Chuchotements, toussotements et commentaires cessent d’un coup lorsque la poursuite, qui jusqu’alors balayait le public, vient se fixer sur le rideau rouge au bout du podium. Un court instant de silence et les trompettes de la « Marche Nuptiale » retentissent. Le rideau se lève. La réaction des spectateurs est immédiate. Ils se lèvent, acclament et applaudissent la robe de mariée qui vient de leurs être dévoilée. Longue traîne fixée aux cheveux, veste blanche étincelante de paillettes argentées si courte qu’elle laisse apparaître le nombril. Le public présent connaît et reconnaît le talent d’Ernest Filozio, grand styliste de la haute couture, aux goûts excentriques et décalés. Mais ce qu’ils acclament, c’est le reste. Le mannequin s’avance lentement, sur des talons aiguilles impressionnants. Ses jambes sont gainées de bas blancs fixés à une porte jarretelle que la courte jupe de dentelle blanche ne cache pas. Un triangle de tissu a été découpé du devant des cuisses jusqu’à la boucle de la ceinture dévoilant ainsi le sexe du sujet. Filozio, dans sa poésie douteuse, avait annoncé dans son programme que cette robe dévoilerait la pensée féminine. La foule est debout tapant dans les mains.
Au pied du podium, pourtant, une jeune femme est restée assise. Ses mains sont jointes devant sa bouche et une larme coule sur son visage. Une larme d’émotion. Une émotion si intense qu’elle ne peut l’exprimer, et qui la laisse figée sur son siège.
Tout a commencé il y a deux semaines de ça, quand Emma feuilletant un magazine tombât sur une petite annonce étrange.
« Nicolas ! Viens voir, tu vas rire ! »
Sous la douche, son chéri n’a nullement envie de se déplacer.
« Bon ! Ben ! Coupe l’eau et écoute ça. »
« Ça ne peut pas attendre un peu ? »
« Non, Nico. Ecoute tu vas rire je te dis. Ernest Filozio recherche de toute urgence un mannequin homme pour la présentation de sa robe de mariée. Le casting aura lieu dans ses locaux demain à 16 heures. »
Il sort de la douche et att**** une serviette.
« Tu as raison, c’est drôle. Ce type est complètement dingue. »
Cindy appuyée à la porte regarde son homme nu avec un sourire malicieux.
« Pourquoi dingue ? Moi je trouve ça très intéressant au contraire. »
Se frictionnant les cheveux avec vigueur, Nico persiste à trouver cela ridicule, quand dans le miroir il croise le sourire de la coquine.
« HA NON ! Emma, n’y compte pas. Je ne suis pas mannequin. »
« Mais tu en rêve de défiler en femme, tu me le dis à chaque fois que tu te travestis. Ne me dis pas que ça te déplairait. »
« Oui, bien sûr, mais tout ce monde et puis je ne saurais pas faire. Voilà ! »
Il arrive au bout du podium, face à son épouse. Elle trouve la force de se lever. A un mètre au dessus d’elle Nicky lui lance le bouquet de la mariée. Difficile maintenant, pour lui, de cacher la dernière trouvaille du Maître. Dans le triangle manquant, le sexe de Nicky est enveloppé d’un ruban de dentelle rose se terminant par un très joli nœud. Emma ne peux s’empêcher de sourire, mais elle lui lance un baiser en lui disant sur le bout des lèvres « Tu es belle, ma Nicky. Je t’aime. »
Filozio rejoint son mannequin, salut et ils disparaissent dans un tonnerre d’applaudissements et une pluie de confettis.
Dans les loges c’est la cohue. Tout le monde se bouscule pour avoir un autographe de la nouvelle égérie du Maître. Nicky se prête volontiers au jeu trouvant plutôt sympathique sa notoriété soudaine.
Des femmes se bousculent pour lui effleurer le sexe, prétendant que ça leurs portera chance. Une ribambelle d’homos des deux sexes vient l’embrasser lui assurant qu’une telle chose allait faire bouger les mentalités. Mais Emma arrive et c’est eux qu’elle fait bouger. Elle pousse tout ce petit monde dehors et ferme la porte. Elle s’y adosse un moment, surveillant la poignée. La folie semble passée et elle peut enfin féliciter son mari. Elle se jette dans ses bras.
« Tu vois bien que tu l’as fait. Je suis tellement fière de toi. Tu étais si belle ! Hooo, mon amour. Si tu savais comme je t’aime mon petit amour de travesti.»
« Et ton mari ? Tu l’aimes ton mari ? Petite allumeuse ! »
Nicky l’att**** par les hanches, la soulève et l’assoies sur la table de maquillage. En un instant il a retiré sa perruque et dénoué le ruban rose. D’une poigne virile il agrippe les cheveux d’Emma et lui tire la tête en arrière. Elle adore quand son homme quitte Nicky pour redevenir Nico, le fougueux Nico, celui qui la fait si bien jouir. Elle adore quand la bête qui sommeille, refait surface.
Il enfouit son visage dans le cou de la belle. Il la lèche, la mordille. Elle, les yeux fermés se laisse submerger par le désir et le plaisir. Il agace les tétons tendus au travers du corsage fin, puis, ni tenant plus, il remonte la petite jupe écossaise et tire violemment sur le string qui va retrouver la perruque sur le sol. Il bande déjà comme un taureau quand il lui lève les jambes pour l’amener à lui. La belle, le cou plié, la tête dans le miroir entouré d’ampoules, s’agrippe à la table prête à recevoir son homme. C’est une fleur inondée que trouve le gland violacé. D’un coup de rein puissant il la pénètre jusqu’à la garde. Les angoisses, les craintes, le stresse, tout disparaît un peu plus à chaque coup de butoir. Emma ne se reconnait plus et s’étonne de s’entendre dire :
« Ho oui ! Baise-moi ! Baise-moi fort ! Baise-moi à fond ! Fais-moi mal ! »
Et lui, dans le même état de répondre :
« Tiens salle chienne. T’aimes ça de me voir en pute, salope ! Je vais te défoncer, je vais te remplir à ras bord ! »
Alliant le geste à la parole, il se vide en elle en de longs jets chauds et puissants.
C’est pendant le nettoyage de la queue de Nico par les lèvres pulpeuses de son épouse, s’appliquant à ne laisser aucune trace de foutre, qu’ils sont surpris par la porte qui s’ouvre. Un homme entre et referme la porte aussitôt. Nico se fâche.
« On vous a pas appris à frapper aux portes ?! »
Ceci dit, il n’a pas lâché les cheveux de sa femme, qui continue à faire son nettoyage. Certes surprise par ce manque de savoir vivre, elle ne semble pas plus gênée que ça.
C’est un homme grand, maigre, avec de petites lunettes circulaires, d’environs cinquante ans. On pourrait le prendre pour un huissier du début du siècle.
« Pardonnez mon intrusion si soudaine, mais il y a encore beaucoup de monde dans le couloir et…comment dirais je ? Je ne voulais pas être vu entrant ici, afin de vous éviter une invasion de curieux. Voyez-vous ?! »
« Vous voulez un autographe ? »
« Non, pas du tout, heu ! Comment dirais-je ? Je veux bien plus. Je me présente, Georges Demaison. »
Emma satisfaite de son travail se relève et tout en s’essuyant la bouche, puis le sexe, demande :
« Que peut-on faire pour vous ? »
« Et bien voilà. Demain soir, j’organise une soirée avec quelques amis … heu ! Comment dirais-je ?…choisis. Oui c’est ça, des amis choisis. Votre prestation …et ce que je viens de voir, me laisse penser que vous pourriez … comment dirais je ?… participer en quelque sorte au bon déroulement de ma petite sauterie. Voyez vous, hum ? Oui, c’est ça…participer. »
Sa petite voix de bourgeois fait sourire Emma, mais elle manque de s’étrangler quand elle entend Nico dire :
« Pas de problème, nous viendrons. »
« Parfait ! Voici ma carte de visite. Venez pour 21 heures si vous le voulez bien. Oui, c’est ça 21 heures. Inutile je pense de vous dire que je souhaite vous recevoir …heu ! Comment dirais-je ?…en femme. Oui c’est ça en femme… 21heures. »
Il tourne les talons et s’en vas.
Emma éclate de rire si fort que l’homme dans le couloir ne peut que l’entendre.
« Emmaaa !! chutttt !! Arrête, enfin ! Il va t’entendre ! »
Les larmes aux yeux, se tenant le ventre de douleurs, elle lui répond entre deux éclats de rire.
« Et voilà ! Tu vas faire comment maintenant, toi qui n’as jamais voulu sortir travesti, te voilà pris à ton propre jeu. Hi, hi ! C’est malin ! heuuu… comment dirais je…amis choisis, heuu.. Comment dirais-je…en femme ? »
« Merde ! T’as raison. J’ai parlé trop vite. Tu m’aideras, dis ? »
Elle lui tourne le dos, se penche et s’accoude à la coiffeuse. Elle se cambre bien, lui présentant ainsi son cul sous le meilleur angle. En grande et experte provocatrice, elle le regarde dans le miroir, faisant semblant de se limer les ongles et d’un sourire narquois lui répond
« Faut voir, ma belle…heuuu… Comment dirais je ?… faut voir. Oui, c’est ça… Faut voir. »
Tout en gainant ses jambes de bas de soie, Nico regarde les deux robes étendues sur le lit.
« Je ne sais vraiment pas Emma, la rouge est très voyante, non ? »
« Écoute Nico, je voudrais bien finir de me maquiller, s’il te plait. Si la rouge ne te conviens pas, prends la noire, et voilà. »
« Mais c’est impossible…c’est la même que toi, enfin ! »
La belle éclate de rire et chantonne « Les demoiselles de Rochefort.»
« Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le…. Fais pas la tête, ça peut être drôle, non ? »
« Pour qui ? »
Emma se lève et vient enlacer son mari.
« Hooo ! Mon chéri aurait t’il peur ? Je te rappelle que c’est toi qui a accepté cette invitation. »
« Oui, bon, d’accord. Mais je n’étais pas moi-même, tu comprends. Et puis on ne sait rien de ce drôle de type, ce Demaison. Pfffff ! Je sais plus quoi faire. Et si on n’y allait pas ? »
« Quelles chaussures vas-tu porter avec ta robe noire ? »
Nico comprend qu’il ne sert à rien de parlementer. Emma est prête et plus rien, plus aucun argument ne la fera changer d’avis. Il passe la robe noire, ajuste sa perruque, enfile des hauts talons et se place près d’Emma devant le grand miroir de la chambre.
« Humm ! Faut que je fasse gaffe, tu vas finir par être plus jolie que moi, hihihi ! »
« Dis moi Emma, le string et le soutien gorge ne ressortent pas de trop à travers la dentelle ? J’ai l’impression qu’on ne voit que ça ! »
« Tu es trop mignonne quand tu angoisse toi. Oui, on ne voit que ça et c’est le but recherché. Allez, mets ton manteau et on y va. Je déteste être en retard. »
Arrivée à la voiture, Nicky fait une dernière tentative.
« Houlà !! Tu ne trouves pas que la voiture fait un drôle de bruit ? »
« Nicky, c’est ton cœur que tu entends… c’est ton cœur. »
Et elle dépose un tendre baiser sur la joue de son mari.
« Allez ! Roule idiot. »
Les pneus de la voiture crissent sur le gravier du parc. L’allée et le jardin sont éclairés par une centaine de flambeaux. Ils rangent leur voiture auprès d’autres véhicules déjà stationnés et se présentent sur le haut du perron d’une splendide demeure.
« Emma, il est encore temps de faire demi tour, tu sais ? »
« Tais-toi ! Fais comme moi, ouvre ton manteau et prend ma main. »
Sans plus attendre elle appuie sur le bouton de la sonnette le cœur battant. Ils attendent quelques secondes et la lourde porte s’ouvre. Un majordome les invite à entrer dans un vestibule de bonne taille, fermé au reste de la maison par de lourds rideaux pourpres. Alors qu’ils retirent leurs manteaux pour qu’ils soient pendus avec d’autres, ils écoutent les bruits qui proviennent de la maison. Valse de Vienne, petits rires, verres qui s’entrechoquent, chuchotements.
Les « blabla » cessent net lorsque le rideau s’ouvre. Monte alors un « Hoooo ! » indéfinissable.
Est-ce de l’admiration, du mépris, du dégoût ou bien tout simplement de la surprise ? Ils ne parviennent pas à le définir, mais cela leur glace le sang.
Le majordome les invite à le suivre. Ils traversent une salle immense ou une centaine de convives, habillés sur leurs trente et un, semblent avoir été soudainement pétrifiés. Tout les regards sont figés et fixent le couple. Arrivée à mi chemin, Nicky, agacée, interpelle le valet.
« Inutile de poursuivre, nous nous sommes trompés, cette soirée n’est pas pour nous. Veuillez nous reconduire, s’il vous plait ! »
« Effectivement, monsieur, cette soirée n’est pas la votre. Monsieur Demaison vous attend au sous sol ou je pense, vous serez plus à l’aise. Suivez moi je vous prie. »
Ils reprennent la traversé de la salle en détaillant les invités. Pour la plupart vieux et ridés, ils font penser à de vieux bourgeois du début du siècle. D’ailleurs, les robes de ces dames pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un bal costumé, tant elles semblent démodées, défraîchies et sortant de la naphtaline pour l’occasion.
Près du grand escalier, une petite porte est ouverte.
« Je vous en prie, monsieur Demaison vous attend en bas. Bonne soirée. »
Et le majordome disparaît dans la foule des momies.
« Que fait-on, Emma ? Il est encore temps de faire marche arrière, tu sais !? »
« Même pas en rêve ! J’ai trop envie de savoir la suite. Hihihi ! »
C’est main dans la main qu’ils descendent l’escalier de pierre. Celui-ci tourne sur la gauche et débouche sur ce qui semble être une grande cave voûtée soutenue par des colonnes de pierre. Entre chaque pilier, sont installés de grands canapés de cuir rouge, face auxquels sont disposées de multiples tables basses en verre, garnies de sauts à champagne et de petits fours. De nombreuses bougies dispersées de ci de là créent un éclairage plus que tamisé et font danser les ombres sur les murs.
« Les voilààà ! Enfin, les voilà ! Mon dieu que vous êtes belles, heuuu ? Oui, belles. Je vous en prie, suivez moi jusqu’au bar. Venez ! Venez !»
C’est un grand bonbon rose qui vient de leur sauter dessus pour les embrasser et les serrer fort dans ses petits bras maigrichons. Mais qu’est il arrivé à l’homme poussiéreux qu’ils avaient rencontré la veille ? Plus de costume terne, plus de lunette ronde. Certes un peu trop pastel, mais c’est un homme élégant, souriant et charmant qui leur fait traverser la cave au milieu d’une vingtaine de personnes beaucoup plus souriant, colorées et moins vêtues qu’à l’étage du dessus.
Est-ce cet homme tout de cuir vêtu qui fait qu’ils se sentent à l’aise ? Ou bien encore cette superbe blonde couverte d’une tunique si transparente que l’on aperçoit sans effort son sexe lisse et gourmand ? À moins que ce ne soit ce mâle superbement sculpté qui besogne en levrette et à un rythme soutenu, une fille de vingt ans sa cadette. Quoi qu’il en soit, quand ils atteignent le bar au fond de la cave, ils se sentent déjà chez eux.
« Ici, c’est la face cachée de la lune. Huissier le jour, coquin la nuit. Là haut, c’est le monde des emmerdeurs de tout poil, ici c’est mon paradis, mon jardin secret.»
Emma, amusée, ne peux s’empêcher de lui dire :
« Nous l’aurions parié, vous savez !? »
« Que j’étais coquin ? »
« Nonnnnn ! Hihihi ! Que vous étiez huissier ! »
Nicky surprise et gênée, s’exclame :
« Emma ! Ca ne va pas, non !? Excusez là monsieur Demaison. »
« Hahaha ! Votre épouse est charmante. Ne vous inquiétez pas, j’ai souvent entendu cela, et j’adore la franchise. Alors tout va bien. »
Il sert deux grandes coupes de champagne.
« Vous ne trinquez pas avec nous ? »
« Plus tard, Nicky. Je dois aussi faire acte de présence chez les grabataires, là haut. Notoriété oblige. »
Il fait un baise main à Emma et sans hésiter fait de même à Nicky avant de disparaître au milieu d’un groupe de danseurs de slows, collés, collés.
Emma veux faire remarquer à son mari que monsieur Demaison était beaucoup plus sympathique ainsi, mais elle n’en a pas le temps. Un couple charmant les accoste et leur dit :
« Bonsoir. Nous avons cru comprendre que vous étiez invités pour la première fois. Emma et Nicky ? C’est bien ça ? Nous serrions très heureux de vous présenter à nos amis. »
L’homme, plutôt décontracté, chemisette et jean, parait très sympathique. Elle, une merveille venue directement d’une bande dessinée du style « Barbarella », n’est vêtue que d’un string de soie noir et d’un soutien gorge percé laissant apparaître deux pointes bien dressées et provocatrices.
Ils ont à peine le temps d’échanger un dernier regard que les tourtereaux sont séparés. Nicky est entraînée par la demoiselle vers un groupe et Emma au bras du bel étalon, vers un autre. Ils comprennent qu’ils ne passeront pas toute la soirée ensemble.
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