– Episode de « Dialogues Interdits », série de petites histoires complètes ayant la particularité de ne comporter que des dialogues, sans aucune narration… –
— Tu as déjà eu une tête tranchée en cadeau de Saint-Valentin ?
— Hein ? Oui bien sûr, chaque année. Heu… Franchement c’est quoi cette question.
— Ben, parce que moi oui. Ou plutôt un bout de tête en plastique.
— Laisse-moi tenter de décoder. Un sextoy ?
— On peut le dire comme ça. Je n’ai jamais eu de cadeau aussi vexant et décevant.
— Réjouis-toi, de nos jours on se fait beaucoup moins de cadeaux à cette date.
— Oui, et tu me diras que c’est mieux que rien. J’aurais préféré rien.
— Encore elle t’aurait offert un truc à t’enfoncer dans le trou, je comprendrais que ça te froisse. Une bouche à piper, par contre… Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit, non ?
— Bah, oui…
— Ou bien elle t’a donné une bouche masculine, pour rigoler ?
— Non, c’est bien une bouche féminine.
— Tu aurais voulu qu’elle t’offre une poupée gonflable en entier ?
— Je crois que ç’aurait été pire ! Puis surtout bien moins discret. Elle voulait m’offrir un accessoire de poche, que je puisse fourrer facilement dans mon sac.
— Le nouveau plan vigipirate va pas te faciliter la vie. Depuis qu’il faut ouvrir ses affaires à tout bout de champ devant des agents de sécurité, faut faire gaffe à ce qu’on embarque.
— Parce que tu crois que je vais me trimballer avec ?
— Je sais pas, c’est un présent. En principe faut l’utiliser un peu, au moins pas politesse.
— Tant pis pour la politesse.
— Léa aime pas du tout sucer ?
— Si ! C’est surtout qu’on n’a pas la même vision de l’acte.
— Tu aimes jouir dans sa bouche et elle non.
— Notamment. On a du mal à se comprendre. Elle, elle dit que j’ai qu’à recevoir une giclée et que je comprendrai. Moi je lui réponds que ça a rien à voir, qu’elle c’est une fille, donc faite pour recevoir des giclées tandis que moi non. Et puis on s’engueule.
— D’autres oppositions ?
— J’adore la turlutte improvisée. Vite fait bien fait dans un coin, je sors ma queue, enfile une capote, elle s’accroupit, suce, astique, je jouis, je noue la capote, la jette à la poubelle et hop ! On poursuit notre route.
— Elle pourrait te faire jouir à l’extérieur. Pourquoi une capote ?
— Plus pratique. Aucun risque d’en mettre n’importe où. Et puis, on a beau avoir une relation stable, on se permet des libertés. On a chacun tendance à coucher ailleurs et…
— Et faudrait pas que tu lui refiles un truc. La pipe improvisée ne lui plaît pas du tout ?
— Sexe improvisé ou pas, elle tient à être toute nue pour tout acte, et que je sois nu également. Quitte à se désaper derrière une poubelle.
— Ah oui ! Ce qui complique l’affaire… et multiplie les risques.
— À mon sens, ce n’est pas du tout le concept de la pipe ! Le principe c’est une alternative pratique à la baise… Quand chacun a très envie et qu’il n’y a aucun endroit intime à disposition, une braguette dézippée, une bouche et hop !
— Heu, pour ma part j’aime beaucoup bien au chaud dans une chambre, et sans que ce soit une « alternative » à la baise, mise à part quand ma copine a ses règles. Après, t’as l’air un peu égoïste, non ? Avec tes désirs de rue, le garçon jouit et jamais la fille.
— Je me ratt**** ensuite ! Au plumard je lui fais très bien l’amour.
— Ils disent tous ça.
— Elle me l’a dit.
— Elles disent toutes ça !
— Oh, tais-toi… Alors comme elle me sait frustré, elle est allée dans un service spécial de sexshop. Ils lui ont scanné les lèvres, les joues et l’intérieur de la bouche avec un appareil, puis ils ont fabriqué un sextoy personnalisé avec une imprimante 3 D.
— On n’arrête pas le progrès.
— Arrête de te moquer ! Ce machin est un vrai cauchemar. J’ai l’impression d’avoir tué Léa et de l’avoir découpée en rondelles. C’est un cadeau empoisonné. Voulu, peut-être ?
— Possible, dans le sens où elle doit t’envoyer un message. Un objet sexuel s’utilise n’importe où n’importe quand, s’use peu et ne dit jamais non. Un être humain, par contre…
— Je crois que le message a été reçu.
— Si ta Léa s’est autant investie pour ce cadeau c’est que tu comptes pour elle. Une autre t’aurait jeté. Perso, je trouve qu’elle t’a joué un bon tour.
— En attendant je vais balancer cette horreur.
— Tu plaisantes ? Donne-le moi. J’ai toujours rêvé de savoir ce que ça faisait de me faire sucer par ta copine.
– En bonus, un petit interlude en attendant la suite –
Terme inadéquat
— Faudrait arrêter avec ce terme : « partenaire ». Vraiment pas du tout approprié.
— Plus un ! On devrait plutôt dire « amant », « mec », « petit copain » ou que sais-je, même pour le coup d’un soir.
— T’as pas compris : je parle du terme « partenaire » dans le cadre du travail.
— Ah ? Tu voudrais quoi à la place ?
— « Collaborateur » par exemple.
— Ça fait nazi.
— N’importe quoi.
— Qu’est-ce qui te gêne au juste dans le terme « partenaire » ?
— Ben, le fait qu’on l’utilise pour deux cas très différents : le travail et la baise. On dit qu’il faut pas mélanger travail et baise et pour ma part je suis d’accord. Commençons par ne pas faire de mélange grammatical.
— La langue française est ainsi que veux-tu, il y a des tas de mots à plusieurs significations.
— Au bureau on n’arrête pas de me présenter des « partenaires ». À chaque fois j’ai une image de sexe qui me vient à l’esprit et je me déconcentre dans mon travail. Pas possible !
— La raison pour laquelle tu voudrais qu’on arrête de prononcer le mot est inavouable, voilà le problème…
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