes lui électrisaient le dos. Elle se colla encore plus à lui et lui mordilla le lobe de l’oreille.
— Au fait, je m’appelle Hélène et je suis totalement libre. Cela fait plusieurs mois que je n’ai pas fait l’amour. Je suis très sélective et il y a longtemps que je ne me suis pas sentie autant attirée par quelqu’un… Et j’ai tout ce qu’il faut pour nous protéger.
Tandis qu’elle essuyait, ou, plutôt, mignotait de la main droite le scrotum de Jules, sa main gauche s’était furtivement engagée sur le contour extérieur de la cuisse, s’aventurant dangereusement vers une verge en expansion. Son mouvement de la main était lent, mais engageant. Jules n’osa pas baisser la tête et regarder cette main qui se rapprochait de son intimité, mais les images érotiques qui s’imposaient à son esprit accéléraient le processus de turgescence.
— Tu sais ce que j’aime, lui susurra-t-elle à l’oreille… J’aime bien faire une pipe à un homme fortement érotisé qui sort de la douche.
Et elle se colla encore plus à lui.
— Jules, fit Claude de l’autre côté du mur, tu viens avec nous! Nous y allons tous… sauf Tsé-tsé évidemment.
— Tsé-tsé, demanda Jules?
— Oui, le formateur. On compte sur toi. Paul a un minibus et nous y allons tous ensemble. On aura un plaisir fou. On part à 17 :30 heures, mais on ne sait pas à quelle heure on reviendra.
Jules tourna la tête vers Hélène.
— Arrête, je t’en prie, crut-il lui susurrer à l’oreille.
— Le prix, reprit Claude? Paul n’en a pas parlé, mais je crois qu’en se partageant les frais d’essence il n’y aura pas de problème.
Hélène continua son investigation du corps de Jules, déterminée plus que jamais à lui montrer ce dont elle était capable. Elle lui essuya de la main le devant de la cuisse et l’abdomen, prenant bien soin d’éviter tout contact direct avec le pénis de Jules.
Pour comble de malheur, Paul était dans une douche, quelque part, là, dans cette salle.
— Rien à craindre, Jules, je ne te chargerai rien.
Piqué, Jules ne voulait surtout pas passer pour un avare.
— Je n’ai jamais parlé de prix… j’avais dit : « Oui ».
— Excuse-moi, fit Claude qui venait de couper l’eau de sa douche, j’avais mal compris. Tu comprends, avec le bruit de la douche. Alors, on se rejoint à 17 :30 heures à l’entrée.
— D’accord, accusa Jules. Son timbre de voix manquait d’enthousiasme.
Haussant les épaules, il regarda Hélène qui venait de mettre fin à son geste chaleureux. Ses yeux exprimaient de la tristesse et de l’assentiment : elle comprenait la situation.
— On se reverra, lui glissa-t-elle dans un sourire franc. Et elle quitta les lieux sans se préoccuper de vérifier si quelqu’un était sorti de sa douche individuelle. Elle laissa le rideau extérieur ouvert. Jules jeta un rapide coup d’œil dans la grande salle. Personne! Il le referma d’un mouvement sec et s’assied sur le banc, une érection mourante entre les deux jambes.
— Ouf, pensa-t-il! Quelle situation embarrassante … Et tout ça, à cause d’un clin d’œil.
Jules réalisait qu’il était pratiquement acculé au pied du mur. Ou il mettait fin à ce début d’aventure ou il acceptait l’idée d’être infidèle. Avec cette Hélène, il n’y avait pas de demi-mesure.
Il s’habilla à la hâte et sortit des douches en même temps que Claude.
La soirée fut bien, pas plus. Ils revinrent tous, éméchés vers les petites heures du matin. Seul Paul, le conducteur, avait conservé toutes ses facultés.
Jules se laissa tomber sur sa paillasse. Le conflit physiologique issu d’une surdose de café et d’alcool l’incommodait passablement. Le sommeil se présentait bien, mais aussitôt les portes de la conscience traversées, il revenait à la surface… ou presque. C’était comme dormir tout en ayant conscience de son environnement. Le temps n’existait plus. Sa pensée vagabondait entre les souvenirs érotiques de ses premières relations avec Thérèse et les fantasmes récents qu’il cultivait à l’égard de la gérante des lieux.
Combien de temps resta-t-il ainsi? Il ne put le dire. Toutefois, lorsqu’il remonta à la surface, les sensations corporelles étaient suffisamment réelles pour qu’il soit tenté d’ouvrir les yeux. La chambrette dormait dans la pénombre du lampadaire extérieur. L’odeur de détergent lui revint et il sut qu’il était parfaitement réveillé. Il se leva et regarda par la fenêtre. L’aurore pointait déjà. La nuit lui avait semblé si courte.
Il s’habilla lentement, très lentement en pensant à la journée qui débutait. Assis sur son lit, le rasoir électrique en mouvement, il se demandait bien comment il allait composer avec les offres de la gérante. Une aventure hors des sentiers battus, cette espèce de petit égarement hors censure qui revitalise une sexualité endormie, exerçait un attrait plus grand qu’il ne l’aurait voulu. Il y a plusieurs années, il avait fait une croix sur certaines pratiques sexuelles. Il savait que sa Thérèse avait apposé une interdiction rituelle sur certains gestes et qu’elle n’y reviendrait pas. Il s’était fait à l’idée de ne plus jamais les vivre.
Mais là, l’occasion se présentait. Allait-il la laisser échapper? Il n’avait pas l’intention de faire du mal à Thérèse tout comme il n’avait pas le goût de poursuivre sa relation de couple dans le mensonge. Mais il espérait, au plus profond de son être retrouver les sensations que procure une langue sur un pénis, se réapproprier le goût que pouvaient avoir certaines sécrétions féminines. Il aimerait tant reconnaître les doux parfums de la passion, ces phéromones qui excitent divinement l’érotisme.
Le choix était d’autant plus déchirant lorsqu’il se remémorait les paroles que la gérante lui avait murmurées dans la douche.
— Et si je bouclais mes valises et que je retournais à la maison illico, se dit-il. Il n’y a pas de honte à fuir un ennemi trop puissant.
Mais le cœur n’y était pas. Il n’avait pas plus le goût de fuir que de rester. Il maudissait tout simplement la situation dans laquelle il s’était enlisé.
Comme dans bien des situations qu’il avait déjà vécues, il opta pour la solution la plus simple : attendre et composer avec les éléments au fur et à mesure qu’ils se présentent.
À 7 heures il prit la direction de la cafétéria. Claude était déjà installé devant un superbe petit déjeuner de bûcheron qu’il engouffrait comme s’il n’avait pas mangé depuis des semaines.
— Les sorties creusent l’appétit, lui dit-il.
Jules se prit un café et un muffin, histoire de ne pas passer l’avant-midi l’estomac vide.
La formation fut tout aussi ennuyeuse. De plus, Tsé-tsé semblait avoir mal dormi, ce qui n’améliorait en rien ses performances d’orateur et de pédagogue. Lorsque midi arriva et que le groupe sortit de la pièce pour aller se nourrir, chacun des participants en connaissait moins qu’à leur arrivée, le matin. En fait, le formateur les avait plus emmêlés qu’autre chose. Un soupçon d’agressivité était au rendez-vous. Chacun mangea son assiette de spaghetti, pâteux et à demi froid.
Jules évita le coin de la réception. Il préféra sortir à l’extérieur par une porte arrière, évitant autant que possible de rencontrer la gérante. L’air était frais et le soleil caché derrière une épaisse couche de nuages. Une irrésistible envie de sauter dans sa voiture et de retourner chez lui le tenaillait. Cette femme lui faisait peur. Le clin d’œil qu’il lui avait retourné était de trop. Maintenant, elle était convaincue qu’il avait arboré sa disponibilité et attendait le retour de l’ascenseur.
Jules retourna au local de formation un peu avant les autres. Il voulait envoyer un courriel à Thérèse avant le début de la formation de l’après-midi. Les portables étaient tous branchés sur Internet.
En bougeant la souris pour désactiver la mise en veille de son appareil, il vit apparaître la fenêtre du bloc-notes. Un court paragraphe y figurait :
« Je serai à la chambre 139 à partir de 16 heures. J’ai une situation particulière à t’offrir. C’est une proposition honnête. De plus, si cela t’intéresse d’étudier certains protocoles de communication, je suis tout à fait disposée à expérimenter de nouvelles approches. »
Voilà, se dit-il. La balle est dans mon camp. Le choix m’appartient et il va falloir que je le fasse.
L’après-midi fut long, terriblement long. Il n’entendit rien de ce que présenta le formateur. Son esprit était trop préoccupé par la décision qu’il devrait prendre à 16 heures. Il s’en voulait d’hésiter. Il en voulait à sa femme pour les interdits qu’elle lui avait imposés. Il en voulait aussi à cette femme pour le choix qu’elle l’obligeait à faire. En fait, il en voulait à tout le monde en commençant par lui-même.
Et que voulait-elle dire par situation particulière, proposition honnête?
Lorsque le glas de 16 heures sonna, il était toujours aussi indécis. Il retourna à sa chambrette et s’étendit sur le lit. Pendant plus d’une quinzaine de minutes, il ressassa le problème sous tous les angles qu’il avait déjà étudiés. Non! Pas tous! Il lui vint l’idée de tirer à pile ou face : pile, je vais la voir, face, je reste ici. Enfin, il jugea qu’il se devait de la rencontrer, ne serait-ce que pour lui expliquer l’imbroglio dans lequel il s’était enlisé et connaître la situation particulière qu’elle voulait lui offrir. Il décida donc de se rendre à la chambre 139 et de discuter avec elle. De cette discussion naîtrait certainement la décision à prendre.
La chambre 139 se trouvait, en toute logique, au premier étage, dans l’aile des chambres 120-140. Un coin tranquille, peu fréquenté par les touristes. Jules remarqua que la distance entre les portes était beaucoup plus grande, que la moquette recouvrant le plancher du corridor était neuve! De beaux lustres projetaient leurs rayons sur des murs fraîchement peints. La chambre 139 se situait à l’extrémité du corridor.
Il se présenta devant cette porte le cœur serré et les jambes molles. L’idée de tourner les talons fut forte, presque insoutenable. Mais, il se devait de s’expliquer avec elle, du moins, le croyait-il sincèrement.
Il frappa doucement. Trois petits coups… qu’il espérait peut-être passer sous silence … Trois petits coups qui décideraient peut-être de l’avenir de son couple.
Des bruits de pas se firent entendre. Elle était là. Un bruit de serrure que l’on déverrouille claqua. Une chaîne à glissière tinta. Une poignée grinça légèrement et la porte s’ouvrit.
Elle était là, debout devant lui, belle comme un cœur, une robe de coton lui moulant parfaitement les hanches. Un décolleté, plongeant, mais pas trop, attirait facilement le coup d’œil. D’autant plus que le soutien-gorge faisait corps avec la robe et n’étranglait pas le buste de son hôte. Un petit mouvement vers l’avant ne pouvait qu’attiser un regard libertin. Une coiffure, légère, bouclée lui procurait cet air de jeunesse, symbole d’une liberté sexuelle moderne.
— Entrez, lui dit-elle. Je commençais à croire que vous ne viendriez pas.
— C’est que… vous voyez…
— Je sais, vous hésitez. Vous aimez votre femme. Entrez, on peut toujours en discuter.
L’intérieur de cette chambre n’avait rien à voir avec la chambrette qu’occupait Jules. Un luxe discret, mais réel transpirait son odeur de raffinement. Les meubles, le lit, les rideaux, tous des éléments de qualités qui s’harmonisaient en un ensemble chaleureux.
— C’est beau, ici, remarqua Jules. Il cherchait un moyen d’atténuer son malaise. Il se sentait regardé, scruté, jaugé, examiné sous toutes les coutures. Essayait-elle d’évaluer son degré d’hésitation?
— Oui, c’est une pièce mise à la disposition des actionnaires du centre. Ils peuvent l’occuper pour des occasions spéciales. Je l’ai réservée hier après-midi. Après l’aventure de la douche, cela me semblait pertinent.
— Qui vous a dit que j’aimais ma femme?
— Personne! Il y a longtemps que je me suis fait à l’idée que seul une certaine catégorie d’hommes avait de l’importance pour moi : ceux qui aiment leur femme. Ils se dégagent d’eux quelque chose de particulier, je ne sais pas quoi… Et plus ils aiment leur femme, plus ils m’attirent. C’est comme ça depuis mon adolescence. Si je me fie à l’effet que vous me produisez, vous devez adorer votre conjointe.
Jules prit place dans un grand fauteuil près du lit. Elle, par contre, s’assied sur le rebord du lit, les jambes croisées, la posture droite.
— J’ai de la difficulté à vous suivre, remarqua Jules. Plus un gars aime sa femme, moins les chances d’aventure sont grandes.
— Pas nécessairement, tout dépend des valeurs et des frustrations de chacun. Plusieurs hommes adorent leur femme et n’ont pas de problème avec l’infidélité… du moins la leur. D’autres en ont, ce qui ne les empêche pas de sauter la clôture tout de même… Et puis, on peut se tutoyer, n’est-ce pas ?
— Heu! Oui!
— Je t’offre quelque chose?
Elle se pencha pour ouvrir la petite porte de la table de chevet. Jules ne put s’empêcher d’avoir une vue plongeante du décolleté : deux belles rondeurs, tachetées de petits points de rousseur occupaient les lieux. Un frisson de sensualité le traversa. Il avait toujours été sensible à ce phénomène. Un sein nu, exposé à tout vent sur une plage, n’a aucun intérêt ou si peu. C’est une matière flasque, souvent déformée et sensible à la gravité et à l’inertie. Par contre, là entrevu subrepticement, à moitié emmitouflé à travers les épaisseurs de tissus, il provoque un effet foudroyant. Il se présente comme un joyau, protégé dans un écrin créé exclusivement pour lui. Son effleurement des yeux a beaucoup de charme, de volupté. Il s’offre comme la caresse d’un trésor souvent inaccessible, alimentant les rêves des rêveurs et les chimères des timides… Et il est moins engageant que la parole ou le geste.
Jules observa Hélène dans son mouvement. Elle ne semblait pas avoir prémédité le geste. Un coup du hasard? Peut-être! Son mouvement avait été naturel et, une fois la bouteille d’apéritif en main, elle s’était relevée avant de se retourner vers Jules. Elle attrapa deux verres qui traînaient sur la table de chevet et les remplit.
— J’ai pris l’initiative, dit-elle, de nous commander un repas. C’est le cuisinier de la cafétéria, mais je peux t’assurer que tu ne seras pas déçu. Tu aimes les fruits de mer?
— Oui.
— Parfait! C’est réglé. Tu n’avais pas d’autres projets pour ce soir?
— Non.
Jules réalisa que s’il voulait s’en tenir à de simples explications de ses états d’âme, la conjoncture des événements glissait étrangement dans l’univers de la précarité. Cette femme se comportait comme si, d’office, il était tout à fait consentant. Pourtant, elle avait bien pris la peine le lui préciser qu’elle était disposée à en discuter… Mais! Discuter de quoi? De l’amour que Jules ressentait pour sa femme… Des remords qu’il craignait s’il allait plus loin dans cette aventure? Ridicule tout ça! Ce prétexte n’était sans doute que le petit coup de pouce dont il avait besoin pour traverser le seuil de cette porte. Elle lui avait donné. Lui l’avait accueilli avec plaisir. Et la situation particulière à offrir, était-ce l’appeau qui avait touché sa sensibilité?
Maintenant, comment rebrousser chemin? Comment dire à cette femme qu’il n’avait aucune envie de satisfaire ses fantasmes avec elle alors que son corps en entier le désirait au plus haut point ? Comment gravir une pente abrupte alors qu’il la dévalait à la grande course? Comment dire non au plongeon dans cet univers de volupté qu’il croyait perdu?
— 18 Heures, ça te va?
— 18 Heures?
— Oui, le repas! Tu me sembles songeur! Regrettes-tu d’être venu?
— Heu! Non… Je ne sais pas trop.
— Tu vois, c’est l’une des raisons pour lesquelles je suis particulièrement attiré par ton type d’homme. Lorsqu’ils se présentent devant moi, l’assurance du mâle phallocrate n’y est pas. Je rencontre plutôt des individus hésitants qui manquent d’audace et d’aplomb. Ce sont des hommes plus faciles à rejoindre intérieurement. Ils ont une certaine douceur que j’apprécie beaucoup. Écoute! On n’élabore pas de projet pour ce soir. On se contente de prendre un bon repas, de parler à cœur ouvert, honnêtement, sans rien avoir à prouver, de ton côté comme du mien. Tu auras le loisir de partir quand tu le voudras. Je ne te violerai pas et je ne deviendrai pas agressive si tu décides de te contenter du repas. Mais je t’avertis! Si tu fais un pas en avant, ne compte pas sur moi pour reculer. Tu fais un geste, j’en fais un à mon tour et j’attends le suivant de ta part. Ainsi, tu auras toujours le choix de pourvoir cesser le jeu. Par contre, je me sens totalement libre d’exprimer ma pensée par des paroles adéquates.
C’était ça sa situation particulière qu’elle voulait lui offrir : un jeu.
Le regard de cette femme était franc et sans équivoque. Jules savait qu’elle respecterait ses règles du jeu. En fait, il avait beaucoup plus confiance en cette femme qu’en lui-même. Il jouait avec le feu et il le savait. La situation était si excitante… si nouvelle.
— Et n’espère pas que je te rende la situation plus facile, ajouta-t-elle. J’ai le goût de faire l’amour avec toi. J’ai vu ton corps dans la douche et il me plaît beaucoup. J’ai envie que tu me serres dans tes bras et que tu me donnes beaucoup d’affection, de tendresse… comme tu dois certainement en donner à ta femme.
— Heu!
— Mais tu peux te contenter d’un simple repas en ma compagnie.
— Étrange comme proposition, avoua Jules.
— Non! Pas du tout. Mes charmes contre la force de tes convictions. Par contre, j’espère bien compter sur l’appui de tes frustrations. Mais je ne les connais pas. À moi des découvrir. Et si je perds, façon de parler parce que pour moi il n’y a pas de perdant, j’aurai quand même bénéficié d’un excellent repas en compagnie d’une personne qui m’apparaît très charmante. Et, à propos de la chambre et du repas, ils font partie des avantages sociaux de mon contrat.
— C’est un accord qui me semble honnête… et je crois que ce jeu me plaît. Un peu saugrenu, peut-être, mais sans doute très intéressant. Parfait! Mais laisse-moi tout de même payer le vin. Et si tu le permets, je vais aller prendre une douche et me changer. La journée a été pénible et j’aimerais me rafraîchir un peu. Je reviendrai pour 18h 30.
— Ne te donne pas cette peine. Regarde ici.
Elle se leva et ouvrit une porte qui donnait accès à une superbe salle de bain. Elle ouvrit la penderie et en sortit un magnifique peignoir de ratine blanche.
— Tu veux toujours aller prendre ta douche dans la salle commune?
— Heu!
Jules se souvenait bien des paroles de cette femme, la veille… et de son attitude dans la douche. Il la regarda, tenant le peignoir à bout de bras, un air angélique dans les yeux.
— Je n’irai pas t’essuyer, je n’ai pas droit au premier geste. Mais tu connais la faiblesse que j’ai à propos des hommes qui sortent de la douche, ce que j’aime faire avec eux.
Jules fut un peu dérouté par ces propos, mais comprit la distinction qu’elle apportait entre gestes et paroles. Le jeu s’annonçait beaucoup plus subtil qu’il le croyait.
— D’accord, je prends ma douche ici! Mais, pour le dîner, ce peignoir, sera-t-il mon seul et unique vêtement? Je ne voudrais surtout pas que tu l’interprètes comme un premier geste de ma part.
— Oh là là! Quel adversaire! On va s’amuser follement. D’accord, je ne considérerai pas cela comme un premier geste de ta part. Mais, si tu veux me faire plaisir, porte-le, rien en dessous évidemment. Cela fait partie de mes petits fantasmes et cela me ferait vraiment plaisir… Tu ne risques rien à me faire ce petit cadeau!
— D’accord, j’y vais.
Jules compara la qualité de cette salle de bain à celle des hôtels cinq étoiles. Un étalage de bouteilles, shampoing, savon de corps, lotion après-rasage et autres étaient alignés le long du meuble-lavabo. Plusieurs grandes marques y figuraient. Il choisit un shampoing et un savon tout à fait inconnu pour prendre sa douche, mais appliqua une lotion après rasage dont l’odeur légèrement épicée semblait bien convenir à sa personnalité.
Il se peigna, ajusta son peignoir se jeta un dernier coup d’œil dans le miroir et sortit de la salle de bain. Hélène avait respecté sa parole. Elle était assise dans le grand fauteuil, les jambes croisées, un sourire indéfinissable sur les lèvres. Elle regardait Jules, un regard plein de désir, de tendresse, mais aussi plein de stratégie.
— Que veut dire ce regard, lui demanda Jules?
— Tu as fait un premier geste. C’est à mon tour maintenant.
— Non! Il me semblait que le peignoir ne comptait pas.
— C’est vrai! Le peignoir ne compte pas. Ce n’est pas cela. C’est la lotion à barbe que tu as choisie. Elle te va tellement bien qu’on peut considérer ce choix comme un premier geste, un geste délibéré pour me charmer.
— Voyons! L’application d’une lotion à barbe est un geste de provocation sexuelle?
— Oui! En mets-tu chez toi, après le rasage du matin, lorsque tu vas tondre ta pelouse?
Hélène se leva, s’approcha de Jules, se suspendit à son épaule et lui embrassa doucement le lobe de l’oreille. Elle glissa la langue sur le contour extérieur du pavillon pendant que son genou droit essaya de se faufiler entre les deux jambes de Jules. Jules sentit une pression au bas-ventre et cela lui procura de grands frissons. Elle retourna par la suite s’asseoir dans son grand fauteuil.
— Pour cette fois-ci, je ne serai pas trop gourmande. D’autres occasions se présenteront bien sous peu.
Jules ne put que demeurer muet face à cette remarque. Cette femme était si sûre d’elle. Et il se sentait tellement vulnérable entre ses mains. Par contre, il avait tellement envie de se laisser emporter par la vague.
— Je crois que je ne suis pas de taille!
— Tu peux partir immédiatement si tu le veux. Rien ne t’en empêche… Mais je crois que tu n’en as pas envie. Tu ne veux pas tromper ta femme, mais la situation t’excite… ce petit jeu fait revivre en toi le goût du risque, la témérité du mâle. Tu ne conduis plus ta voiture à 160 km/h, mais tu as toujours conservé un certain intérêt pour les émotions qui grisent. Et aujourd’hui, même si les chances de te brûler sont élevées, tu ne peux pas t’empêcher d’y prendre goût. Et un jeu sexuel en plus! Le rêve de bien des hommes.
Jules ne put faire autrement qu’admettre l’exactitude de ces faits . Il était tout simplement fasciné par la situation. Mais il savait aussi que, lorsque viendra le temps de quitter les lieux, ce serait difficile. Il la voyait devant lui, chaleureuse, disponible, prête à satisfaire au moins l’un de ses fantasmes. Et elle, belle comme un cœur par-dessus tout.
— Je me surestime sans doute, lui avoua-t-il en la contemplant des pieds à la tête. Tu es tellement belle! Je me demande s’il t’est arrivé de perdre à ce jeu?
— Pour moi, il n’y a pas de perdant. Il n’y a que des conclusions plus agréables que d’autres. Bien sûr! Parfois j’aurais préféré une issue plus romanesque, moins tranchante. Mais cela fait partie du jeu. Il n’est pas exclu que la panique s’empare de toi et que, à brûle-pourpoint, tu décides de t’en aller… Et si cela arrive, ce sera bien ainsi. Le jeu aura valu la peine d’être joué puisqu’il nous aura fait vivre quelque chose d’intéressant. Tu sais, s’il se terminait toujours comme je le voudrais, j’y perdrais de l’intérêt, à la longue.
Hélène se leva, ramassa la bouteille d’apéritif et vint remplir le verre de Jules.
— N’empêche! Ton choix de lotion après-rasage était parfait. Sans le savoir, tu as touché à l’un de mes points sensibles. J’adore chez l’homme cette petite odeur épicée. Cela aiguise mon érotisme. Et toi! Qu’est-ce qui aiguise le tien?
— Une grande harmonie de couleurs entre les vêtements et le teint de la personne, ce que tu as réussi à merveille en portant cette robe.
— Oh! Merci, c’est un beau compliment ça!
On frappa à la porte.
— C’est le dîner, dit-elle en se levant.
Elle revint avec un chariot d’hôtel sur lequel deux plateaux recouverts de cloches en argent y étaient disposés. Deux bouteilles de vin accompagnées de coupes en cristal ornaient l’ensemble. Elle plaça le tout sur la petite table près de la fenêtre, ferma les rideaux, disposa les chaises l’une en face de l’autre et se retourna vers Jules.
— J’ai choisi ce menu parce qu’il était plus pratique pour les circonstances. Il peut se manger froid. Viens, dit-elle, Monsieur est servi… Et, y a-t-il autre chose qui stimule ton érotisme?
— Oh! Juste le fait de savoir que je peux vivre mes fantasmes avec la belle femme qui se trouve devant moi, c’est suffisant. Je me sens tellement vulnérable. Je crois que je devrais partir. Je ne suis pas certain de pouvoir garder le contrôle de la situation si je plonge dans l’une de ces bouteilles vin.
Jules se leva, regarda autour de lui. Hélène savait très bien ce qu’il cherchait des yeux. Heureusement, ils étaient demeurés dans la salle de bain, pendus sans doute au crochet derrière la porte. Elle connaissait cette crise de panique qui agressait la majorité des hommes fidèles. Cette dernière survenait toujours à un moment déterminant du jeu. Une espèce d’intuition les avertissait du danger et souvent, plusieurs d’entre eux quittaient précipitamment les lieux. La stratégie de la douche et du peignoir lui donnait un certain répit pour récupérer la situation. Si elle réussissait à le convaincre de rester, le pire obstacle du jeu était surmonté.
— Tu n’es pas obligé de boire, reprit-elle. Contente-toi de goûter à ce plat. Tu m’en diras des nouvelles.
Jules hésitait. Il n’avait plus l’assurance du début. Il se sentait extrêmement vulnérable sous ce peignoir. Une situation complètement stupide, un jeu totalement absurde. Il se sentait très loin de chez lui. Il s’ennuyait de sa Thérèse, de la sécurité de ses petites hab
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